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Infectiologie

Publié le 21 juin 2023Lecture 6 min

Infection congénitale à CMV - Circonstances diagnostiques, dépistage, suivi

Muriel NICLOUX, Responsable de l’équipe pédiatrique Néonatalogie, maternité, consultations, Hôpital franco-britannique, Levallois-Perret

L’infection congénitale à cytomégalovirus (cCMV) est la principale cause non génétique de surdité et de retard mental et la 2e cause de paralysie cérébrale. Sa prévalence est estimée à 0,2-2 % des grossesses. Le risque d’atteinte auditive ou neurodéveloppementale semble équivalent si elle survient après une primo-infection maternelle ou une réactivation virale chez une femme enceinte préalablement immunisée. Environ 90 % des nouveau-nés ayant une cCMV sont cliniquement asymptomatiques. Leur risque de séquelles neurosensorielles est estimé entre 5 et 15 %. Parmi les 10 % des nouveau-nés symptomatiques, 17 à 60 % présenteront des séquelles permanentes selon les études et les définitions.

Quand suspecter une cCMV ?   • Les signes cliniques possibles : poids ou périmètre crânien < - 2 DS, présence de pétéchies, purpura persistant, ictère sévère ou persistant, hépato-splénomégalie, ou signes neurologiques (léthargie, hypotonie, convulsions, anomalie à l’examen). Le dépistage est recommandé lorsqu’au moins un signe compatible avec une cCMV est présent. • Les signes biologiques possibles : anémie, thrombopénie dans la première semaine de vie, leuconeutropénie, cytolyse hépatique, ictère à bilirubine conjuguée, anomalies du LCR, PCR CMV positive dans le sang, les urines, la salive et le LCR. • Les signes à l’imagerie Les signes visibles à l’ETF (échographie transfontanellaire), non spécifiques du CMV, imposent sa recherche : calcifications, kystes péri-ventriculaires, sousépendymaires ou de germi nolyse, dilatation ventriculaire, anomalies de la subs ance blanche, atrophie corticale, polymicrogyrie, hypoplasie cérébelleuse, vasculopathie lenticulostriée. L’IRM cérébrale, décidée au cas par cas, est complémentaire de l’ETF. • Les troubles auditifs peuvent être uni- ou bilatéraux et d’intensité variable. Leur présence à la naissance doit faire rechercher une cCMV. C’est une recommandation de la conférence de consensus européenne. • Les signes ophtalmologiques doivent être recherchés en cas de cCMV confirmée : hémorragie rétinienne, chorio-rétinite, atrophie optique, strabisme, cataracte. Ils sont significativement associés aux formes symptomatiques et quasi inexistants dans les formes asymptomatiques.   Qui dépister ?   Ce qui fait consensus : le dépistage ciblé – en cas d’anomalies fœtales échographiques et/ou IRM, et PCR CMV positive sur liquide amniotique ; – en cas de séroconversion maternelle en cours de grossesse : dépister le nouveau-né quel que soit le résultat de l’amniocentèse, car il existe des faux-positifs et des faux-négatifs ; – en cas de signes anté- ou postnataux compatibles avec une cCMV ; – en cas d’atteinte auditive, quelle qu’elle soit ; – Il n’est pas recommandé de dépister les enfants ayant un petit poids pour l’âge gestationnel isolé (0,5 à 2 % de CMV positifs). Pas de consensus pour dépister les prématurés (afin de distinguer une infection post-natale éventuelle) ni les nouveau-nés de mères préalablement immunisées en l’absence de signe évocateur. Dépister dans les 3 premières semaines de vie. Comment ?   • Une PCR CMV sur la salive peut être faite à la naissance, peu invasive, mais des faux-négatifs sont possibles. Il est préférable de faire ce test avant une mise au sein car la PCR CMV est positive dans le lait de mère chez 96 % des femmes immunisées. • La PCR CMV dans les urines est le test de référence avec 100 % de sensibilité et 99 % de spécificité. Un test négatif exclut une cCMV. • La PCR CMV dans le sang. Une recherche rétrospective sur carton de Guthrie est possible, mais sa sensibilité est faible et un test négatif n’exclut pas une cCMV.   Quelles investigations après la naissance ? On réalise un bilan clinique, biologique et d’imagerie chez tout enfant suspect de cCMV : examen clinique minutieux avec mensurations, NFS, ASAT, ALAT, bilirubine totale et conjuguée, fonction rénale (avant un éventuel traitement), PCR CMV dans la salive et/ou les urines, dans le sang (mais pas de valeur pronostique), ETF, fond d’œil par un ophtalmologiste expert, OEA (Oto-émissions acoustiques) et PEA (Potentiels évoqués acoustiques) (recommandé). L’IRM cérébrale sera discutée au cas par cas selon les données anté- ou postnatales. La ponction lombaire n’est pas réalisée en routine et n’a pas d’intérêt pronostique prouvé.   Les cCMV sont alors classées selon leur sévérité : • cCMV modérées à sévères : atteintes multiples attribuables au CMV (thrombopénie, pétéchies, RCIU, hépatite, cholestase) et/ou atteinte du système nerveux central (microcéphalie, calcifications, ventriculomégalie, hyperéchogénicité péri-ventriculaire, anomalies corticales ou cérebelleuses), anomalies du LCR pour l’âge, anomalies ophtalmologiques, trouble auditif, PCR CMV positive dans le LCR. • cCMV bénigne ou « mildly symptomatic » : présence d’1 ou 2 manifestations de cCMV modérées ou transitoires : hépatomégalie, thrombopénie ou cytolyse hépatique, poids < - 2 DS pour l’âge gestationnel avec périmètre crânien normal. • cCMV avec trouble auditif isolé • cCMV asymptomatique : aucun signe n’est présent et l’audition est normale.   Symptomatiques ou asymptomatiques ? Selon les études, le caractère asymptomatique est défini par un examen clinique normal, même en présence d’un trouble auditif ou une anomalie minime à l’ETF. D’autres études considèrent ces enfants comme symptomatiques : l’interprétation quant à leur devenir est donc différente.   Qui traiter ?   Les recommandations actuelles de l’International Congenital Cytomegalovirus Recommendations Group sont : – traitement des nouveau-nés présentant une forme symptomatique modérée à sévère de cCMV par le valganciclovir par voie orale en priorité ; – démarrer le traitement dans le premier mois de vie ; – la durée de traitement ne doit pas excéder une durée de 6 mois.   Quel suivi ?   Un suivi régulier du développement psycho-moteur est mis en place tous les 6 mois jusqu’aux 3 ans puis tous les ans, ainsi qu’un examen ophtalmologique précoce, en début de traitement, puis tous les ans selon les cas. Un test auditif et vestibulaire est prévu tous les 3 à 6 mois pendant 6 ans, puis tous les ans jusqu’à 19 ans. Le rythme de surveillance peut varier selon les équipes et est aussi adapté à l’évolution de l’enfant.   Quels facteurs prédictifs de survenue de séquelles ?   Une infection fœtale du premier trimestre de grossesse est significativement associée à des cCMV plus sévères et des séquelles auditives ou neurologiques. Un suivi échographique cérébral fœtal normal semble associé à un bon pronostic auditif et neurologique. En post-natal, les éléments cliniques sont les plus prédictifs de séquelles à long terme. Certains auteurs rapportent un taux de surdité et des troubles cognitifs respectivement de 58 % et 55 % chez les enfants symptomatiques versus des taux de 7,4 %, et 3,7 % chez les enfants asymptomatiques. Les enfants asymptomatiques semblent avoir un développement psycho-moteur comparable aux enfants non infectés par le CMV. La charge virale n’est, pour le moment, ni un facteur prédictif de survenue de séquelles ni un élément décisionnel d’initiation d’un traitement anti-viral.   Apports de l’imagerie cérébrale post-natale Les signes visibles à l’ETF, non spécifiques du CMV, doivent être pris en compte dans l’évaluation néonatale globale de l’enfant ayant une cCMV. Les anomalies à l’ETF ou à l’IRM sont plus fréquentes chez les enfants symptomatiques, et significativement associées à des séquelles auditives. En revanche, une ETF normale semble associée à un très bon pronostic neurologique et auditif, voire même à un devenir superposable à celui d’un groupe contrôle sans cCMV.   Conclusion   L’absence d’information suffisante sur la prévention de la cCMV, l’absence de recommandations sur le dépistage systématique maternel et/ou néonatal, sur la stratégie de prise en charge et le traitement, et l’absence de vaccin validé, gênent la mise en place de politiques sanitaires visant à réduire les effets de la cCMV. Le dépistage du CMV à la naissance est actuellement ciblé. L’indication du traitement est évidente dans les formes symptomatiques, mais malgré l’impact possible à long terme d’une cCMV, les critères thérapeutiques restent flous dans les présentations cliniques intermédiaires, fréquentes : leur traitement ne fait pas consensus car les signes présents n’ont pas toujours prouvé leur caractère pronostique. Le suivi clinique et auditif prolongé est primordial pour adapter la prise en charge des enfants et améliorer le pronostic, car les troubles auditifs d’apparition retardée sont possibles.

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