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Infectiologie

Publié le 31 mar 2023Lecture 4 min

La prescription des probiotiques chez l’enfant en 2023

Catherine FABER, Paris

Les probiotiques sont l’un des outils de modulation du microbiote intestinal actuellement disponibles. La Société européenne de gastroentérologie pédiatrique (ESPGHAN*) vient de publier des recommandations concernant leur prescription dans les troubles gastro-intestinaux de l’enfant(1).

 

*ESPGHAN : European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition.

Le microbiote intestinal (MI) se met en place en trois phases distinctes : une phase de développement, entre la naissance et 14 mois de vie, au cours de laquelle le tube digestif est colonisé par des bactéries provenant de l’environnement et de l’alimentation, dont certaines vont s’implanter et d’autres disparaître ; une phase de transition, entre environ 15 et 30 mois, caractérisée par une augmentation de la diversité des espèces bactériennes ; une phase de stabilisation à partir du 31e mois jusqu’à environ 5 ans, âge auquel le microbiote s’approche de la complexité de celui d’un adulte. Le MI comporte aussi des champignons (mycobiome) en plus faible proportion, des archae et des virus, notamment des bactériophages. Ce virome intestinal évolue au cours des 2 à 3 premières années de vie. Il joue certainement un rôle dans le contrôle des bactéries qui s’établissent chez l’enfant et, de ce fait, dans le développement de son système immunitaire. Le MI est en effet essentiel pour la maturation du système immunitaire. Il a également d’importantes fonctions métaboliques et de barrière contre les pathogènes. Son établissement est influencé par l’âge gestationnel, le mode d’accouchement, le mode d’alimentation, l’environnement familial et les antibiotiques. La période néonatale est cruciale et considérée comme une fenêtre critique. On ne sait pas encore si le déséquilibre de la composition du MI ou dysbiose est une question de diversité ou la traduction d’une perte de bactéries bénéfiques ou d’une augmentation des bactéries potentiellement délétères (pathobiontes). Les conséquences cliniques à long terme de la perturbation du MI sont mal connues. Un lien a été mis en évidence entre la naissance par césarienne, la prématurité et l’exposition précoce aux antibiotiques – y compris aux antibiotiques pris par la mère en perpartum –, qui modifient ou retardent l’établissement du MI, et le développement de certaines maladies chroniques telles que les allergies, l’asthme, les MICI, l’obésité, des pathologies neurodéveloppementales, etc. C’est le concept de l’origine développementale de la santé et des maladies (théorie des 1 000 premiers jours de vie). Les outils actuels de modulation du MI incluent les probiotiques, les prébiotiques, les synbiotiques et la transplantation de microbiote décal ou vaginal(2,3).   Ce que disent les recommandations Différentes études suggèrent que la dysbiose du MI est impliquée dans les troubles fonctionnels intestinaux de l’enfant en tant que facteur étiologique des coliques ou facteur de risque des douleurs abdominales récurrentes (syndrome de l’intestin irritable ou du côlon irritable). D’après une étude française récente auprès de médecins de ville, les coliques du nourrisson affectent 18 % des nourrissons de moins de 1 an selon les critères de Rome IV. De nombreux médecins (54 % à 98 % selon les études(4,5)) utilisent des probiotiques dans les coliques du nourrisson. Les probiotiques ont montré leur efficacité dans le traitement curatif des coliques chez les nourrissons allaités par leur mère. Dans cette indication, l’ESPGHAN recommande la prescription de Lacobacillus reuteri et de Bifidobacterium BB-12 pour les enfants allaités(1). Les recommandations européennes préconisent la prescription de L. rhamnosus GG pour réduire à la fois la fréquence et l’intensité des douleurs abdominales et la prescription de L. reuteri uniquement pour en réduire l’intensité. Enfin, les probiotiques ne font l’objet d’aucune recommandation dans la prise en charge de la constipation. On peut néanmoins essayer d’en donner en traitement de fond chez certains enfants dans l’idée de diminuer les laxatifs (1). La diarrhée associée aux antibiotiques est une autre indication reconnue des probiotiques. Son incidence globale chez l’enfant est de 11 % et atteint 18 % dans la tranche d’âge de 1 mois à 2 ans. Les probiotiques recommandés en prévention de cette diarrhée sont Saccharomyces boulardii CNCM I-745 et L. rhamnosus GG ATCC 53103 (grade modéré). La meilleure efficacité est obtenue avec une administration simultanée à celle des antibiotiques et poursuivie pendant 1 à 2 semaines après l’arrêt de l’antibiothérapie. Dans la diarrhée aiguë infectieuse, des recommandations positives ont été émises pour ces deux souches de probiotiques (niveau de preuve faible, grade modéré), ainsi que pour L. reuteri DSM 17938 et l’association L. rhamnosus 19070-2 avec L. reuteri DSM 12246 (niveau de preuve très faible, même grade). Les probiotiques étant des compléments alimentaires, ils ne nécessitent pas de prescription médicale et ne sont pas remboursés. L’ESPGHAN a défini des critères de qualité des produits commerciaux contenant des probiotiques (6). Ces derniers doivent être présents en nombre suffisant à la fin de la durée de conservation, traverser le tractus gastro-intestinal en résistant à l’acide et à la bile, coloniser l’intestin et conserver les propriétés fonctionnelles requises pour obtenir l’effet bénéfique suggéré. Le produit doit aussi être exempt de toute contamination.

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