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ORL et Stomatologie

Publié le 31 mar 2023Lecture 6 min

Épistaxis de l’enfant : l’essentiel à savoir

Nicolas LEBOULANGER(1,3), Charlotte BENOIT(2,3) - 1. ORL et chirurgie cervico-faciale, hôpital Necker-Enfants malades, Paris ; 2. ORL et chirurgie cervico-faciale, hôpital Robert-Debré, Paris ; 3. APHP, Université Paris Cité

Une épistaxis est un saignement en provenance des fosses nasales. Elle est très fréquente, bénigne dans l’immense majorité des cas chez l’enfant et, en pratique, souvent facile à différencier d’une hématémèse ou d’une hémoptysie. Toutefois, malgré la grande fréquence de ce symptôme, quelques situations doivent alerter le clinicien(1).

La fréquence des saignements ainsi que leur abondance potentielle sont expliquées par la très riche vascularisation des fosses nasales, d’origine double carotidienne externe (par sa branche terminale, l’artère sphéno-palatine) et interne (par les branches terminales de l’artère ophtalmique qui traversent l’ethmoïde pour irriguer les fosses nasales depuis le cône orbitaire). La muqueuse nasale est de plus exposée au froid, aux poussières, aux irritants et aux doigts ! À portée de phalange, justement, sur la cloison nasale se situe une zone d’anastomoses vasculaires, riche en petits vaisseaux parfois visibles : la tache vasculaire.    Évaluation du patient Les critères de gravité d’une épistaxis peuvent être rapidement recherchés par l’interrogatoire et l’examen clinique : fréquence, abondance, pathologies et prises médicamenteuses associées, signes d’anémie, voire de déglobulisation aiguë, etc. Le volume de sang effectivement perdu est souvent difficile à estimer en raison du fractionnement du saignement Les causes banales et celles à ne pas manquer • L’épistaxis bénigne : la plus fréquente Elle représente à elle seule plus de 95 % des épistaxis. Elle concerne des enfants ou adolescents à partir de 7-8 ans en général, qui présentent des saignements issus de la tache vasculaire (figure 1) favorisés par le grattage, les efforts, l’exposition solaire et l’air sec. Ces épistaxis sont volontiers récurrentes, par périodes, et de faible abondance. Elles disparaissent après la puberté en général. Figure 1. Cloison nasale, vue endonasale droite. Tache vasculaire bien visible.   • Corps étranger et traumatismes Un traumatisme nasal est évident à l’anamnèse et/ou à l’examen dans la plupart des cas. Un corps étranger récemment introduit, chez les enfants les plus petits, peut être responsable d’un saignement unilatéral au début, avant d’être remplacé par une rhinorrhée malodorante. • Inflammation et infection La plupart des rhinites et rhinosinusites peuvent s’accompagner de petites traces hémorragiques lors des mouchages, sans gravité. • Pression artérielle et maladies hémorragiques L’hyperpression artérielle et les maladies hémorragiques sont de diagnostic aisé, ainsi que les saignements secondaires à des prises d’anticoagulants. La priorité est au traitement de la cause. Un cas particulier est celui de la maladie de Rendu-Osler qui peut être responsable de saignements chroniques invalidants • Pathologies tumorales bénignes Les polypes bénins comme rencontrés dans les polyposes nasosinusiennes ne sont pas responsables d’épistaxis, ou tout au plus de minimes traces sanglantes lors de surinfections et d’efforts de mouchages, mais elles doivent alerter si elles perdurent. De même, le polype antro-choanal, volumineux, isolé et bénin n’est jamais responsable de saignement. L’angiofibrome, ou fibrome naso-pharyngé (FNP), est lui au contraire souvent révélé par des épistaxis importantes, récidivantes, associées à une obstruction nasale progressive. Le FNP ne touche que les garçons sur la tranche d’âge 10-18 ans. Sa vascularisation est telle que son exérèse chirurgicale doit impérativement être précédée d’une embolisation endovasculaire par un radiologue interventionnel (figures 2 et 3). . Figure 2. Vue endonasale gauche. Au fond, angio-fibrome.   Figure 3. IRM faciale en coupe axiale. En hyper- signal, angiofibrome emplissant les fosses nasales et le cavum.   « Les polypes bénins ne sont pas responsables d’épistaxis »   • Pathologies tumorales malignes La plupart des tumeurs malignes des fosses nasales et des sinus peuvent s’accompagner de saignements. Ces derniers sont en général peu abondants, unilatéraux et associés à d’autres signes locaux progressifs : obstruction nasale, déformations, adénopathies, etc. Surtout quand ils sont unilatéraux, ces signes doivent impérativement faire orienter le patient vers une consultation d’un ORL.     Quelle prise en charge ? • Mouchage et compression bidigitale C’est la première étape indispensable qui permet de stopper plus de 90 % des saignements chez l’enfant. Après mouchage, le patient doit s’asseoir au calme, penché en avant et pratiquer une occlusion du nez en pinçant les deux ailes du nez (donc la partie basse) et rester immobile ainsi (sans lever la compression) pendant 5 minutes. Ce geste, si besoin répété, est très efficace. Il est conseillé, une fois le saignement contrôlé, d’appliquer une pommade cicatrisante grasse (type pommade HEC®) pendant plusieurs jours pour faciliter la cicatrisation de la muqueuse(2). • Méchage antérieur Tout praticien devrait, en théorie au moins, savoir réaliser un méchage antérieur. Il est heureusement très rare d’avoir besoin d’y recourir chez l’enfant, hors chirurgie ORL ou réanimation. Un méchage antérieur se fait chez un patient aussi calme que possible, dans l’idéal après mouchage et méchage doux préalable (coton) par lidocaïne + naphazoline (chez les plus de 6 ans) ou sérum adrénaliné (moins de 6 ans, en général 0,25 mg dilué dans 10 ml de sérum physiologique) pendant au moins 5 minutes. Le matériel de méchage est ensuite inséré grâce à une pince de Politzer (figure 4) parallèlement au plancher des fosses nasales, c’est-à-dire horizontalement. Le méchage est un geste douloureux et son indication doit être sérieusement réfléchie.   « Tout praticien devrait savoir réaliser un méchage antérieur »   Figure 4. Plateau de méchage. À gauche, de haut en bas : spéculum nasal, pince de Politzer, Surgicel®  ; à droite de haut en bas :Xylocaïne naphazolinée®, écarteur narinaire, mèche Mérocel® sèche puis humidifiée.   Différentes mèches peuvent être utilisées (Algostéril®, Mérocel®, Surgicel®, etc.) mais deux règles sont fondamentales : – en cas de troubles de l’hémostase, seules des mèches résorbables doivent être utilisées (ex : Surgicel®) ; – et tout ce qui est introduit et non résorbable doit pouvoir facilement être retiré, c’est pourquoi on ne fractionne pas les mèches. Un méchage antérieur n’a pas vocation à être systématiquement bilatéral : si la mise en place unilatérale permet le contrôle du saignement, on peut s’en tenir là. C’est aussi beaucoup plus confortable pour le patient. Une fois en place, le méchage doit être maintenu humide par l’instillation régulière de sérum physiologique et toujours couvert par une anti-biothérapie (ex. : amoxicilline + acide clavulanique). Si un excédent de mèche (notamment résorbable) sort par la narine, il est possible de la couper pour que l’enfant ne tire pas dessus. La plupart des méchages sont laissés en place 24 à 48 h maximum. • Méchage antéro-postérieur C’est l’étape suivante, en cas de méchages antérieurs répétés et inefficaces. Un méchage antéro-postérieur n’est en général réalisé qu’en milieu hospitalier. Il consiste à exclure les fosses nasales en obturant les orifices antérieur et postérieur par une sonde à double ballonnet (figure 5). Un des avantages de ces sondes est qu’il est possible de dégonfler les ballonnets pour limiter les lésions muqueuses et surtout vérifier si le saignement perdure tout en les laissant temporairement en place.    Figure 5. Sonde à double ballonnet.   • Et à part les méchages ? Hors période de saignement, il est possible de cautériser une tache vasculaire, en général au nitrate d’argent. Ce geste est simple à réaliser et peut être répété si besoin, en se rappelant qu’on ne traite qu’un côté à la fois. En période aiguë, l’application d’acide tranexamique en topique a été décrite, avec des résultats semble-t-il satisfaisants(3). De nombreuses autres techniques sont possibles, spécialisées et réservées au milieu hospitalier : coagulation d’une ou des deux artères sphéno-palatines par voie endonasale, coagulation des artères ethmoïdales par voie externe, embolisation des branches de la carotide externe par voie endovasculaire (réalisée par les radiologues interventionnels) et enfin, en dernier recours, ligature de la carotide externe par voie cervicale. À part, et surtout dans le cas d’une maladie de Rendu-Osler, des injections muqueuses de produits sclérosants et des traitement généraux sont possibles(4). Exceptionnellement, un démucosage nasal extensif ou une obstruction nasale chirurgicale définitive, respectivement les interventions de Saunders et Young, sont les recours ultimes chez des patients présentant une maladie de Rendu-Osler très avancée prise en charge dans des centres spécialisés.  

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