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Adolescence

Publié le 05 déc 2022Lecture 7 min

Adolescence et maladie chronique : transition des soins, transition de vie - Comment accompagner les adolescents au moment de la transition pédiatrie/services d’adultes ?

Hélène MELLERIO*,**,***, Paul JACQUIN*,*** *Plateforme de transition AD’venir, Service de médecine d’adolescent, hôpital Robert Debré, (AP-HP), Paris

En France, 15 % des enfants et adolescents sont porteurs de maladie chronique (MC) et 4 % de celles-ci sont considérées comme des « affection de longue durée » (ALD) selon l’Assurance maladie. En constante augmentation, ce chiffre traduit la diminution de la mortalité pédiatrique des enfants atteints de maladies sévères, atteignant dorénavant l’âge adulte (mucoviscidose, cancers, etc.), mais aussi l’incidence croissante des maladies liées au mode de vie comme l’obésité. Vers l’âge de 18 ans, ces jeunes vont quitter la pédiatrie pour les services pour adultes (SA). Ce passage imposé dans le parcours de soins expose au risque de rupture du suivi médical, associé à un surrisque de complications aiguës et chroniques, voire de mortalité. Ces ruptures peuvent concerner jusqu’à un tiers des jeunes.

La transition, un simple transfert ? Dans les années 1990, la question de la transition de la pédiatrie (SP) vers les services pour adultes (SA) a émergé. Plus large que le simple « transfert » (changement ponctuel de lieu de soins), la transition implique l’accompagnement du développement global de l’adolescent, de sa santé à son projet de vie, et son empouvoirement (empowerment) pour l’aider à grandir avec la maladie chronique. Il s’agit d’un processus long, qui commence des années avant ce passage et ne s’achève que lorsque le jeune adulte a le sentiment d’être bien suivi en SA. En effet, l’enjeu de la transition est avant tout de permettre la poursuite des soins en SA, sans rupture. Le double défi de la transition L’adolescent vivant avec une MC doit relever un double défi. • Premier défi, accomplir les « tâches développementales » de l’adolescence potentiellement impactées par la maladie ou le handicap : subjectivation, autonomisation et sexualisation. Altération de l’image du corps, retard pubertaire, douleur, traitement lourd, voire hospitalisations, etc. Ces contraintes de la maladie et des soins s’opposent frontalement aux aspirations d’autonomie, de liberté, d’immédiateté, et au besoin d’expérimenter les nouvelles capacités qui caractérisent cette période de vie. La maladie s’immisce aussi dans la construction du projet de vie global, professionnel, familial et social, comme par exemple avec des troubles de la fertilité, un risque de transmissibilité de la maladie au conjoint ou aux enfants, ou encore la contre-indication à un métier, etc. Le risque de rechute ou de mortalité peuvent inhiber le jeune dans sa capacité à se projeter dans l’avenir. En miroir, et souvent inconsciemment, l’entourage entretient cette idée de fragilité de l’enfant, renforçant ainsi son sentiment d’impuissance. • Quitter la pédiatrie et s’adapter à l’univers des SA, de culture très différente représente un deuxième défi pour le jeune Lui et les parents devront faire le deuil du monde pédiatrique, investi quelquefois depuis la naissance, et de soignants qu’ils considèrent parfois comme une « deuxième famille ». En SA, le jeune devient l’acteur principal : il est autonome dans son parcours de soins et noue une nouvelle alliance thérapeutique avec des médecins peu formés à la médecine de l’adolescent ou aux spécificités pédiatriques de la maladie. Lors des premières venues en SA, si les échanges sont insuffisamment sécurisants (parfois pour des « détails » techniques : absence de dossier, consultation trop courte ou avec un autre médecin que celui prévu, etc.), il existe un réel risque d’abandon du suivi et d’errance médicale de plusieurs années. À l’inverse, le vouvoiement et le fait d’être vu comme autonome sont valorisants pour l’adolescent. Enfin, le jeune doit apprendre à gérer les aspects administratifs quelquefois sans appui parental, et coordonner une constellation d’interlocuteurs dont les contraintes s’articulent mal avec celles des études ou de la vie professionnelle. Enfin, l’expérience de côtoyer des malades âgés, atteints de la même maladie à un stade plus dégradé, est parfois choquante et doit être anticipée. “ La transition implique l’accompagnement global de l’adolescent” Le transfert : quel tempo ? Il survient dans une période de changements multiples : fin du lycée (avec ou sans diplôme), orientation (choisie/subie, etc.) vers les études ou vers la vie professionnelle, autonomisation vis-à-vis des parents, avec ou sans décohabitation, engagement amoureux, etc. La mobilité géographique complique aussi le choix du SA et la construction d’un lien stable avec ce dernier. Ainsi, la multiplicité des mouvements peut sembler dépasser les capacités d’adaptation du jeune et contre-indiquer le passage. Pourtant, inscrire la transition dans ce mouvement général est souvent positif, car cela correspond à l’énergie nouvelle du jeune adulte. Passer en SA représente l’aboutissement positif de la prise en charge pédiatrique, la reconnaissance de la maturité et des compétences du jeune, répondant à l’aspiration fréquente à être traité(e) en adulte autonome, non plus comme un enfant. Mais le passage peut être aussi synonyme d’injonction à devenir adulte et signe d’une pathologie définitivement chronique, d’une bascule dans un monde plus sombre, marqué par le vieillissement et les complications.   Des parents en transition Pour les parents, il s’agit de renégocier la place de chacun dans la gestion de la maladie d’un enfant devenant adulte. Ils doivent trouver progressivement leur place d’aidant, en appui de la relation soignant-soigné que vit leur enfant, et en relai de la relation triangulaire enfant-parents-soignant construite en pédiatrie. Ils vivent donc une véritable transition après une longue période de vie souvent très remplie par les soins, et doivent apprendre à lâcher prise sans pour autant abandonner leur enfant. À l’arrivée en SA, leur place mal définie, voire leur mise à l’écart complète peut être très mal vécue, par eux mais aussi par l’adolescent, et compromettre la nécessaire passation de témoin avec la nouvelle équipe. Pourtant, notamment lorsque l’autonomie est limitée à long terme (déficience mentale, pathologie psychiatrique, etc.), les parents sont et resteront souvent très activement impliqués dans les soins. “ La consultation conjointe pédiatre/médecin d'adultes est très appréciée des patients” Accompagner la transition Il existe de nombreux recommandations et programmes de transition, qui s’accordent principalement sur deux axes : encourager l’autonomisation et organiser le parcours de soins. • Encourager l’autonomisation, c’est-à-dire l’acquisition d’une capacité à anticiper l’avenir, associée à la connaissance de ses besoins et des ressources disponibles, dans une perspective d’empowerment. En complémentarité avec l’éducation thérapeutique du patient (ETP), il s’agit pour le jeune de : comprendre sa maladie, son évolution à long terme, les traitements (rôle, effets secondaires) et savoir l’expliquer ; connaître les conséquences des consommations, notamment les conséquences spécifiques liées à sa MC (tabac, alcool, cannabis, etc.) ; savoir s’exprimer avec les soignants, donner son avis, participer aux décisions ; savoir aborder avec eux la sexualité, la fertilité, la transmission de la maladie, le conseil génétique ; acquérir des compétences d’auto-soin et d’auto-surveillance, savoir prendre ses rendez-vous seul ; être informé en matière d’orientation scolaire (restrictions, permis de conduire) ; connaître ses droits sociaux et les formalités administratives (100 %, MDPH [Maison départementale pour les personnes handicapées], etc.) Ceci implique de prendre en compte : la complexité de la maladie et des traitements ; le développement psycho-affectif du jeune ; les troubles psychiques (dépression, troubles du comportement alimentaire, etc.), les conduites à risque (consommations, sexualité à risque), ou les déficiences cognitives ; l’étayage social, en particulier parental. • Organiser le parcours de soins Le tableau reprend les éléments-clés de l’accompagnement à la transition. Le transiteur est une personne incontournable en pédiatrie et/ou en SA pour limiter les perdus de vue lors du passage. Ce peut être un soignant du service de suivi. Facilement joignable, il peut conseiller le jeune, ou seulement réaliser le tracking avec rappel des rendez-vous. Selon les possibilités de terrain, une consultation de préparation à la transition avec des médecins extérieurs au service de référence et formés en médecine de l’adolescent permet de personnaliser l’accompagnement. Elle constitue un espace de parole pour aborder l’expérience de la maladie et les questions d’adolescence, mais aussi un entraînement à voir seul un nouveau soignant. La consultation conjointe pédiatre/médecin d’adultes (éventuellement téléconsultation) est très appréciée des patients, témoin du transfert d’informations et de la confiance entre équipes. Encore peu nombreuses, les plateformes de transition travaillent à la préparation ou à l’inclusion dans le parcours de SA, en partenariat avec les services de référence. Quelles que soit leurs modalités, les programmes de transition doivent être coconstruits en collaboration par les SP et les SA.   En conclusion, on retiendra... La transition vise à ancrer les jeunes atteints de MC dans un parcours de soins pour adultes et doit être préparée de manière personnalisée en fonction de la pathologie, des capacités cognitives et de l’étayage social du jeune. Si les soignants doivent construire des dispositifs de transition pour transmettre les outils nécessaires à l’autonomisation dans une démarche d’empowerment, les parents doivent faire aussi leur pro-pre-transition et repenser leur place auprès de leur enfant.

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