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Pneumologie

Publié le 08 juil 2022Lecture 8 min

Annonce et réannonce diagnostique de mucoviscidose - Regards croisés entre pneumo-pédiatre et médecin d’adolescent

Natacha REMUS*, Adèle CARLIER-GONOD**, *Centre de référence et de compétences pour la mucoviscidose, **Unité de médecine de l’adolescent, service de pédiatrie, Centre hospitalier intercommunal de Créteil

Selon les études et définitions retenues, les maladies chroniques toucheraient 10 à 20 % des enfants et adolescents. Pour ces jeunes et pour leur famille, l’annonce du diagnostic est un moment clé qui déterminera en partie la façon dont ils vont apprendre à vivre avec la maladie. Dans le cas de la mucoviscidose, dont le dépistage néonatal est systématique depuis 2002, les temps de l’annonce sont multiples allant de la période anténatale jusqu’à l’âge adulte. À l’adolescence, les enjeux de développement et de prise d’autonomie sont parfois difficilement compatibles avec les contraintes d’une maladie chronique. La réannonce est alors un préalable indispensable à une nouvelle alliance dans les soins et à ce processus d’autonomisation, en vue d’un transfert réussi dans les secteurs de soins pour adultes. 

Jusque récemment, l’annonce d’une maladie grave était peu ou pas enseignée lors du parcours de formation médicale. Il s’agit pourtant d’une étape clé dans la relation de soins associant le patient, sa famille et son médecin.  En pédiatrie, l’annonce diagnostique d’une pathologie chronique pouvant impacter la qualité de vie, voire engager le pronostic vital, va changer à tout jamais le regard porté par les parents sur leur enfant et sur son avenir. Pour l’enfant qui a grandi avec une maladie dont le diagnostic date de la période anténatale ou périnatale, celle-ci fait partie intégrante de son identité. Le traumatisme de l’annonce est porté par les parents qui doivent alors l’investir positivement tout en faisant le deuil de « l’enfant idéal ». Leur enfant sera porteur de cette histoire, des représentations et croyances familiales autour de son trouble.  Lorsqu’un diagnostic est posé à l’adolescence, la situation est différente car l’adolescent a déjà largement entrepris sa construction identitaire sans la maladie. L’annonce est alors un choc pour le jeune et pour sa famille, et il faudra alors les accompagner pour se reconstruire sans être « comme les autres ». L’annonce dans la mucoviscidose La mucoviscidose est une maladie génétique qui touche principalement l’appareil respiratoire et digestif. L’espérance de vie moyenne est entre 40 et 50 ans, mais il est probable que les patients voient celle-ci augmenter du fait des nouvelles thérapeutiques qui sont déjà commercialisées ou en cours de développement. Les temps possibles de l’annonce dans cette maladie sont multiples. Ils concernent des contextes et des âges de la vie différents :  période anténatale ; suite au dépistage néonatal (période souvent peu symptomatique) ; suite à une symptomatologie évocatrice ; réannonce à l’adolescence. Ces annonces vont aborder de façon progressive le diagnostic de la maladie, les premiers sym-tômes, les complications évolutives possibles, les choix et restrictions qu’elle représente pour l’avenir, l’impact sur la fertilité, la perspective d’une greffe, et aussi parfois le pronostic vital et la fin de vie. Quelles conditions pour une annonce réussie ? En 2008, la HAS a proposé des outils à destination des professionnels de santé annonçant une mauvaise nouvelle. Celle-ci y est définie par « une nouvelle qui change radicalement et négative-ment l’idée que se fait le patient de son (…) être et de son (…) avenir ». Les questions que le professionnel de santé doit se poser avant, pendant et après la rencontre avec le patient et sa famille, sont résumées en annexe afin d’aider le médecin en charge de l’annonce à s’y préparer au mieux(1). De façon générale, il est recommandé de veiller au cadre donné à ce temps de l’annonce d’une mauvaise nouvelle. Nous en rappelons ici quelques éléments clés(2) : 1. L’installation : confortable, dans un lieu calme respectant l’intimité ; impliquant les personnes proches et ressources pour le patient ; permettant de gérer les contraintes de temps et les interruptions (téléphone éteint, pièce fermée, etc.). 2. Le recueil des informations auprès du patient : ce qu’il sait – ses croyances, ce qu’il a compris, ce qu’il veut savoir. 3. Annoncer la mauvaise nouvelle : avec un vocabulaire adapté et choisi, sans excès de brutalité et avec empathie. Les informations sont délivrées progressivement, par petites étapes. 4. Accompagner les réactions : du silence à l’incrédulité, aux pleurs, au déni ou à la colère. Observer et nommer l’émotion puis tenter de la comprendre pour les connecter à l’annonce qui vient d’être faite. 5. Résumer les informations et la stratégie de soins proposée : plan de prise en charge, options de traitement. Annonce à l’adolescence L’annonce d’une mauvaise nouvelle à l’adolescence constitue souvent un « coup de tonnerre » dans le développement d’un jeune jusqu’à présent en bonne santé. Elle peut aussi soulager en venant expliquer des symptômes inquiétants ou évoluant de façon plus ou moins prolongée. Elle doit être faite à l’adolescent et à ses deux parents (même s’ils sont séparés) en s’adressant de façon privilégiée au jeune. Comme pour toute autre annonce, le dispositif en binôme est très aidant, constitué par exemple du médecin « référent » et d’une IDE. La reprise ultérieure des éléments expliqués lors de ce premier entretien est souvent nécessaire à une pleine compréhension de l’information médicale délivrée. Celle-ci tient compte des spécificités développementales de cette période et notamment : du processus d’autonomisation en cours ; du besoin de contrôler son corps en pleine période de mutation ; de la nécessité de pouvoir s’identifier à un groupe de pairs ; de l’opposition par rapport aux parents. Une intervention psychologique est proposée mais pas imposée. Elle ne remplace pas l’investissement et le soutien de l’ensemble de l’équipe soignante. Les réactions qui en découlent sont plus fréquemment du registre de l’opposition ou de la résistance au diagnostic, mettant en jeu l’alliance dans les soins et l’observance. La culpabilité de la mauvaise nouvelle, portée par les parents dans l’enfance, est ici partagée par l’adolescent qui s’en veut de causer autant d’inquiétude à ses proches(4-6).  Dans l’exemple de la mucoviscidose, il peut s’agir de l’annonce d’une complication comme la survenue d’un diabète insulino-requérant qui est vécu comme une deuxième maladie distincte. L’aggravation clinique nécessitant l’instauration d’une oxygénothérapie ou une aide respiratoire à domicile ou l’initiation d’un projet de greffe sont des annonces qui doivent être préparées et fait idéalement en binôme, médecin et IDE.  La réannonce : quand et pourquoi ? Une réannonce devrait être organisée pour les adolescents à partir de l’âge de 12 ans et selon leur degré de maturité et de compréhension. Elle a comme objectifs principaux d’aider le jeune à s’autonomiser dans ses soins grâce à une compréhension et une appropriation nouvelle de sa pathologie, d’améliorer une observance souvent plus fragile à cette période de vie et de préparer la transition.  Au cours de cette réannonce, le médecin doit évaluer avec son patient ses connaissances et représentations autour de la maladie. Dans la situation de diagnostics en période périnatale et de la petite enfance, ces représentations transmises par les proches peuvent être des forces ou des freins dans l’autonomisation du jeune. Il faudra en tenir compte pour adapter l’information à délivrer. La réannonce permet de reprendre les éléments diagnostiques et pronostiques de la maladie, à la lumière de l’évolution des connaissances de la médecine. Elle remet en perspective les symptômes initiaux et leur évolutivité ou fixité attendues en période pubertaire et après. La question de la survenue de complications doit être abordée clairement à cette occasion sans en déléguer la responsabilité aux « médecins d’adulte ». De façon plus générale, recevoir le patient seul pour tout ou partie de la consultation de réannonce, amorce un espace de confidentialité où d’autres sujets de santé pourront être abordés au fil du développement de l’adolescent. Ces temps en individuel, sont l’occasion de parler de l’impact de la maladie et/ou des traitements sur la croissance, le développement pubertaire, la sexualité et le risque de transmission. Les consommations de toxiques doivent aussi être évoquées avec leurs effets sur la pathologie de fond. Pour finir, les conséquences souvent inévitables sur l’équilibre psychologique (dépression, anxiété, éléments traumatiques, etc.) seront questionnées. Ces éléments sont repris dans un article récemment publié, proposant un tableau récapitulatif de suivi selon l’âge du patient(7).  Cette approche autorisera la coconstruction d’un projet de soins cohérent autour du patient intégrant les éléments médicaux de sa pathologie, son histoire individuelle, ses ressources personnelles et environnementales, ainsi que ses envies et projections pour le futur (formation, emploi, voyages, autonomie, etc.).   Le pronostic à long terme de la mucoviscidose va probablement changer avec des nouvelles thérapeutiques. Il est donc nécessaire d’aborder des projets personnels et professionnels avec les jeunes qui ont grandi avec l’image d’une maladie mortelle avant la cinquantaine.  Outils de formation existants La formation à l’annonce d’une mauvaise nouvelle a bénéficié des nouvelles approches pédagogiques se basant sur des mises en situation par simulation, recommandées par la HAS(8). Le réseau des Centres de références et de compétences pour la mucoviscidose (CRCM) français propose depuis plusieurs années des formations par simulation aux équipes de soins. Celles-ci ont pour but une amélioration des pratiques professionnelles et montrent une meilleure satisfaction des soignants confrontés à ces annonces difficiles.  Conclusion Tout au long du suivi d’un patient pédiatrique atteint d’une maladie chronique, les soignants sont confrontés à l’annonce des mauvaises nouvelles : lors du diagnostic initial, lors de la survenue d’une complication et lors de la réannonce de la maladie à l’adolescence. Ces consultations sont des moments importants dans la relation entre le patient, sa famille et les soignants.  Le guide de la HAS publié en 2008(1) aide à évaluer et améliorer ses pratiques. Il existe également des formations à l’annonce d’une mauvaise nouvelle par simulation dans lesquelles le soignant apprend avec un acteur formé. Ces outils permettent à l’équipe médicale et paramédicale d’aborder ces annonces difficiles en se sentant préparés et avec une attitude empathique favorable à l’alliance dans les soins.

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