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Infectiologie

Publié le 07 juin 2022Lecture 5 min

Infections invasives à méningocoques (IIM) : une épidémiologie instable

Mathilde LONGUET, Lyon
Infections invasives à méningocoques (IIM) : une épidémiologie instable

Dans un contexte épidémiologique instable, l’OMS a récemment établi « une feuille de route mondiale » avec comme objectif de « vaincre la méningite à l’horizon 2030 »(1).

Incidence des IMM en France et dans l’Union européenne Selon les données de l’ECDC (European Centre for Disease Prevention and Control), d’importantes fluctuations ont été rapportées concernant l’épidémiologie des infections invasives à méningocoques (IIM). On note toutefois de 2014 et jusqu’en 2018 une tendance à l’augmentation du nombre de cas en Europe passant de 2 763 à 3 228 et, de façon plus importante, du nombre de décès qui ont plus que doublé, passant de 107 à 253. Une plus grande stabilité a été observée en France jusqu’en 2017 (de 420 en 2014 à 545 cas en 2017), les décès passant dans le même temps de 48 à 62. Après une baisse relative en 2018 (439 cas), l’incidence n’a pas poursuivi sa décroissance avant l’épidémie de Covid-19, 456 cas ayant été rapportés en 2019, dont 55 décès.   Les dernières données épidémiologiques montrent une forte baisse du nombre de cas et de décès d’IIM en Europe comme en France en 2020. Cette tendance est très probablement liée aux confinements et aux gestes barrières mis en place pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Toutefois, selon la HAS, la levée de ces mesures devrait entraîner une augmentation probable de l’incidence.   Un nombre de cas et une incidence cumulée fluctuants Bien que souvent considérée comme « rares », l’incidence des IMM demeure non négligeable, comme en témoignent les 459 cas(4) notifiés en France en 2019, soit plus d’1 cas par jour en moyenne, et les 55 décès représentant plus d’1 décès par semaine. Aussi, notre pays reste le deuxième pays européen le plus impacté par les IIM, derrière le Royaume-Uni (avec 582 cas), 2968 cas au total ayant été dénombrés la même année dans l’Union européenne(2). La tendance épidémique des IMM peut être à l’origine de clusters, comme celui survenu en France en 2014-2015, avec trois cas dus à la même souche du sérogroupe W qui se sont soldés par le décès de deux étudiants(5).     Distribution par âge des cas Ces infections touchent majoritairement les moins de 24 ans, avec un âge médian se situant à 21 ans et un sexe ratio H/F de 0,8. On observe deux pics d’incidence selon l’âge : chez les enfants de 0 à 4 ans (62 cas en 2019 en France, soit 2/100 000 habitants), une tranche d’âge où le pronostic des IMM est particulièrement sévère, et chez les jeunes adultes âgés de 15 à 24 ans (93 cas, soit 1,2 cas/100 000 habitants en 2019)(4). Figure 1. Proportion de cas par sérogroupe et par classe d’âge, France entière, 2019. D’après Santé Publique France(4). Figure 2. Taux de déclaration des infections invasives à méningocoque liées aux principaux sérogroupes, France entière, 2000-2019. D’après Santé Publique France(3). Une mortalité loin d’être négligeable Toujours en 2019, 55 décès en population totale (parmi les 459 cas notifiés) ont été rapportés (12 %), soit 1 décès en moyenne chaque semaine. La létalité reste comparable à celle observée les années précédentes (létalité comprise entre 9 et 12 % depuis 2013)(2,4), et ce en dépit de la recommandation vaccinale instaurée en 2017 contre les IIM de sérogroupe C (à raison d’une dose à 5 mois, ainsi qu’une deuxième dose à 12 mois), puis rendue obligatoire pour tous les enfants nés à compter du 1er janvier 2018. À partir de l’âge de 12 mois et jusqu’à l’âge de 24 ans révolus, la vaccination reste seulement recommandée, selon un schéma à dose unique(3). Outre les décès, des séquelles précoces diagnostiquées à la phase aiguë de la maladie ont été rapportées dans 24 cas en 2019(4), des chiffres qui ne tiennent pas compte des handicaps apparus secondairement.  Figure 3. Évolution des décès par IIM en fonction des sérogroupes durant 20 ans en population générale. D’après l’ECDC(2). Un changement profond dans les sérotypes prédominants L’analyse des courbes du nombre de cas d’IIM déclarés sur la période de 2000 à 2019 et leur stratification sur le sérogroupe, montre que leurs évolutions ne suivent pas la même tendance. Logiquement, les cas rapportés d’IIM à sérogroupe C diminuent drastiquement grâce à la vaccination(3,4). À l’inverse, le nombre d’IIM liées aux sérogroupes W présente une tendance à la hausse en 2019(4). Si l’on compare les cas notifiés par l’ECDC pour 100 000 habitants au cours des années 2018 et 2019(2) : le sérogroupe B s’avère être le plus fréquent en 2019 mais son incidence reste stable par rapport à 2018 (0,36 vs 0,32) ; le sérogroupe W continue son ascension et devient ainsi le deuxième sérogroupe le plus fréquemment isolé parmi les cas d’IIM en France (0,09 vs 0,14), soit une augmentation de 1,55 point ; le sérogroupe Y se maintient (0,09 vs 0,08) ; quant au sérogroupe C, son incidence a été divisé par deux du fait de la vaccination MenC (0,14 vs 0,08).  Les deux sérogroupes B et W qui émergent sont également responsables du plus grand nombre de décès en population générale française, mais alors que l’incidence du B est plus élevée, il s’agit du sérogroupe le moins létal, alors que le W se caractérise par le taux de mortalité le plus élevé. Ainsi, ce taux de mortalité associé au W a nettement augmenté entre 2018 et 2019 (18 % vs 27 % respectivement), alors que le nombre de décès survenus parmi les cas d’IMM B n’a guère évolué (5 % vs 7 %)(4). Il est intéressant de noter que le sérogroupe B reste également prédominant chez les enfants de 1 à 4 ans avec une évolution qui semble relativement stable (passant de 1,33/100 000 enfants en 2018 à 1,41/100 000 enfants en 2019). À l’inverse, la fréquence du sérogroupe W a doublé dans la même temps (de 0,19 à 0,39/100 000 enfants) traduisant une tendance épidémiologique en nette progression dans cette tranche d’âge(2). Dans la population générale, la mortalité par IIM W est en augmentation, elle a atteint 18 % en 2018, puis 27 % en 2019. Plus d’une personne sur quatre est décédée en 2019 des suites d’une IIM à sérogroupe W(2). Conclusion L’épidémiologie des IIM est instable et présente des fluctuations d’une année sur l’autre. De surcroît, et comme pour nombre d’autres maladies infectieuses de l’enfant, confinements et mesures barrières adoptées pour lutter contre la pandémie de Covid-19 ont entraîné une chute drastique du nombre de cas en 2020. Ces éléments ne facilitent pas l’analyse des données épidémiologiques récentes mais ils ne doivent pas cacher les tendances le plus marquées observées depuis 2014. La France reste le deuxième pays européen le plus touché par les IIM après le Royaume-Uni, des infections dont le pronostic demeure sévère, avec plus de 10 % de mortalité et un risque de séquelles survenant précocement ou à plus long terme.  Dans notre pays comme dans toute l’Europe, la prévalence du sérogroupe W est en constante augmentation depuis plusieurs années et se place désormais en deuxième position après le sérogroupe B. Une évolution préoccupante de la distribution des sérogroupes de méningocoques, le W étant le plus létal, en particulier chez les enfants de 0 à 4 ans. Avec le soutien institutionnel de 

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