Publié le 18 oct 2021Lecture 10 min
SFP 2021 : en attendant l’accalmie…
Gérard LAMBERT, Paris
Pour la deuxième fois consécutive, le congrès de la SFP a été contraint de se tenir intégralement en ligne du 19 au 21 mai dernier en raison de la pandémie qui n’en finit plus. Bien sûr la Covid-19 était incontournable mais, excepté une communication, nous avons retenu d’autres sujets dont l’impact sur la santé des enfants n’est pas moins considérable.
Conséquences du port du masque chez les enfants
• D’après une communication de R. Assathiany, Issy-les-Moulineaux (vendredi 21 mai, 11 h 45-12 h 45)
Alors que la pandémie se prolonge et fait peser des interrogations sur les conditions de la rentrée, nous revenons sur une étude s’intéressant au port du masque. En effet, parmi les mesures barrières qui ont été préconisées pour lutter contre la pandémie de la Covid-19, le port du masque a été rendu obligatoire pour les enfants en collège en septembre 2020 et dans les écoles primaires à partir de novembre de la même année. Pour évaluer l’acceptabilité et la tolérance de ces masques, une étude a été mise en place via le site grand public de l’AFPA (mpdia.fr) et les réseaux sociaux, ainsi que par l’envoi d’invitation à participer à cette étude auprès de 10 000 parents. Le critère d’inclusion était des enfants scolarisés en école primaire et 2 954 questionnaires exploitables ont été reçus. Quarante-cinq pour cent des parents ayant répondu déclaraient ne pas avoir compris les raisons de cette obligation. Parmi ceux qui respectaient cette mesure, 63 % n’étaient pas d’accord avec elle. Quant aux enfants, ils en ont compris les raisons dans 75 % des cas.
Une grande variété de symptômes dont se plaignaient les enfants ont été rapportés par les parents : céphalées (49 %), problèmes de communication (45 %), troubles respiratoires (28 %), visuels (27 %) et dermatologiques (26 %). Seulement 18 % des parents ont affirmé que leurs enfants ne présentaient aucun symptôme. La prévalence des céphalées peut paraître importante mais elle est comparable à celle déjà publiée (Am Fam Physician 2002 ; 65(4) : 625-33).
En revanche, l’étude ne précise pas si les enfants concernés en présentaient auparavant. Le masque gêne la communication verbale, mais encore plus la communication non verbale en empêchant la lecture labiale et le décryptage des expressions. À l’école, il perturbe la reconnaissance des visages, suscite des difficultés pour entendre la voix atténuée et déformée des autres enfants et de l’enseignant. Tous ces facteurs conduisent à une diminution des interactions entre individus et peuvent avoir un retentissement sur les apprentissages. Pour ce qui concerne les troubles respiratoires, les études menées chez l’adulte sont rassurantes, mais l’OMS déconseille le masque lors des activités sportives. Les enfants porteurs de lunettes sont gênés par la présence de buée sur les verres qu’il est recommandé de laver avec de l’eau savonneuse.
Pour ce qui est des modifications du comportement, 33 % des parents affirment ne pas en avoir relevées. Pour les autres, des troubles de l’humeur (45 %) ont été rapportées avec angoisse, anxiété, tristesse. Des problèmes de comportement, tels qu’une agitation, ont également été signalés (32 %). Dans 27 % des cas, les parents ont constaté des troubles du sommeil, deux fois plus fréquents que dans les séries habituellement publiées. Enfin, 12 % des parents ont noté une altération du comportement alimentaire à type d’anorexie ou, au contraire, de boulimie.
Les effets secondaires liés au port du masque sont donc nombreux mais sans gravités. Ils peuvent être amoindris lorsque les parents et les enfants sont correctement informés de leur utilité et leur nécessité.
Insomnie de l’enfant : faut-il le laisser pleurer ?
• D’après une communication de F. Lecuelle, Lyon (vendredi 21 mai 11 h 45-12 h 45)
La prévalence de l’insomnie de l’enfant, qui affecte la quantité ou la qualité du sommeil, est d’environ 36% chez les moins de 5 ans. L’insomnie peut avoir une cause psychologique ou organique, mais elle est le plus souvent d’origine comportementale (environ 73 % des cas) et liée à un retard dans l’apprentissage de l’endormissement autonome.
Selon la théorie du conditionnement classique (Bootzin, 1972), cette dernière prendrait sa source dans une intervention trop précoce la nuit. Chez un enfant de moins de 9 mois, les pleurs nocturnes sont normaux en stade de sommeil agité et entre les cycles lors des éveils physiologiques. Les pleurs de l’enfant vont déclencher une situation de stress chez la mère qui aura tendance à intervenir rapidement afin de réconforter son enfant. Ce comportement peut toutefois installer un « cercle vicieux ». Le bébé rassuré par sa maman va apprendre que l’endormissement se fait naturellement en présence de celle-ci, alors que sa mère va progressivement développer une hypervigilance à l’égard de ces stimuli nocturnes survenant potentiellement à chaque changement de cycle.
Le traitement comportemental visant à casser ce cercle vicieux consiste à éteindre la réponse de peur. La méthode est basée sur l’habituation et elle obtient en général de très bons résultats (Morgenthaler et coll. Sleep 2006 ; 29(10) : 1277-81). La mère laisse pleurer son enfant pendant des temps de plus en plus longs (plusieurs minutes) et il va ainsi développer des méthodes d’auto-apaisement. Il est nécessaire d’accompagner les parents pendant cette période au cours de laquelle ils vont devoir maîtriser leur stress. Une nouvelle méthode de réconfort a toutefois été proposé en 2017 par Middlemiss et son équipe (Early Hum Dev 2017 ; 108 :49-57). Cette fois les parents sont invités à intervenir rapidement dès que leur enfant pleure et à augmenter leur intervention progressivement s’il n’est pas calmé par une petite phrase, voire par l’alimentation. Cette stratégie se positionne à l’encontre de la théorie comportementale qui prédit qu’une telle attitude ne fait qu’entretenir, voire accroître l’insomnie comportementale. De plus, elle n’a jamais été prouvée scientifiquement, ni cliniquement.
Pour faire la part entre ces deux méthodes, une étude contrôlée, randomisée, à distance a recruté 100 enfants présentant une insomnie comportementale dans toute la France. La moitié d’entre eux vont être pris en charge par la méthode d’extinction classique et l’autre moitié par le réconfort immédiat préconisé par Middlemiss. Le sommeil de l’enfant et des parents sera objectivement mesuré et évalué par actimétrie. Un suivi a été planifié jusqu’à 12 mois après l’intervention. Les inclusions doivent commencer au mois de septembre 2021 et les informations sur ce travail peuvent être consultées à l’adresse suivante : www.sommeilenfant.org.
Réalité des mutilations sexuelles chez l’enfant
• D’après une communication de Pierre Foldès, Saint-Germain-en-Laye (jeudi 20 mai, 13 h 30-15 h)
Pierre Foldès (Institut Women Safe, Saint-Germain-en-Laye) a rappelé que les mutilations sexuelles sont considérées par l’OMS comme des violences faites aux femmes, et le plus souvent aux enfants. Selon les estimations, environ 160 millions de femmes ont subi des mutilations sexuelles. En France, on évalue à plus de 60 000 le nombre de filles et d’adultes en danger d’excision. L’Afrique subsaharienne est la région du monde la plus concernée, mais ces pratiques sont également constatées en Amérique latine, centrale, en Asie du Sud-Est, en Inde, en Indonésie, etc. Les prévalences les plus élevées sont constatées en Égypte, au Soudan, dans la corne de l’Afrique, en Guinée et, à un moindre degré, au Mali. Selon P. Foldès, les raisons souvent avancées pour « justifier » ces pratiques, qu’elles soient d’ordre religieuse, hygiénique, sociétale, etc., n’en recouvrent en réalité qu’une : le contrôle de la sexualité féminine. Si la religion musulmane est souvent pointée du doigt, celle-ci n’a aucun impact dans de nombreux pays où ces pratiques sont courantes. On relèvera d’ailleurs qu’à Djibouti ce sont dans les zones chrétiennes que l’excision est la plus fréquente. Ces pratiques ne sont pas corrélées au niveau d’instruction et si elles sont fréquentes en milieu rurale, elles traversent toutes les couches de la société. Dans une enquête réalisée en Guinée, il s’avère que les jeunes affirment à 70-80 % avoir l’intention de perpétuer ces mutilations sur leurs propres filles. Le clitoris est un organe plus complexe que l’anatomie ne nous l’avait enseigné, il ne se limite pas au bulbe auquel on le réduit souvent et que l’exciseur va supprimer en atteignant les petites lèvres. Les excisions sont réalisées dans 25 % des cas sur des enfant de 0 à 3 ans avec une mortalité pouvant aller jusqu’à 15 % des cas. Dans 60 % des cas, ce sont les jeunes filles de 3 à 10 ans qui sont victimes de ces violences et, dans certains pays, elles sont pratiquées au-delà de 15 ans. Les complications immédiates sont multiples : décès par hémorragie, choc neurogénique ; douleurs suraiguës ; collapsus hémorragique ; plaie de vaisseaux, du périnée ; des infections locales (abcès, phlegmons, adénites), voire des infections généralisées (gangrène, septicémie, tétanos, VIH). À l’âge adulte, les complications obstétricales peuvent être dramatiques : déchirure, éclatement du périnée, obstacle à la régression fœtale avec hypoxie, nécessité de césarienne. À long terme, la souffrance psychologique et le stress post-traumatique sont très pesants.
Reconnaître l’allergie aux antibiotiques
• D’après la communication de G. Lezmi, Paris (jeudi 20 mai 13 h 50-15 h)
Guillaume Lezmi (pneumologie-allergologie, hôpital Necker-Enfants malades, Paris) a rappelé que 5 à 10 % des enfants ont une suspicion d’allergies médicamenteuses, en particulier aux antibiotiques et le plus souvent aux bêta-lactamines, mais aussi aux AINS. Une réaction immédiate de type urticarien évoque un mécanisme allergique IgE-médié, ce qui n’est pas le cas d’une éruption cutanée retardée survenant plusieurs jours après l’instauration d’un traitement. Dans le premier cas, des explorations de type prick-test sont réalisées ; dans le second cas, seul un test de provocation direct est utile.
Selon les définitions, une hypersensibilité est une réaction adverse à une substance donnée ; lorsque celle-ci est médiée par des mécanismes immunologiques spécifiques (IgE, mais aussi des mécanismes impliquant les lymphocytes T mémoire), on parle alors d’allergie. La survenue d’une diarrhée chez un patient traité par amoxicilline-acide clavulanique est liée à une modification du microbiote, et ne peut en aucun être attribuée à un mécanisme allergique.
Lorsque les symptômes surviennent dans l’heure qui suit l’administration du produit, la chronologie est dite immédiate et évoque une réaction IgE-médiée avec un risque d’anaphylaxie. Il s’agit alors d’un angio-œdème cutanéomuqueux ou d’une symptomatologie respiratoire à type d’asthme ou de rhinite. Plus rarement la réaction est digestive, à l’extrême elle se traduit par un choc anaphylactique. Lorsque la réaction survient dans les heures ou les jours qui suivent l’exposition à l’antibiotique, il s’agit le plus souvent d’un mécanisme impliquant les lymphocytes T mémoire. Les symptômes sont une urticaire ou un exanthème maculopapuleux. Le diagnostic d’allergie nécessite la présence de symptômes cliniques mais aussi la démonstration de l’implication des IgE. En cas de réaction immédiate, on a recours à des prick-tests et/ou IDR à lecture immédiate. Pour les réactions retardées, on peut pratiquer des IDR à lecture retardée ou des patch-tests.
Dans tous les cas, le test de provocation par voie orale (TP) permet alors de confirmer l’hypersensibilité sans préjuger du mécanisme sousjacent.
L’anaphylaxie aux pénicillines est rare, elle ne concerne que 1 sur 200 000 prises orales de ces antibiotiques. Mais, comme cela a été signalé en introduction, 5 à 10 % des enfants sont considérés comme allergiques à la pénicilline.
Ce diagnostic entraîne des traitements par d’autres familles d’antibiotiques souvent moins efficaces. Il a été montré que ces patients sont plus fréquemment porteurs de bactéries résistantes, notamment des staphylocoques méti-R ou entérocoques résistants à la vancomycine et qu’ils ont plus souvent des infections à Clostridium difficile. En conséquence, leur morbidité est accrue et génère des coûts de santé plus élevés.
L’hypersensibilité et l’allergie aux antibiotiques sont plus rares que ce que l’on croît. Une étude a été menée au Portugal sur 1 427 enfants (Rebelo Gomes. Clin Exp Allergy 2008) ayant une suspicion d’hypersensibilité ou d’allergie qui ont été évalués par une équipe spécialisée.
Dans cette population, les parents rapportaient des réactions chez 143 enfants et 67 d’entre eux étaient considérés comme allergiques. Il s’est avéré que seuls 3 enfants présentaient une allergie ou une hypersensibilité confirmée, soit 0,2 % de la cohorte étudiée ici. L’interrogatoire seul permettait de suspecter le diagnostic dans 2,7 % des cas, et donc chez 10 fois plus d’enfants que les cas réels. L’anamnèse seule ne suffit donc pas au diagnostic.
Une autre étude a porté sur 1 431 enfants ayant une suspicion d’allergie et âgés en moyenne de 5,5 ans (Ponvert et coll. PAI 2011). Après exploration par tests cutanés avec ou sans TPO pour les réactions immédiates et par TPO pour les réactions retardées, les auteurs ont mis en évidence une probabilité de 30 % d’être allergique en cas de réaction immédiate, et de 50 % en cas d’anaphylaxie. Pour les réactions non immédiates, la probabilité n’est que de 15 %, elle augmente avec la sévérité des symptômes, et les tests sont ici très peu sensibles. En cas de réaction retardée et de réaction légère, aucun test cutané n’est recommandé, mais on peut faire un TPO dont toutes les études montrent qu’il ne présente pas de danger majeur. Il faut cependant savoir identifier les signes d’alerte contre-indiquant la réalisation d’un TPO : érythrodermie vraie, érosion des muqueuses (bulles, décollement, etc.), cocardes, éruption d’une durée > 7-10 j, éruption douloureuse et l’existence d’une atteinte organique (hépatite, insuffisance rénale, etc.). Chez ces patients, un bilan en milieu spécialisé est nécessaire.
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