Publié le 03 mar 2021Lecture 6 min
JDP 2020 - Psoriasis de l’enfant : prendre en compte les particularités liées à l’âge
D. CARO, Boulogne-Billancourt
Le psoriasis est une maladie chronique. Lorsqu’elle débute dans l’enfance, il est légitime de s’interroger sur les spécificités liées au début précoce et à ses répercussions sur la maladie à l’âge adulte. La prise en charge des jeunes psoriasiques doit être adaptée à l’âge, à la sévérité de la maladie et aux conséquences sur la qualité de vie de l’enfant.
D’après les communications du Dr Emmanuel Mahé (Argenteuil) et du Pr Anne-Claire Bursztejn (Nancy), FMC sur le psoriasis de l’enfant. Dans le cadre des Journées Dermatologiques de Paris (JDP) virtuelles 2020.
L'enfant atteint de psoriasis a-t-il, comme l’adulte, un risque accru de comorbidités ? Certainement en ce qui concerne l’obésité et le surpoids(1), l’excès pondéral étant lié à la sévérité de la maladie(2). En revanche, chez l’enfant, on ne sait pas si la réduction pondérale est associée à une amélioration du psoriasis et une meilleure sensibilité au traitement. Les autres comorbidités (métaboliques, cardiovasculaires, etc.) habituellement associées au psoriasis restent rares aux âges pédiatriques(3). Aucun bilan particulier n’est donc à faire de façon systématique dans cette population. Si l’existence d’un psoriasis dans l’enfance n’expose pas un surrisque de pathologie (en dehors du problème de poids), le début précoce de la dermatose est-il lié à une évolution plus sévère ? La question préoccupe de nombreux parents.
Il convient d’être rassurant. L’enfant atteint de psoriasis n’a pas un risque accru de développer une forme plus sévère ou une comorbidité métabolique ou cardiovasculaire qu’un patient dont la dermatose a débuté à l’âge adulte(4). Il n’est pas plus exposé qu’un autre à avoir une atteinte articulaire(5).
D’une façon générale, les enfants suivis à l’hôpital présentent des formes plus sévères que ceux suivis en ville. Dans les consultations hospitalières, plus d’un sur trois présente une atteinte unguéale(6) et un sur dix un rhumatisme psoriasique(2). L’atteinte unguéale est plus fréquente chez les garçons, dans les formes palmo-plantaires, les formes sévères et les atteintes articulaires(6). En ville, 2 % seulement des enfants ont une atteinte articulaire(2).
Les éléments de la prise en charge
Afin d’aiguiller vers une atteinte articulaire, on interrogera l’enfant et ses parents sur la présence d’un gonflement et d’une raideur articulaire, de difficultés à se mettre en mouvement le matin ou après une période de repos, de difficultés à effectuer les activités quotidiennes, à faire du sport, à tenir un stylo ; un doigt ou un orteil « en saucisse » doit alerter.
L’évaluation de la sévérité du psoriasis chez l’enfant se heurte au caractère imparfait des scores établis chez l’adulte, notamment du PASI. En effet la présentation clinique n’est pas la même chez l’adulte et chez l’enfant ; chez ce dernier, les lésions sont moins inflammatoires, mal limitées, sous forme de petites plaques ou avec une absence de plaques. Le SPI (Simplified Psoriasis Index) présente l’avantage d’évaluer la dimension médicale, l’impact psychosocial, ainsi que l’histoire de la maladie et ses traitements(7).
Concernant la prise en charge du psoriasis chez l’enfant, même si la physiopathologie de la maladie et les outils thérapeutiques ne diffèrent pas fondamentalement de ceux de l’adulte, il existe des particularités liées à l’âge. Le temps des explications est fondamental. Il faut déculpabiliser les parents et discuter avec le patient (et sa famille) des objectifs thérapeutiques qui varient en fonction de l’âge. Ainsi, chez l’adolescent le retentissement social de la maladie conduira à être plus exigeant sur les objectifs à atteindre. De même, on doit tenir compte chez l’enfant du risque de moqueries et/ou des difficultés à l’écriture ou à la marche en raison de fissures palmo-plantaires.
Évaluer le rapport bénéfice/risque
Autre particularité de la prise en charge thérapeutique chez l’enfant, l’absence d’AMM pour de nombreux médicaments peut conduire à prescrire hors indications(8). Mais il faut être vigilant concernant le risque tératogène de certains médicaments, une contraception orale n’étant pas envisageable chez une toute jeune fille. De même, le risque de vergetures lié à l’utilisation de corticoïdes chez l’adolescent doit être pris en compte. « Il est important d’évaluer le bénéfice/risque pour chaque option thérapeutique dans l’intérêt de l’enfant », a précisé Pr Anne-Claire Bursztejn (Nancy). Parmi les traitements disponibles, l’association calcipotriol/bétaméthasone topique 4 jours sur 7 semble être efficace et bien tolérée en cas de lésions limitées(9).
À partir de 8 ans, la photothérapie peut être envisagée, mais elle est difficile à mettre en œuvre et présente un risque carcinogène. L’utilisation de l’acitrétine et du méthotrexate est limitée par la nécessité d’une contraception. La ciclosporine exige une prescription hospitalière et ne peut être donnée longtemps. Il faut aussi se méfier d’effets indésirables comme l’hyperpilosité avec la ciclosporine ou une alopécie androgénogénétique avec l’acitrétine et le méthotrexate.
Une étude multicentrique menée entre 2000 et 2014 chez des enfants atteints de psoriasis recevant un traitement systémique a montré que l’acitrétine était prescrite dans plus de la moitié des cas, 2 fois sur 3 en première intention. Quel qu’il soit, le traitement était jugé efficace ou partiellement efficace dans 59 % des cas et totalement inefficace dans 10 % des cas ; des effets indésirables étaient signalés dans 33,7 % des cas et avaient conduit à l’arrêt du médicament dans 8,4 % des cas(10).
L’arrivée des biothérapies
Aujourd’hui, le contexte a changé avec l’arrivée des biothérapies, dont certaines ont une AMM chez l’enfant.
Ainsi l’adalimumab (anti-TNF alpha) peut être utilisé à partir de l’âche de 4 ans, à la posologie de 20 mg/2 semaines (entre 15- 30 kg) et de 40 mg/2 semaines (au-delà de 30 kg) ; il a déjà une AMM pour l’arthrite juvénile dès l’âge de 2 ans. L’étanercept (anti-TNF alpha) est indiqué chez les plus de 6 ans à la posologie de 0,8 mg/kg/semaine ; lui aussi est déjà autorisé pour l’arthrite juvénile dès l’âge de 2 ans.
Et l’ustékinumab (anti-IL12/23) peut être prescrit chez les plus de 12 ans, à la posologie de 0,75 mg/ kg/12 semaines chez les moins de 60 kg et de 45 mg/12 semaines audelà de 60 kg.
Récemment des études de phase 3 ont permis d’accorder une AMM dans le psoriasis de l’enfant à deux biothérapies anti-IL17A qui ont montré une très bonne efficacité et une tolérance satisfaisante.
Il s’agit du sécukinumab (antiIL17A), autorisé à partir de 6 ans à la posologie de 75 mg/4 semaines (< 50 kg) et de 150 mg/4 semaines (> 50 kg) et de l’ixékizumab à partir de 6 ans à la posologie de 40 mg entre 25-50 kg et de 80 mg audelà de 50 kg.
Une nouvelle stratégie qui consiste à ne pas traiter les enfants en continu afin d’avoir une épargne thérapeutique émerge. Un travail récent a montré que la conjonction de l’éducation thérapeutique, de traitements préventifs locaux (hygiène, émollients) et de périodes limitées d’administration des traitements systémiques (par exemple le week-end), permettait de réduire la sévérité et la durée des poussées et améliorait la qualité de vie des enfants(11).
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