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Pédiatrie générale

Publié le 06 mar 2017Lecture 6 min

Utilisation de l’otoscope pour l’examen ophtalmologique pédiatrique de dépistage

Eric DENION, Service d’ophtalmologie, CHU de Caen

Comment renseigner les items ophtalmologiques de l’examen des 8 premiers jours du nouveau-né ? En se munissant d’un otoscope, répond Eric Denion, et en respectant quelques règles simples. Il détaille dans cet article les principes de l’examen basé sur l’usage détourné d’un outil habituellement réservé à la sphère ORL.

Depuis 2006, le carnet de santé comporte des items d’ophtalmologie qui concernent d’abord le nouveau-né avec l’examen obligatoire des 8 premiers jours, puis le nourrisson et le petit enfant. Une publication récente montre combien renseigner ces items de façon fiable est difficile(1). Il est vrai que la découverte d’une leucocorie (pupille blanche) est exceptionnelle. Toutefois, le service médical rendu par un tel dépistage est souvent exceptionnel. Il peut permettre la prise en charge adaptée d’une affection accessible à un traitement (exemples : cataracte congénitale, maladie de Coats). Il peut aussi dans certains cas permettre de prendre en charge un rétinoblastome, maladie qui engage le pronostic vital. Le but du présent article est d’expliquer comment utiliser l’otoscope pour renseigner efficacement certains des items d’ophtalmologie du carnet de santé, au premier rang desquels les lueurs pupillaires. Une utilisation détournée L’otoscope n’est pas conçu pour examiner les yeux. La recherche de la lueur pupillaire peut bien entendu être effectuée avec un ophtalmoscope direct(2). Mais l’achat de ce dernier a peu d’intérêt pour un pédiatre ou un médecin généraliste. L’usage détournée de l’otoscope pour mener à bien l’examen ophtalmologique de dépistage chez l’enfant est efficace(1). La seule manoeuvre nécessaire pour adapter son otoscope à l’examen ophtalmologique est de récliner la lentille convergente (faite pour focaliser la vision sur le tympan) en la faisant pivoter dans un plan frontal (figure 1). Figure 1. Otoscope dont le cône métallique a été dégagé en faisant pivoter la lentille convergente dans un plan frontal. Pièce d’examen sombre : un prérequis indispensable La recherche des lueurs pupillaires est impossible si la pupille est en myosis. Pour favoriser sa dilatation, il faut une pièce d’examen sombre (ambiance lumineuse mésopique)(2). Sans ce prérequis, il est illusoire d’espérer trouver les lueurs pupillaires tant leur recherche sur une pupille en myosis est difficile. Comment s’installer ? L’idéal est d’installer l’enfant sur les genoux du parent(2) accompagnant, et de se placer à une distance d’environ 1 membre supérieur de l’enfant (figure 2). Cette distance d’examen est nécessaire pour un examen simultané, comparatif, des deux yeux. La pièce d’examen doit être sombre, comme cela a déjà était mentionné. Le médecin allume l’otoscope dont il a fait pivoter la lentille convergente pour dégager le cône métallique (figure 1) et le place près de son oeil favori (celui qu’il utilise pour l’examen des tympans). L’otoscope doit être placé au ras de l’oeil de l’examinateur, comme pour l’examen des tympans (figure 2). L’examinateur recherche les lueurs pupillaires en regardant au travers du cône métallique de l’otoscope. Figure 2. Le médecin examine l’enfant dans une pièce sombre, à une distance d’un membre supérieur, qui permet d’éclairer les deux yeux en même temps avec l’otoscope (dont on a fait pivoter la lentille) pour un examen comparatif. Quelles sont les difficultés ? Chez le nouveau-né et le nourrisson, il faut compter avec les phases de sommeil, qui peuvent poser problème… et même doublement si elles sont contrariées (entraînant des pleurs). En dehors de cette contrainte inhérente à l’examen pédiatrique, les principales difficultés découlent de l’absence de possibilité de plonger la pièce d’examen dans l’ombre, et du caractère inhabituel de l’utilisation de l’otoscope qui fait que certains praticiens, déstabilisés, ne le placent pas spontanément où il faut, c’est-à- dire « collé à leur œil » de façon à regarder à travers le cône métallique. Que voit-on à l’état normal ? En mettant en oeuvre la technique qui vient d’être décrite, on voit à l’état physiologique les deux lueurs pupillaires qui sont rouges et symétriques (figure 3). Ce caractère rouge résulte de la transparence des dioptres oculaires (cornée et cristallin) qui laissent passer les rayons lumineux  dans l’oeil. Ces rayons se réfléchissent sur la rétine et la choroïde, tissus très vascularisés, qui renvoient une teinte rouge que les dioptres oculaires laissent sortir et que l’examinateur voit. Le caractère symétrique, pourtant très important, n’est pas à renseigner dans le carnet de santé. Nous insistons sur le fait que la technique décrite ici permet d’apprécier ce caractère symétrique en choisissant une distance d’examen suffisante afin d’éclairer simultanément les deux pupilles. Avec cette technique, on peut également apprécier la morphologie (normalement ronde) et la taille de chaque pupille, qui doivent être égales. On peut enfin voir les reflets cornéens. Il s’agit de petits points blancs correspondant à la réflexion de la lumière de l’otoscope sur la cornée, normalement centrés sur les pupilles (figure 3). Figure 3. Photographie prise à travers le cône métallique de l’otoscope dont on a fait pivoter la lentille convergente. On voit les lueurs pupillaires normales, rouges et symétriques et également les reflets cornéens, petits points blancs, centrés sur le disque rouge des lueurs pupillaires. La technique permet également de comparer la taille – normalement égale – des pupilles dont la morphologie ronde est normale. Quelles anomalies peut-on mettre en évidence ? Avec la technique décrite, on peut trouver une anomalie de la morphologie pupillaire (figure 4). On peut également mettre en évidence une leucocorie, c’est-à-dire une pupille blanche (figure 5). Une leucocorie est toujours pathologique. Elle traduit toujours une affection organique, par exemple une cataracte congénitale, une anisométropie (inégalité de la réfraction des deux yeux), une maladie de Coats, un rétinoblastome (maladie potentiellement mortelle), un décollement de rétine, une persistance de la vascularisation fœtale, un colobome chorio-rétinien (figure 5). Toute leucocorie justifie donc une consultation d’ophtalmologie en urgence. L’absence de lueur pupillaire ou l’asymétrie des lueurs pupillaires ont le même poids sémiologique qu’une leucocorie, et nécessitent d’adresser l’enfant pour une consultation ophtalmologique urgente. Les reflets cornéens sont décentrés en cas de strabisme (figure 6). Le diagnostic d’un strabisme nécessite aussi de faire bouger les yeux dans les différentes positions du regard, manœuvre contribuant à différencier un strabisme d’une paralysie oculo-motrice. Figure 4. Chez cette enfant, on note des lueurs pupillaires normales, rouges et symétriques. La morphologie pupillaire est anormale, les pupilles étant comme fendues en bas. Il s’agit d’un colobome irien. Les reflets cornéens sont centrés. Figure 5. Chez cette enfant (la même que celle de la figure 4), on note une leucocorie droite lorsqu’elle regarde à gauche. Il s’agit donc d’une leucocorie positionnelle (dépendante de la position des yeux) liée ici à un colobome chorio-rétinien.   Figure 6. Chez cette patiente adulte, les lueurs pupillaires sont normales (rouges et symétriques). Le reflet cornéen droit est centré (en plein dans le disque rouge de la lueur pupillaire) mais le reflet pupillaire gauche est décentré en nasal (plus près du bord nasal du disque rouge de la lueur pupillaire). Ce décentrement traduit une exotropie (strabisme divergent). Autres apports de l’otoscope En dehors de la technique qui vient d’être décrite, l’otoscope peut être utilisé un peu comme une lampe stylo pour tester les réflexes pupillaires, ou encore évaluer la transparence cornéenne. Pour ce faire, il faut voir à quel point la cornée (dioptre convexe formant la partie antérieure de la paroi oculaire), normalement transparente, permet de discerner de façon claire les détails de l’iris (diaphragme coloré perforé au centre de la pupille). Conclusion L’otoscope permet par son utilisation détournée (supposant de faire pivoter la lentille pour dégager le cône métallique) de répondre de façon spécifique à 3 des items d’ophtalmologie du carnet de santé, à savoir : « Lueurs pupillaires présentes », « Pupilles normales » et « Strabisme » (par le biais de l’étude des reflets cornéens). La technique décrite pour examiner les lueurs pupillaires nécessite de façon impérative une pièce d’examen sombre. Toute lueur pupillaire blanche (leucocorie) est pathologique et doit entraîner une consultation d’ophtalmologie urgente. Une absence de lueur pupillaire a le même poids sémiologique qu’une leucocorie. De même, une asymétrie des lueurs pupillaires est pathologique. Des reflets décentrés évoquent un strabisme mais nécessitent également de faire bouger les yeux pour faire la différence avec une paralysie oculo-motrice. Accessoirement, l’otoscope peut aussi être utilisé pour tester la transparence cornéenne et les réflexes pupillaires.

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