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En direct des staffs

Publié le 17 sep 2021Lecture 6 min

Une histoire prolongée à épisodes

Bertrand CHEVALLIER, Service de pédiatrie-Urgences adolescents, Hôpital Ambroise-Paré (AP-HP), Boulogne-Billancourt, Université Paris-Saclay

La rubrique « En direct des staffs » est ouverte à tout médecin d’un service de pédiatrie souhaitant partager avec les lecteurs de Pédiatrie Pratique les cas discutés dans son service et qu’il estime suffisamment intéressants et édifiants pour être portés à la connaissance de ses confrères.

Une fièvre prolongée de 15 jours avec signes digestifs et respiratoires Une petite fille âgée de 3 ans sans antécédents pathologiques notables est admise pour l’exploration d’une fièvre prolongée évoluant depuis un mois. Son histoire a commencé par l’installation d’une fièvre discontinue entre 38°5 et 40 °C, associée à une toux et des vomissements, une anorexie et une perte de poids de 500 g. Une radiographie de thorax effectuée au 7e jour de la fièvre montre un infiltrat peu spécifique prédominant au niveau des deux bases pulmonaires, avec un émoussement d’un culde- sac à droite. À J10, une éruption cutanée diffuse fait évoquer un érythème polymorphe. Devant les signes persistant à J11, quelques examens biologiques sont pratiqués : une NFS (Hb à 9,9 mg/dl avec augmentation des réticulocytes, le reste est normal), une CRP à 48 mg/l. Certaines sérologies virales et bactériennes ont également été demandées : une antibiothérapie par macrolides est démarrée devant la possibilité d’une infection aiguë à Mycoplasme pneumoniæ (atteinte cutanée, pulmonaire, anémie hémolytique). Figure 1. Éruption cutanée apparue à J9 de type érythème polymorphe ou pseudo-urticarienne. Figure 2. Atteinte muqueuse : perlèches, chéilite, langue framboisée. Un tableau clinique qui se complète tardivement Quinze jours plus tard, toujours fébrile, l’enfant présente un tableau fait d’une polyadénopathie cervicale, d’une conjonctivite bilatérale, d’une perlèche avec altération de l’état géné ral et d’un amaigrissement de 1,2 kg, motivant les parents à consulter. L’examen à l’admission note une enfant fébrile à 38,4 °C et eutrophique présentant une conjonctivite bilatérale sans exsudat, une pâleur cutanéo-muqueuse, un oedème palpébral bilatéral, ainsi qu’un oedème induré des paumes et des plantes, une chéilite, une langue framboisée et une pharyngite. Le reste de l’examen met en évidence une polyadénopathie cervicale bilatérale jugulocarotidienne sous-mandibulaire et prétragienne, indolore, ferme, de 1,5 à 2,5 cm de diamètre et une hépatomégalie modérée. En biologie, l’hémogramme montre une anémie hypochrome microcytaire régénérative, avec une concentration d’hémoglobine à 8,2 g/dl. Les globules blancs sont à 13 400/mm2 (polynucléaires à 69 %, lymphocytes à 27 % et monocytes à 4 %), les plaquettes à 391 000/mm3 et le frottis est normal. La protéine Créactive est à 143 mg/l. Le bilan viscéral montre uniquement une cytolyse hépatique (SGOT/SGPT = 87/115 UI/l). La radiographie du thorax révèle une pneumonie paracardiaque gauche avec un bronchogramme aérien. L’échographie ne montre ni hydrocholécyste, ni signes hépatiques. À l’échographie cardiaque effectuée à J18 de la fièvre, toutes les artères coronaires sont anormalement visibles et donc dilatées, notamment l’interventriculaire antérieur qui est le siège d’un anévrisme refoulant le septum interventriculaire. Un discret épanchement péricardique est également mis en évidence, avec une contractilité cardia que conservée. L’électrocardiogramme montre uniquement une tachycardie sinusale. L’enquête étiologique présente une sérologie positive en IgM pour le M. pneumoniae. La recherche des anticorps de type IgG et IgM est effectuée par une technique immuno-enzymatique (Elisa, DRG Diagnostic, Allemagne), dont la sensibilité et la spécificité sont évaluées à plus de 95 %. La sérologie virale est également positive mais en IgG pour le CMV, l’EBV et la rubéole (contact ancien). Une évolution favorable La patiente recevra une cure de veinoglobulines IV à la dose de 1g/kg/j pendant deux jours et d’aspirine à dose anti-inflammatoire (100 mg/kg/j), ce qui permet d’observer la disparition progressive des signes cliniques et l’installation d’une desquamation palmo-plantaire une semaine plus tard. L’évolution cardiologique est favorable, et 6 mois après cet épisode, l’enfant va bien et sa dernière échographie cardiaque est normalisée. Commentaires Cette observation confirme la possibilité d’une association entre infection à M. pneumoniae et d’une maladie de Kawasaki (MK). Quelques cas sont décrits dans la littérature. Ceux rapportés en Europe évoquent des enfants âgés de 5 à 10 ans, c’est-à-dire des âges plus élevés que la moyenne des cas de MK. En effet, ces infections peuvent s’accompagner d’un cortège de signes cliniques (conjonctivite, éruption, adénopathies) et biologiques (cytolyse hépatique) qui peuvent faire discuter la MK. Chez cette patiente, le diagnostic de MK a été retenu par l’association de 5 des six critères majeurs de la maladie et de la survenue d’un anévrisme coronarien. L’atteinte péricardique notée chez cet enfant pouvait soit faire partie des complications cardiovasculaires de la MK, soit entrer dans le cadre des manifestations extrapulmonaires des infections à M. pneumoniæ. Les manifestations cliniques de bon nombre des infections les plus fréquentes dans la population pédiatrique chevauchent les caractéristiques cliniques utilisées pour définir la MK, ce qui complique et surtout retarde son diagnostic. Dans une étude de 2017, 65 patients avec une MK (10,5 %) avaient une histoire récente d’infection ORL et 6 patients (1 %) avec une éruption scarlatiniforme. De nombreuses études dans la littérature ont souligné différents virus déclencheurs de MK, y compris le virus Coxsackie, l’Epstein Barr Virus (EBV), le virus parainfluenza, le virus respiratoire syncytial, le métapneumovirus, le virus chikungunya, le cytomégalovirus et l’entérovirus entre autres. Certaines études ont rapporté une détection positive d’un ou plusieurs virus respiratoires par PCR chez jusqu’à la moitié des patients atteints de KD, bien que leur rôle pathogène ne soit pas clair. Chang et coll. ont sélectionné 226 enfants atteints de KD et 226 enfants en bonne santé, et ont effectué des tests PCR et des cultures pour la détection de virus respiratoires dans les sécrétions respiratoires. Ils ont trouvé des virus chez 50,4 % des enfants ma lades contre 16,4 % des enfants en bonne santé (p < 0,001) et ont conclu que les infections virales étaient associées à la MK. À retenir de cette observation Les publications entre 2015 et 2018 n’ont pu montrer de différences dans l’incidence des complications cardiaques chez les patients avec et sans histoire infectieuse, avec ou sans confirmation microbiologique de l’infection et, par conséquent, le traitement doit être initié chaque fois qu’il y a suspicion de MK, que l’infection soit suspectée ou confirmée par un test microbiologique positif. La maladie de Kawasaki (MK) est une vascularite systémique fébrile qui, en l’absence de traitement, se complique d’anévrismes coronaires dans 25 à 30 % des cas. Elle est la cause la plus fréquente de cardiopathies acquises chez les enfants dans les pays industrialisés, et peut constituer un risque de cardiopathie ischémique de l’adulte. Elle a été rapportée dans le monde entier, mais elle est beaucoup plus fréquente dans les populations asiatiques, et spécialement au Japon. L’incidence de la maladie chez les enfants de moins de 5 ans est estimée à 8,1/100 000 au Royaume-Uni, 17,1/100 000 aux États-Unis, et 112/100 000 au Japon. Le tableau associe à une fièvre constante des signes cutanéo-muqueux (conjonctivite, pharyngite, langue framboisée, chéilite, éruption cutanée polymorphe, desquamation des extrémités) et des adénopathies cervicales. Il existe un syndrome inflammatoire important mais aspécifique. La maladie est rare avant l’âge de 3 mois, probablement du fait de l’existence d’anticorps d’origine maternelle pendant les premiers mois, et également chez les adolescents et les adultes, ce qui peut occasionner des retards au diagnostic. Elle est plus fréquente chez les garçons, avec un rapport garçon/fille de 1,5. On observe une périodicité saisonnière et des épidémies ont été rapportées. Sa pathogénie est encore inconnue : quelques études d’association à l’échelle du génome (GWAS) sur la MK ont été publiées qui ont identifié plusieurs loci candidats plausibles impliqués dans l’inflammation, la réponse immunitaire et les anomalies cardiovasculaires. Ainsi, une hypothèse raisonnablement partagée est que la MK est causée par un agent infectieux qui n’a pas encore été identifié et qui ne provoque la maladie que chez les individus ayant une prédisposition génétique. Malgré de nombreuses recherches, il n’y a pas encore de test diagnostique disponible et son diagnostic repose sur des critères cliniques après exclusion d’autres maladies comportant une fièvre élevée et persistante. Un diagnostic rapide est fondamental, car l’administration précoce d’immunoglobulines par voie intraveineuse associée à l’acide acétylsalicylique diminue la fréquence d’anomalies des artères coronaires à moins de 5 %. • Source : Orphanet

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