Publié le 14 fév 2022Lecture 4 min
Un cas atypique de puberté précoce
Maxime GÉRARD, hôpital Ambroise-Paré, service Pédiatrie Urgences enfants, Boulogne-Billancourt
La rubrique « En direct des staffs » est ouverte à tout médecin d’un service de pédiatrie souhaitant partager avec les lecteurs de Pédiatrie Pratique les cas discutés dans son service et qu’il estime suffisamment intéressants et édifiants pour être portés à la connaissance de ses confrères.
C'est un garçon de 8 ans et 11 mois, adressé pour suspicion de puberté précoce.
Il est né à 38 SA, eutrophe, avec une taille de naissance à 48 cm et un poids de naissance à 2 775 g. Son père mesure 172 cm, il a fait son pic de croissance pubertaire vers 13 ans. Sa mère mesure 160 cm, a été réglée à l’âge de 14 ans. Il n’y a pas d’antécédent familial particulier. La famille consulte dans le service en raison d’une pilosité pubienne ayant débuté à partir de l’âge de 6 ans et 6 mois, et d’une modification de la voix, devenant plus grave.
Interrogatoire
C. ne présente pas de céphalée, pas de signe de dysthyroïdie (trouble du transit, thermophobie, frilosité), il existe une modification du comportement rapportée par les parents, qui remarquent l’apparition d’une libido, une agressivité et une voix devenue plus grave.
Croissance
La croissance staturale de C. est montrée en figure 1. Elle est staturale régulière sur la moyenne jusqu’à l’âge de 4 ans, puis il existe une accélération de la vitesse de croissance progressive pour atteindre + 2,2 DS à l’âge de 8 ans et 11 mois. La vitesse de croissance la dernière année avant la consultation est à + 7 cm/an. À 8 ans et 11 mois, C. mesure 142 cm (+ 2 DS) et pèse 31 kg 2 (+ 1 DS), IMC : 15,4 kg/m2.
Figure 1. Courbe de croissance staturale montrant une accélération.
Examen physique
À l’examen physique, C. est coté selon Tanner A1P2G1, avec 2 testicules en position scrotale, de 20 mm de long à gauche et 15 mm à droite, avec une pilosité pubienne avec des poils longs, noirs, frisés sur le pubis et le scrotum. La verge est mesurée à 60 mm de long et 16 mm de large, il n’y a pas d’hirsutisme, pas d’acné. Il n’y a pas de taches cutanées café au lait (pouvant évoquer un syndrome de McCune-Allbright), pas de goître, ni de nodule thyroïdien palpé, pas de gynécomastie. La pression artérielle est normale 92/57 mmHg, ainsi que la fréquence cardiaque à 81 bpm.
Biologie :
– FSH à 0,74 UI/l, et une LH indosable < 0,07 UI/l ;
– testostérone 1,1 ng/ml ;
– 17 hydroxyprogestérone à 1 ng/ml en base, montant à 2 ng/ml au test au synacthène ;
– SDHEA et delta-4-androstene-dione normaux ;
– bêta hCG totale est < 2 UI/l ;
– ACE et AFP négatifs ;
– TSH 1,2 mUI/l, T4L 12 pmol/l ;
– IGF 1 320 ng/ml.
Imagerie :
– échographie surrénalienne normale ;
– échographie testiculaire : masse intratesticulaire gauche de 9 mm de long et 7 mm de large, hété- rogène, hypoéchogène, hypervascularisée, contenant des microli- thiases (figure 2).
Figure 2. A : Échographie scrotale gauche, visualisation d’une masse intratesticulaire hypoéchogène, hétérogène.
B : hypervascularisation au Doppler.
Interprétation
Il s’agit d’un tableau de puberté précoce périphérique iso-sexuelle, la testostéronémie est augmentée en regard de taux sanguins de gonadotrophines (FSH et LH) effondrés. Le bilan surrénalien est normal, éliminant un bloc enzymatique surrénalien. Les marqueurs tumoraux (bêta hCG, AFP, ACE) sont négatifs. Le bilan thyroïdien et IGF1 (reflet de la sécrétion d’hormone de croissance) sont normaux.
Diagnostic
Il s’agit probablement d’un leydigome, tumeur bénigne à cellules de Leydig due à une mutation somatique activatrice du récepteur de la LH.
La fabrication de testostérone (anormale en période prépubertaire) est responsable des symptômes. Les gonadotrophines sont basses, du fait d’un rétro-contrôle négatif. La franche asymétrie testiculaire est liée au volume de la masse intratesticulaire.
Traitement
Autrefois, l’orchidectomie était le traitement de choix. Aujourd’hui, les données de la littérature plaident en faveur de la tumorectomie avec préservation du tissu testiculaire sain, étant donné la faible malignité devant ce tableau, chez l’enfant.
Anatomopathologie (figure 3)
Figure 3. Coupes anatomopathologiques de la masse. A : tumeur à cellules de Leydig.
Larges cellules polygonales et rondes avec cytoplasme hyperéosinophile et granuleux, avec noyau rond sans atypie, ni mitose.
B : tubes séminifères avec complète spermatogenèse.
Conclusion
Le leydigome est une tumeur bénigne à cellules de Leydig due à une mutation somatique activatrice du récepteur de la LH. Elle est rare, représentant 4 % des tumeurs testiculaires. Elle est responsable d’une pseudo-puberté précoce isosexuelle. Le traitement de choix est la tumorectomie. L’orchidectomie n’est pas indiquée étant donné le très faible risque de malignité chez l’enfant.
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