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Endocrinologie-Diabétologie

Publié le 06 oct 2016Lecture 12 min

Hypercholestérolémie familiale : diagnostic, prise en charge, dépistage

J.-P. GIRARDET, Gastroentérologie et nutrition pédiatriques, hôpital Armand-Trousseau, Paris

L’hypercholestérolémie familiale (HF) est une maladie héréditaire autosomique dominante, caractérisée par une élévation du LDL-Cholestérol plasmatique (LDL-C) à l’origine d’une athérosclérose et d’une insuffisance coronarienne prématurées(1-3). Les formes homozygotes sont très rares et ont dès l’enfance un pronostic sévère nécessitant une prise en charge en milieu spécialisé. À l’état hétérozygote, il s’agit en revanche d’une affection fréquente, cliniquement silencieuse pendant l’enfance, mais responsable chez l’adulte jeune d’accidents cardiovasculaires précoces et d’une diminution de l’espérance de vie. Il est par conséquent essentiel d’en faire le diagnostic au cours de l’enfance, afin de prévenir ces complications en débutant dès cet âge sa prise en charge et son traitement(4-6).

Causes génétiques L’HF se caractérise par un défaut de captation des particules LDL circulantes par leur récepteur membranaire, entraînant une élévation du LDL-C plasmatique. Dans la très grande majorité des cas, c’est une mutation du gène codant pour le récepteur membranaire des LDL (LDLR) qui est en cause, conduisant à une diminution ou une absence de fonction de ces récepteurs hépatocytaires et une baisse de la clearance du LDL-C plasmatique. Le gène LDLR, dont plus de 1 500 mutations ont été décrites à ce jour, est situé sur le bras court du chromosome 19. Dans environ 5 % des cas, l’élévation du LDL-C circulant est en rapport avec une mutation du gène codant pour l’apolipoprotéine B (Apo B), entraînant un défaut de liaison des particules LDL avec le récepteur qui conserve une fonction normale. Ce trouble est aussi dénommé « déficience familiale en Apo B ». Enfin, récemment, des mutations de type gain de fonction sur le gène codant pour la proprotéine convertase subtilisine/kexine 9 (PCSK9) ont été identifiées comme étant une cause plus rare d’HF. Ces mutations augmentent la dégradation intracellulaire du LDLR et diminuent son recyclage, conduisant à une baisse des LDLR fonctionnels à la surface hépatocytaire. Il reste que dans 5 à 10 %  des cas d’HF phénotypiques, l’analyse génétique ne permet pas de révéler de mutation causale, celle-ci siégeant probablement sur des gènes encore non identifiés(2,3).   Prévalence L’HF est une affection dominante, qui s’exprime à l’état hétérozygote. L’HF hétérozygote est une maladie fréquente dont la prévalence est généralement estimée à 1/500 dans tous les groupes ethniques. Des études récentes, en particulier européennes et australiennes, sug- gèrent cependant que sa prévalence serait deux fois plus élevée : de l’ordre de 1/250(2,3). Cela signifie qu’il naît chaque année en France entre 1 500 et 3 000 enfants hétérozygotes, et qu’il y vit entre 20 000 et 35 000 enfants hétérozygotes âgés de 3 à 15 ans. Il est évident que la très grande majorité de ces enfants ne sont pas diagnostiqués, et qu’en l’absence de traitement ils ont un risque important d’accident cardio- vasculaire prématuré après l’âge de 20 ans(2,4).   Risques évolutifs Si l’HF est une maladie fréquente, c’est aussi une maladie grave associée à un risque élevé de complications cardiovasculaires prématurées chez le jeune adulte et à une diminution de l’espérance de vie. Chez les sujets hétérozygotes, les travaux de J.L. Goldstein et M.S. Brown ont révélé que la probabilité de morbidité coronarienne avant l’âge de 50 ans est de 20 % chez les femmes et de 50 % chez les hommes(1). L’augmentation du risque coronarien prématuré a été confirmée par l’étude britannique du Simon Broome Register Group(7). Cette étude, qui porte sur 1 185 patients hétérozygotes, montre que le risque de mortalité coronarienne avant l’âge de 40 ans est multiplié par 125 chez les femmes et par 48 chez les hommes. Par ailleurs, jusqu’à 14 % des coronaropathies prématurées de l’adulte surviendraient chez des individus porteurs d’une mutation hétérozygote du gène du récepteur des LDL(8). Cette athérogénèse précoce débute pendant l’enfance, au cours de laquelle elle reste silencieuse. Mais une augmentation de l’épaisseur intima-media carotidienne (EIM), qui est un marqueur précoce de l’athérosclérose, a été mise en évidence chez des enfants hétérozygotes dès l’âge de 11 ans(9). Les formes homozygotes sont très rares (1 cas sur 300 000 à 1 million), et caractérisées par une augmentation majeure du cholestérol total (entre 5,80 g/l et 11,6 g/l). Leur pronostic est extrêmement sévère avec, en l’absence de traitement, un décès pratiquement constant avant 20 ans. Elles sont responsables d’une athérosclérose maligne caractérisée par un véritable envahissement de la racine de l’aorte, pouvant englober les orifices coronaires. La gravité du pronostic impose un traitement par LDL aphérèses en milieu très spécialisé(1,3).   Diagnostic Le diagnostic d’HF hétérozygote repose sur des critères phéno typiques. S’agissant d’une affection dominante, l’enquête familiale retrouve une hypercholestérolémie (HC) ou la notion d’un traitement hypocholestérolémiant chez l’un des deux parents, et recherche l’existence de complications CV prématurées chez un parent ou un grand-parent. Chez l’enfant, initialement un LDL > 250 mg/dl reste > 190 mg/dl après 4 à 6 mois de traitement diététique(10). Lorsqu’elle est réalisable, la confirmation génétique à la recherche d’une mutation pathogène du gène LDLR, de l’Apo B ou de PCSK9 est recommandée. Elle permet d’organiser la prise en charge et de proposer un dépistage en cascade aux autres membres de la famille(4,6). Le diagnostic moléculaire permet également d’éliminer avec certitude les formes polygéniques d’HC au cours desquelles les concentrations plasmatiques de LDL-C sont généralement moins élevées, mais peuvent parfois chevaucher celles que l’on observe au cours de l’HF. Les HC polygéniques sont par ailleurs plus sensibles aux mesures diététiques et leur risque à l’âge adulte n’est pas connu de façon précise(6).   Prise en charge, traitement, surveillance   Le traitement diététique Il constitue dans tous les cas la première étape de la prise en charge. Il ne doit jamais donner lieu à un régime restrictif, mais reposer sur des recommandations d’équilibre alimentaire adaptées à l’âge(6,11) consistant principalement à corriger les erreurs les plus fréquentes : – en limitant les apports en graisses animales riches en acides gras saturés (charcuteries, viandes grasses, beurre, crème fraîche, lait entier, fromages, etc.) au profit des viandes maigres, des volailles, des laits et laitages partiellement écrémés, des poissons, ainsi que de certaines matières grasses végétales (huiles d’olive, d’arachide, de tournesol, de maïs, ou de colza, riches en acides gras mono ou polyinsaturés) ; – en réduisant les graisses cachées dans les aliments industriels souvent riches en acides gras saturés et trans (viennoiseries, pâtisseries, biscuits, barres chocolatées, plats cuisinés, etc.) ; – en encourageant la consommation d’aliments riches en fibres (fruits et légumes) qui doivent être proposés à chaque repas, quelle que soit leur forme : crus, cuits, compotes, salades ; – en veillant à maintenir des apports caloriques normaux pour l’âge. Lorsqu’il est correctement appliqué, le traitement diététique est efficace et permet de diminuer d’environ 10 % le LDL-C plasmatique(10). Il doit être poursuivi au moins 6 mois avant d’évaluer son effet et d’envisager un éventuel traitement médicamenteux.   Le traitement médicamenteux   • Indications et modalités Il existe un consensus pour proposer un traitement médicamenteux à partir de l’âge de 810 ans lorsque le LDL-C reste > 1,90 g/l, après une période d’au moins 6 mois de traitement diététique. Le traitement peut être débuté avant cet âge et le seuil de LDL-C abaissé à 1,60 g/l, s’il existe d’autres facteurs de risque (hypertension artérielle, obésité, tabagisme passif, HDL-Cholestérol bas ou antécédents familiaux d’accidents CV prématurés)(5,6,12,13). Il est recommandé d’utiliser une statine en première intention. Plusieurs statines (simvastatine, pravastatine, atorvastatine et rosuvastatine) disposent en France d’une autorisation de mise sur le marché chez les enfants à partir de l’âge de 10 ans, sous réserve de l’échec préalable du traitement diététique et de leur prescription par un spécialiste. La dose efficace de statine la plus faible doit être utilisée lors de la première prescription, puis adaptée au cours du suivi en fonction de son efficacité et de la tolérance(3,5,6,14,15). L’efficacité des statines a fait l’objet de plusieurs études contrôlées chez les enfants. Une revue Cochrane récente a identifié 8 essais pédiatriques de traitement par statines, randomisés et contrôlés, d’une durée de 8 semaines à 2 ans et réunissant au total 897 enfants avec HF âgés de 4 à 18 ans(16). Le traitement par statines a permis une diminution moyenne de 32 % du LDL-C par rapport au groupe placebo. Une de ces études a également rapporté une réduction significative de l’EIM carotidienne dans le groupe traité(17). Par ailleurs, à distance, il a été montré qu’un traitement précoce par statine permettait d’améliorer la fonction artérielle, de ralentir la progression de l’athérosclérose(4,14,18) et donc de diminuer le risque coronarien ultérieur. L’objectif thérapeutique est d’abaisser la concentration plasmatique de LDL-C le plus près possible des valeurs normales pour l’âge, et dans tous les cas en-dessous de 1,60 g/l. Lorsque l’objectif de baisse du LDL-C obtenue avec une statine seule n’est pas atteint, d’autres médicaments hypocholestérolémiants, notamment la colestyramine ou l’ézétimibe, peuvent être utilisés en association avec une statine(6). Cette situation est cependant rare.   • Tolérance et surveillance La revue Cochrane citée précédemment n’a pas montré d’effets indésirables, notamment musculaires ou hépatiques, chez les enfants traités par statines par rapport au groupe placebo. Elle n’a pas montré non plus de retentissement sur la croissance, ni sur le développement pubertaire. Toutefois, la durée des essais pédiatriques n’a jamais dépassé 2 ans et cette revue ne permet pas de renseigner de façon formelle sur la tolérance et la sécurité à long terme du traitement, qui nécessite donc une surveillance régulière, en milieu spécialisé(16). Une surveillance clinique et biologique (transaminases, CPK) doit être effectuée 1 à 3 mois après le début du traitement médicamenteux, puis au minimum chaque année. Les valeurs seuils devant conduire à l’interruption du traitement sont de 3 fois la limite supérieure de la norme pour les transaminases et de 5 fois la limite supérieure de la norme pour la CPK(6). Enfin, la sécurité des statines n’a pas été formellement établie chez la femme enceinte, de telle sorte qu’il est recommandé chez les adolescentes de prendre des mesures de contraception adéquates. En cas de découverte d’une grossesse pendant le traitement, celui-ci doit être interrompu(3,4,6).   Dépistage En raison de son caractère silencieux pendant l’enfance, l’HF hétérozygote est une affection qui reste sous-diagnostiquée et sous traitée à cet âge(2,3). Sa fréquence, son risque élevé de complications prématurées sévères, la possibilité d’un traitement efficace et bien toléré ainsi que l’existence d’une méthode de dépistage simple et peu onéreuse justifient donc un dépistage précoce. Cependant, ses modalités restent encore débattues. Un dépistage individuel ciblé en fonction des antécédents familiaux a été recommandé dès 1992 par le National Cholesterol Education Program (NCEP), qui  proposait alors de doser le cholestérol chez les enfants de plus de 3 ans lorsqu’il existait une histoire familiale, chez un parent ou grandparent, soit d’HC > 240 mg/dl, soit d’accidents CV prématurés(12). Mais cette méthode de dépistage s’est révélée avoir une sensibilité et une spécificité médiocres, puisque 30 à 50 % des enfants ayant une HF documentée ne sont pas diagnostiqués par cette stratégie, qui nécessite l’identification d’un cas index dans la famille(19). C’est pourquoi les recommandations les plus récentes préconisent la généralisation du dépistage à tous les enfants, le dosage de la cholestérolémie pouvant être proposé à l’occasion d’examens de routine ou d’une vaccination(13). Cette stratégie a également l’avantage de constituer une opportunité supplémentaire pour effectuer un dépistage en cascade chez les apparentés(19). La valeur du LDLC plasmatique considérée comme discriminante pour permettre une sensibilité de détection élevée tout en maintenant un faible taux de faux positifs a été évaluée à 1,90 g/l(5,10,12). L’âge le plus favorable pour le dépistage est celui à partir duquel il est raisonnable de débuter une prise en charge diététique et/ou médicamenteuse en sachant que des recommandations diététiques ne peuvent pas être appliquées avant l’âge de 3 ans, et qu’un traitement médicamenteux n’est habituellement pas prescrit avant l’âge de 8-10 ans. C’est également celui au cours duquel la mesure de la cholestérolémie permet de discriminer au mieux les enfants atteints d’HF de ceux ayant une HC polygénique(2,4). À la suite de ces données, les recommandations actuelles du National Heart, Lung and Blood Institute, adoptées en 2011 par l’AAP(13) et celles de la National Lipid Association(5) préconisent un dépistage ciblé à l’âge de 2 ans chez les enfants en cas d’antécédents familiaux, complété par un dépistage généralisé entre 9 et 11 ans. En France, les recommandations du Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie préconisent de généraliser le dépistage à tous les enfants entre 3 et 9 ans(6).

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