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Vaccinologie

Publié le 27 déc 2009Lecture 9 min

Vaccination contre la grippe chez l'enfant : doit-elle être réservée aux maladies chroniques ?

E. NICAND, HIA, Val-de-Grâce, Paris

Réserver ou limiter la vaccination contre la grippe aux patients et donc aux enfants présentant des maladies chroniques, c’est méconnaître le poids de la grippe chez les plus jeunes, en particulier les enfants d’âge scolaire et vivant en collectivité. Cependant, les bénéfices d’une vaccination en routine, c’est-à-dire la vaccination universelle de tous les nourrissons, doivent être évalués, que ce soit à titre individuel pour l’enfant, ou dans le but d’influencer l’épidémiologie globale de la grippe.

 
Épidémiologie de la grippe chez l’enfant Définition Le premier écueil rencontré pour rendre compte du poids de la grippe chez l’enfant est la définition de la grippe. En effet, plusieurs études ont montré que si les signes respiratoires associant fièvre, toux et rhinorrhée représentent la majorité des tableaux, 15 à 30 % des enfants montrent des tableaux non respiratoires définis par la fièvre et des troubles gastro- entériques (1). Par ailleurs, identifier les cas de grippe uniquement sur les signes cliniques (syndromes pseudo-grippaux), en l’absence de confirmation virologique va participer à sous-estimer son incidence, d’autant que la cocirculation d’autres pathogènes respiratoires au cours de la même période va ajouter à la difficulté diagnostique et donc de compter les cas de grippe.   Incidence de la grippe L’incidence de la grippe a été déterminée par plusieurs études tenant compte de différentes définitions de la grippe. Le risque d’infection concerne essentiellement les enfants en âge scolaire, particulièrement les plus jeunes. En France, l’incidence des infections respiratoires aiguës suivant les saisons grippales va de 72 à 315 ‰ chez les enfants de 0 à 4 ans et de 128 à 168 ‰ chez les 5-14 ans. Après confirmation virologique, l’incidence des cas de grippe au cours de la saison 2006- 2007 a été évaluée à 6,7 % chez les enfants de 0 à 4 ans. Une étude conduite à Lyon au cours de la saison 2001-2002 a inclus 630 enfants de moins de 3 ans : plus du tiers des enfants de 0 à 11 mois excrétaient le virus grippal (figure 1).  Figure 1. Pourcentage d’excrétion du virus grippal chez 630 enfants de moins de 3 ans. Étude conduite en 2001-2002(2). Des valeurs comparables sont observées dans les pays voisins (2). Au Royaume-Uni, le pic maximal de consultation pour syndrome grippal est observé dans la tranche d’âge des 0-4 ans. Outre les valeurs de l’incidence de la maladie chez les enfants, le poids de la grippe doit être évalué par le nombre d’hospitalisations, qui est un marqueur de la sévérité de la maladie. Ce sont majoritairement les enfants les plus jeunes qui paient le plus lourd tribut. En effet, le risque d’hospitalisation des nourrissons de moins de 1 an est identique à celui des adultes à risque : 23 % des enfants grippés de moins de 6 mois sont hospitalisés. Ce taux atteint 57 % pour la tranche d’âge 0-2 ans (3). L’asthme et les maladies respiratoires sont une cause importante d’hospitalisation, car 42 % des enfants hospitalisés de cette étude appartenaient à des groupes à risque pour lesquels la vaccination contre la grippe est recommandée.   Recommandations et couverture vaccinale Les patients atteints de pathologies chroniques font l’objet de recommandations contre la grippe depuis plusieurs années en France (tableau). Ces recommandations sont accompagnées de la prise en charge financière par les caisses d’assurance maladie. Dans le cadre des pathologies bronchopulmonaires, l’asthme sévère a été inclus en 2000. Cette recommandation s’est élargie en 2006 à tout type d’asthme, quelle que soit sa sévérité. Cependant, les enquêtes de couverture vaccinale soulignent le fait que l’application de ces recommandations est perfectible. L’objectif fixé dans la loi de Santé publique est d’atteindre au moins 75 % en 2008, or concernant les enfants atteints d’affections de longue durée, la couverture vaccinale était de 43,7 % (dont 55,5 %, dans le cadre des hémoglobinopathies et 12,8 % pour affections bronchopulmonaires chroniques (5). Pour les enfants asthmatiques, une étude conduite en France au cours de la saison 2006-2007 auprès de 433 d’entre eux âgés de 6 à 17 ans, montre que seuls, 15,7 % des enfants avaient été vaccinés, dont respectivement 33,3 % en cas d’asthme sévère persistant et 20,7 % lors d’asthme modéré (figure 2 [6]).   Efficacité et innocuité des vaccins chez l’enfant On peut s’interroger sur les raisons de l’échec de cette politique vaccinale et de ces faibles taux de couverture. S’agissant de l’efficacité clinique, c’est-à-dire la capacité du vaccin à prévenir la survenue de syndromes grippaux, elle a été évaluée chez les enfants de 2 à 18 ans, respectivement à 36 % pour les vaccins inactivés et 33 % pour le vaccin vivant atténué adapté au froid (7). Figure 2. Couverture vaccinale (%) contre la grippe d’enfants asthmatiques (5). Lorsque l’efficacité du vaccin est évaluée par la protection contre la grippe virologiquement confirmée, ce taux atteint 59 % pour les vaccins inactivés et 82 % pour les vaccins vivants atténués. Par ailleurs, le faible nombre d’études, leur hétérogénéité sur le plan méthodologique et scientifique chez les enfants de moins de 2 ans, ne permet pas d’évaluer parfaitement l’efficacité de ces vaccins pour cette tranche d’âge. Concernant la tolérance, elle est bonne ; en particulier la répétition des doses chez les enfants à risque élevé de grippe sévère n’a pas entraîné un plus grand nombre d’effets indésirables (1). Un des freins à la vaccination de ces enfants à risque de grippe sévère est la perception de l’entourage familial concernant son intérêt. Dans le groupe des enfants non vaccinés, les familles s’interrogent sur la disponibilité du vaccin, son efficacité, ou associent grippe et vaccin dans la majorité des cas (8). Pour les enfants vaccinés, le vaccin est administré dans la plupart des cas par le médecin généraliste. Le rappel de l’intérêt de cette vaccination par le médecin généraliste est un argument fort pour que les parents fassent revacciner leur enfant.   Vers de nouvelles formulations vaccinales En Europe, seuls les vaccins grippaux inactivés sans adjuvants sont autorisés chez les enfants. La vaccination est annuelle par injection intramusculaire, ce qui participe à limiter l’observance. La faible couverture vaccinale et l’efficacité perfectible des vaccins grippaux posent la question de savoir ce qu’apporteraient de nouvelles formulations vaccinales. Depuis 2003, un seul vaccin vivant atténué produit par recombinaison génétique est commercialisé aux États-Unis et au Canada pour les enfants à partir de 2 ans et les adultes jusqu’à 49 ans. Une demande d’enregistrement de ce vaccin pour l’Europe est en cours. Il s’agit d’un vaccin adapté au froid et administré par voie intranasale. L’efficacité comparée du vaccin vivant atténué et des vaccins inactivés a été évaluée à partir d’une méta-analyse Cochrane incluant plus de 200 000 enfants âgés de 2 ans et plus (7). L’immunogénicité statistiquement significative est de 79 % (IC95 : 48- 92 %) pour le vaccin intranasal et de 59 % (IC95 : 41-72 %) pour les vaccins inactivés. L’efficacité clinique est comparable quel que soit le type de vaccin : 33 % (IC95 : 28-38 %) pour le vaccin intranasal et 36 % pour les vaccins inactivés. Cependant, comparé au vaccin inactivé, le vaccin intranasal a démontré sa meilleure efficacité par la réduction du nombre de cas de grippe virologiquement confirmés et du nombre d’otites moyennes aiguës. Par ailleurs, la durée de protection persiste au moins pendant 2 ans, malgré les différences antigéniques entre les souches circulantes et celles incluses dans le vaccin.   Vaccination universelle : avantages et inconvénients Le but de la vaccination anti-grippale saisonnière est double. Pour les sujets les plus à risque, elle les protége vis-à-vis de la grippe. En population générale, elle vise à réduire l’incidence globale de la maladie au sein de la collectivité en créant une immunité de groupe. Dans une expérience japonaise, la vaccination d’enfants d’âge scolaire a contribué à réduire l’incidence de la grippe dans l’entourage des enfants (parents et grands-parents) (10). Or, malgré les recommandations de cibler les sujets à risque, cette infection reste mal contrôlée, que ce soit en termes de taux d’hospitalisations, de décès directement ou indirectement liés à la grippe chez les seniors de plus de 65 ans. Cela a notamment conduit les autorités américaines à recommander la vaccination universelle annuelle des enfants dès l’âge de 6 mois et jusqu’à 59 mois. Cette recommandation s’est étendue à partir de la saison grippale 2008-2009, à tous les enfants de 5 à 17 ans révolus (11). Au Canada, la vaccination universelle est indiquée chez les enfants de 6 à 23 mois. Les bénéfices de cette stratégie ont été évalués dans l’État d’Ontario au Canada et aux États-Unis. Le nombre d’hospitalisations pour grippe compliquée et le taux de létalité ont statistiquement diminué chez les sujets de plus de 65 ans, par comparaison avec la période précédant la mise en place de cette stratégie. Tous les auteurs de ces études s’accordent à dire que l’efficacité à long terme, la tolérance du vaccin et l’acceptation de la vaccination annuelle doivent être évaluées (12). À l’exception de la Finlande et de la Slovénie, la vaccination universelle des enfants n’a pas été retenue en Europe, et ce bien que de nombreux experts européens proposent que les enfants les plus jeunes, de 6 mois à 3 ans (même en l’absence de facteurs de risque) puissent bénéficier de la vaccination contre la grippe au titre du bénéfice individuel (13).   En pratique, on retiendra • Penser à la grippe chez des enfants présentant des tableaux cliniques non respiratoires, car dans 15 à 30 % des cas, elle donne des tableaux digestifs associés à la fièvre. • Privilégier la confirmation virologique de la grippe en début de saison, pour différencier cette affection des syndromes pseudo-grippaux et des infections respiratoires des voies aériennes supérieures. • Les patients atteints de pathologies chroniques font l’objet de recommandations vaccinales contre la grippe, mais le taux de couverture vaccinal est très inférieur à l’objectif fixé par la loi de Santé publique. • L’efficacité des vaccins grippaux évaluée par la protection contre la grippe (virologiquement confirmée) chez les enfants de plus de 2 ans varie de 60 à 85 % selon les vaccins et la concordance entre les variants circulants et les souches vaccinales. • La vaccination universelle des enfants sains contre la grippe n’est pas une stratégie actuellement retenue en Europe, en raison de l’absence de données d’efficacité et de tolérance. Remerciements au Professeur Catherine Weil- Olivier pour son aide apportée lors de la conférence aux 13es Rencontres de Pédiatrie Pratique 2009.  

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