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Néphrologie et Urologie

Publié le 27 jan 2010Lecture 9 min

Traitements de l’infection urinaire de l'enfant : évolution des pratiques

S. NATHANSON, Hôpital André-Mignot, Versailles Le Chesnay

Les infections urinaires font partie des infections bactériennes les plus fréquentes en pédiatrie. On comprendra qu’elles ont su susciter depuis fort longtemps l’implication des médecins, des pédiatres, puis avec le développement des sur-spécialités, celle des néphrologues et urologues pédiatres, infectiologues, bactériologistes. Nous verrons dans cet article comment les recommandations de traitements ont évolué au fil du temps.

 
Traitement curatif La différence entre cystite et pyélonéphrite apparaît très tôt dans la littérature. La notion d’infection bactérienne du bassinet et du tissu interstitiel rénal fait apparaître cette infection comme sévère.   Des années sans consensus Dès les années 70, les auteurs insistent sur la notion de stérilisation du parenchyme rénal. Pour cela est déjà évoquée l’idée de pharmacodynamie propre à chaque médicament, et les publications de l’époque insistent sur le fait que les traitements utilisés doivent avoir une concentration suffisante dans les voies excrétrices et le tissu interstitiel péritubulaire, où l’infection microbienne se développe. Cependant, on est encore à l’époque bien ignorant du métabolisme et des concentrations des produits utilisés au niveau des différentes régions du rein. De fait, ce sont les concentrations sériques et urinaires des antibiotiques ainsi que la résistance ou la sensibilité au germe qui sont réellement utilisées dans les arbres décisionnels. Les protocoles thérapeutiques sont assez flous, ils ne distinguent pas toujours le traitement des cystites de celui des pyélonéphrites. Certains auteurs distinguent plutôt le traitement des infections urinaires bénignes de celui des infections sévères. Il n’y a donc pas à l’époque de consensus. Néanmoins, si l’on essaie de résumer les stratégies proposées, on pourra retenir des principaux auteurs que le traitement des pyélonéphrites aiguës de l’enfant va différer selon l’âge : – chez le nourrisson sera proposé une bithérapie associant ampicilline par voie orale et gentamicine par voie intramusculaire ou bien l’association colistine-gentamicine ; – chez l’enfant de plus de 18 mois une monothérapie par ampicilline est proposée. La durée du traitement varie de 15 jours à 3 semaines.   1990 : première Conférence de consensus La première conférence de consensus française sur l’antibiothérapie des infections urinaires est établie en 1990. Apparaît de manière plus fine la nécessité de stériliser le parenchyme rénal de manière à ce que l’infection ne soit pas responsable de l’apparition de cicatrices rénales. La nécessité de stériliser le parenchyme rénal s’affirme et se précise. Là encore, les traitements vont différer selon l’âge de l’enfant, le seuil de 18 mois étant arbitrairement retenu. Il est recommandé pour les enfants plus jeunes d’être traités en milieu hospitaliser ; l’antibiothérapie est administrée par voie parentérale sous forme d’une bithérapie associant un aminoside à une céphalosporine de troisième génération. La bithérapie est proposée pour 1 semaine, puis la céphalosporine est poursuivie seule pour la fin du traitement. Les enfants plus grands se voient proposer un traitement qui ressemble à celui de l’adulte avec deux alternatives possibles : – soit une monothérapie par amoxicilline et acide clavulanique, ou bien une céphalosporine de troisième génération ou encore le cotrimoxazole ; – soit une bithérapie associant l’un des trois antibiotiques précédemment cités à un aminoside, ceci pendant 3 jours, puis une monothérapie est poursuivie pour la fin du traitement. Le céfixime obtient en 1993 l’autorisation de mise sur le marché comme traitement de relais oral des pyélonéphrites aiguës après 4 jours d’antibiothérapie parentérale. Cet antibiotique suscite beaucoup d’intérêt ; il possède un large spectre sur les bacilles à gram négatif et ses propriétés pharmacodynamiques semblent intéressantes.   Sélections des antibiotiques De nouvelles données de pharmacocinétique et pharmaco dynamique vont apparaître au début des années 2000 et permettre de dégager de nouvelles notions. En effet, même si les données sont encore incomplètes concernant les concentrations parenchymateuses des antibiotiques, des études de pharmacodynamie permettent d’établir que lorsque des bêtalactamines sont utilisées dans le traitement des pyélonéphrites aiguës, c’est essentiellement le temps pendant lequel la concentration de l’antibiotique est supérieure à la CMI (concentration minimale inhibitrice) qui est réellement important. Ces résultats ont en grand impact dans les pratiques professionnelles puisque, de fait, ils excluent de l’arsenal thérapeutique l’amoxicilline ± acide clavulanique qui n’ont une concentration supérieure à la CMI que pendant 20 % du temps, ce qui est insuffisant. Le céfixime confirme son intérêt dans le traitement des infections urinaires. Pour les fluoroquinolones et aminosides, c’est le quotient inhibiteur (c’està- dire le rapport du taux sérique/ CMI) qui prime ; leur QI très élevé rend ces classes d’antibiotiques très utiles dans les infections rénales. Le temps de concentration > CMI est le critère majeur du choix de l’antibiotique.  En 1999, A. Hoberman et coll. publient les résultats d’une étude clinique dans laquelle ils montrent que le céfixime pourrait être utilisé en première intention dans le traitement des pyélonéphrites aiguës de l’enfant et ceci dès le 2e mois de vie, rendant possible un traitement ambulatoire. Bien que considérés comme très séduisants, les résultats de cette étude vont être critiqués sur le plan méthodologique : même si l’auteur conclut à l’absence de différence statistiquement significative entre les 2 bras (groupe traité d’emblée par céfixime per os et groupe traité initialement par une C3G injectable avant relais par céfixime), l’équivalence entre les deux traitements ne peut être affirmée. D’autre part, apparaissent au début des années 2000 les premières publications faisant état d’une résistance croissante de germes communautaires au céfixime.   Conférence de consensus Afssaps 2007 L’analyse des données de pharmacologie, l’évolution des résistances et les résultats des études cliniques récentes ont permis en 2007 d’édifier de nouvelles recommandations pédiatriques (conférence de consensus Afssaps 2007). Les pyélonéphrites à bacilles gram négatif étant de très loin les plus fréquentes, c’est l’utilisation d’une céphalosporine de troisième génération injectable qui est préconisée pour une durée de 2 à 4 jours. L’association à un aminoside est possible si l’infection est sévère, puis au-delà de cette phase initiale, un relais par voie orale est possible. L’antibiotique de relais sera soit le céfixime (C3G orale) soit le cotrimoxazole. L’amoxicilline associée ou non à l’acide clavulanique n’est plus jamais recommandée du fait de concentrations sériques insuffisantes pendant la majeure partie du nycthémère. Enfin, les fluoroquinolones, qui n’étaient pas du tout utilisées en pédiatrie, commencent à l’être dans certaines indications très particulières. C’est le cas notamment de pyélonéphrites à germes résistants pour lesquels la ciprofloxacine devient un recours possible. L’amoxicilline associée ou non à l’acide clavulanique n’est plus jamais recommandée. Traitement préventif médical Au-delà du traitement curatif, ou traitement d’attaque, un traitement d’entretien est proposé à partir des années 70 aux enfants ayant eu une pyélonéphrite aiguë. Ce traitement préventif s’adresse aussi bien aux enfants possédant un facteur de risque de récidive, comme le reflux vésico-urétéral, qu’aux enfants indemnes de toute pathologie. Les raisons de cette prophylaxie seraient la persistance d’une inflammation des voies urinaires au-delà de la période bactériurique. Ce traitement préventif repose sur un traitement antibiotique prolongé à faible dose. Cette pratique repose sur quelques études menées dans les années 70 ayant montré sur de très faibles effectifs que le cotrimoxazole ou la nitrofurantoïne utilisés à faible dose au long cours permettaient d’éviter les cystites récidivantes chez la petite fille. Basés sur une idée théorique convaincante à l’époque, ces résultats ont conduit à une utilisation très large de l’antibioprophylaxie urinaire selon des protocoles très « personnels ». En 1974, l’équipe d’urologie infantile de l’hôpital Trousseau (Paris) propose l’utilisation de cures prolongées d’antiseptiques urinaires à large spectre, en alternant les produits tous les 10 à 15 jours. Les antibiotiques utilisés sont essentiellement des sulfamides comme le sulfaméthisol (Rufol®), le cotrimoxazole (Bactrim®) ou bien l’acide nalidixique (Négram®), la nitrofurantoïne, la nitroxoline (Nibiol®). Quelques études récentes tentent de poser une base scientifique à ces prescriptions devenues monnaie courante depuis une trentaine d’années. La question notamment de la justification de l’antibioprophylaxie urinaire chez l’enfant porteur de reflux vésicourétéral n’est réellement posée qu’après les années 2000. En 2006, une étude montre que les enfants porteurs de RVU et recevant un traitement préventif par cotrimoxazole ne feraient pas moins de pyélonéphrites que ceux ne recevant aucun traitement. Un travail en octobre 2009 montrerait à l’inverse une tendance à la diminution des récidives infectieuses des enfants porteurs de RVU traités préventivement par ce même antibiotique. Le sujet n’est donc pas clos et il faut bien se garder de conclure hâtivement. Pour le moment, la conférence de consensus de 2007 ne statue pas clairement sur les indications de ces traitements, mais recommande simplement d’en limiter les indications du fait de leur impact écologique défavorable attendu au long cours. Les études n’ont pas encore permis de trancher la question du traitement préventif. Conclusion Nous avons connu une évolution importante des pratiques en matière de traitement curatif ou préventif des pyélonéphrites aiguës. Cette évolution est certainement liée à de meilleures connaissances scientifiques, notamment des propriétés des antibiotiques, mais l’histoire doit nous apprendre à être prudents et nous inciter à ne pas changer radicalement nos attitudes thérapeutiques au vu d’une seule étude scientifique au risque de devoir revenir sur nos pas, et perdre en cohérence et crédibilité. L’histoire s’écrit pas à pas...  

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