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Neurologie

Publié le 07 nov 2010Lecture 8 min

Suivi neurosensoriel et staturo-pondéral de l’ancien prématuré

M.DEKER, Paris

La grande prématurité peut affecter le développement neurosensoriel et cognitif des enfants. Le suivi de ces enfants et la guidance des parents sont idéalement assurés par des intervenants compétents organisés en réseaux. Concernant la croissance des enfants, le rattrapage de leur retard staturo-pondéral grâce aux efforts réalisés par les équipes après la naissance est conditionné par l’existence ou non d’un retard de développement intra-utérin. 

 
Développement neurosensoriel du grand prématuré (1) Le risque neurosensoriel et neurodéveloppemental des grands prématurés est bien connu. Ainsi, le taux de séquelles neuromotrices reste à un niveau 50 fois supérieur à celui de la population née à terme (5 à 10 % de paralysies cérébrales) ; les déficiences mentales globales touchent 5 à 15 % de ces enfants. Encore plus fréquents sont les troubles des apprentissages (25 à 50 %), les troubles du comportement et les troubles émotionnels (20 %) ; les troubles envahissants du développement sont deux fois plus fréquents et affectent en particulier les enfants souffrant d’un autre handicap. Sont également retrouvées des épilepsies, essentiellement lésionnelles (4 %), et des séquelles sensorielles. Si, parmi ces dernières, la surdité et la cécité sont relativement rares (de l’ordre de 1 et de < 1 %, respectivement), les dysfonctionnements ORL sont plus fréquents, affectant particulièrement les enfants ayant des séquelles de dysplasie bronchopulmonaire (10 à 20 %), de même que les troubles visuels, à type de troubles de la réfraction, amblyopie, strabisme (25 à 50 %).   Une perturbation globale du programme développemental La modélisation des troubles du développement chez le prématuré doit prendre en compte les troubles de type lésionnel et le fait que ces enfants souffrent d’une perturbation globale de leur programme développemental. Les prématurés vivent, en effet, des expériences sensori-motrices différentes de celles d’un enfant né à terme, généralement inappropriées, ce qui peut influer sur leur développement et engendrer des troubles émotionnels, eux-mêmes responsables de troubles des apprentissages. Leur avenir semble donc bien compromis, mais un certain nombre d’interventions peuvent adoucir cette perspective. La prise en charge débute en néonatalogie avec les soins de développement, l’aide à la parentalité. Il est souhaitable de mettre précocement l’enfant en conditions d’avoir une expérience de la sensorialité, d’apporter des soutiens psychologiques puis des aides éducatives et des aides à l’intégration scolaire. Au-delà de cette guidance, il est reconnu que la précocité de l’orientation des interventions en fonction des troubles détermine le pronostic final.   Les interventions sont fonction du bilan et du suivi Du point de vue ophtalmologique, il est devenu usuel de coupler le suivi ophtalmologique à un suivi orthoptique. La guidance neuromotrice est fondamentale pour que l’enfant ait des expériences sensori-motrices adéquates, ce qui implique d’expliquer et de montrer aux parents comment aider au développement de leur enfant. Une attention toute particulière doit être portée au développement socio-émotionnel, notamment en observant les relations parents (mère)/enfant, tout en tenant compte des troubles somatiques qui, eux-mêmes, vont générer des troubles émotionnels et comportementaux. L’équipe de néonatalogie de Lausanne a ainsi étudié la dyade mère/enfant et décrit deux types d’interactions émergents : un pattern « coopérant » réciproque et harmonieux, alliant une mère sensible et un enfant bon répondeur, et un pattern « contrôlant » avec une mère contrôlante et un enfant compulsif- compliant, outre des patterns plus hétérogènes et peu harmonieux (2). Les dyades moins harmonieuses sont beaucoup plus fréquentes en cas de prématurité de l’enfant comparativement aux dyades avec un enfant né à terme, et responsables de troubles précoces de la relation mère/enfant, fortement corrélés aux troubles ultérieurs de la communication. Un lourd travail permet d’aider ces mères à ajuster leur relation à l’enfant.   Il n’existe pas de profil typique Le suivi du développement cognitif global doit être poursuivi jusqu’au cours préparatoire, voire jusqu’en sixième. Il nécessite un dépistage spécifique des troubles des apprentissages. Globalement, ces enfants ont un QI normal, mais présentent des troubles dans des domaines particuliers affectant la sphère neurosensorielle, le langage oral et/ou écrit, les fonctions praxiques et exécutives et des troubles attentionnels. D’où l’intérêt de proposer des bilans complémentaires en fonction des symptômes pour les aider au mieux dans leur adaptation au monde scolaire. Les très grands prématurés ont, eux, une déviation du QI global de - 0,7 à - 1,5 DS. Pour alarmants que soient ces chiffres, la prise en charge n’est pas fondée sur ce constat, mais sur le dépistage fin des troubles du développement, dans la mesure où il n’existe pas de profil typique.   Quel suivi idéal ? Pour que le suivi aboutisse à de bons résultats, il faut idéalement un médecin compétant, entouré de partenaires, qui ait une bonne connaissance du parcours du prématuré, de ses complications somatiques pour une appréhension globale de ses difficultés. Ce suivi est au mieux assuré par un médecin de proximité afin d’éviter le recours systématique aux consultations hospitalières, de favoriser une dynamique de développement avec des projets dont les parents deviennent des acteurs. Les consultations de l’ancien prématuré sont longues. C’est dire l’intérêt des réseaux ville/hôpital de suivi qui se sont mis en place dans diverses régions, qui ont l’avantage de faire bénéficier aux acteurs de terrain d’une formation spécifique et les faire entrer dans un mode de suivi qui fait l’objet de protocoles. Ils permettent aussi de valoriser les consultations et s’accompagnent d’une dynamique professionnelle visant à améliorer les modalités de la guidance. 1. Forcada-Guex M et al. Early dyadic patterns of mother-infant interactions and outcomes of prematurity at 18 months. Pediatrics 2006 ; 118 : e107-14.   Prématurité et croissance (3) Nous disposons pour étudier la croissance de l’ancien prématuré de quelques études, notamment EPIPAGE, une étude réalisée dans 7 régions françaises concernant des enfants nés entre 22 et 32 SA en 1997, dont 1 817 ont pu être suivis jusqu’à l’âge de 5 ans. À cet âge, une grande partie des enfants ont une taille < - 1 SDS et un petit nombre < - 2 SDS. Les facteurs de risque identifiés pour une taille < - 2 SDS sont : la taille de la mère, l’exposition in utero à une corticothérapie (témoignant davantage de la pathologie concernée que de l’effet propre des corticoïdes), l’âge gestationnel, une corticothérapie postnatale (tant en raison de la pathologie que de l’effet du traitement) et la taille initiale à la naissance. Les retards de croissances intrautérins sont un facteur de risque majeur de petite taille à l’âge de 5 ans. Les données du réseau « Grandir ensemble » de la région Pays de la Loire corroborent ces notions. Durant la période hospitalière, le nombre d’enfants nés grands prématurés à - 2 SDS pour le poids augmente. Le pourcentage d’enfants présentant un retard de croissance extra-utérin a toutefois tendance à diminuer progressivement avec le temps, ce qui montre un certain rattrapage pour le poids et la taille jusqu’à l’âge de 2 ans. Il existe assez peu d’études concernant la croissance à plus long terme. Il semble que les enfants rejoignent globalement les mensurations standard vers l’âge de 10 ans. Ainsi, une étude australienne comportant trois quarts d’enfants prématurés montre que la taille moyenne de l’ensemble de la cohorte est de 1,70 m à l’âge adulte. La croissance à long terme ne semble pas être un problème majeur concernant les anciens prématurés, 6 % d’entre eux sont trop petits comparativement à 2 % pour les enfants nés à terme.   La croissance postnatale est-elle le garant d’un meilleur développement psychomoteur ? L’un des travaux faisant référence est celui de R.A. Ehrenkranz et coll. (4), qui a montré un effet significatif de la vitesse de croissance postnatale intrahospitalière sur le développement psychomoteur et la croissance à 18-22 mois. Plus récemment, A.R. Franz et coll. (5) ont rapporté le suivi à 5 ans de 219 enfants nés grands prématurés (27 SA en moyenne). Ce travail montre une corrélation positive entre le rattrapage de croissance en poids et périmètre crânien durant la période hospitalière et le pronostic psychomoteur, mais que ce pronostic est encore plus fortement corrélé au retard de croissance intra-utérin. Autrement dit, les efforts réalisés par les équipes après la naissance pour permettre à l’enfant de rattraper son retard staturo-pondéral, notamment par des apports alimentaires mieux adaptés, avec l’espoir d’améliorer son statut psychomoteur, restent compromis par le retard de développement intra-utérin. L’étude EPIPAGE a permis de comparer les enfants allaités au sein de manière exclusive à l’ensemble de la cohorte. Les premiers ont une moins bonne croissance pondérale et staturale pendant la période hospitalière, mais le différentiel s’estompe à l’âge de 5 ans. En revanche, les enfants allaités ont un moindre risque de déficit des capacités cognitives. Au final, la notion de « qualité de croissance » en postnatal doit probablement être prise en compte, même si le handicap du retard de croissance intra-utérin pèse davantage en termes de développement psychomoteur.  

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