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Néonatologie

Publié le 17 mai 2007Lecture 12 min

Retard de croissance d’origine vasculaire : quand faut-il extraire ?

B.Langer, Hôpital de Hautepierre, Strasbourg
À distance du terme, la souffrance fœtale chronique peut être surveillée par l’analyse informatisée du RCF, le score de Manning et les explorations Doppler. La mesure de la VCT et le Doppler au niveau du canal d’Arantius semblent être les derniers paramètres à s’altérer sans que l’on sache s’il est bénéfique d’attendre ces modifications.
Un quart de siècle plus tôt, les périnatologues s’accordaient pour ne pas réaliser de césariennes pour souffrance fœtale s’ils estimaient que le poids fœtal était inférieur à 1 000 g ou si l’âge gestationnel était inférieur à 28 SA. Aujourd’hui, grâce aux progrès réalisés en néonatologie, des survies sont rapportées à des poids de naissance inférieurs à 500 g ou à des âges gestationnels de 22 SA. Du coup, on pratique également des césariennes à des âges gestationnels de plus en plus précoces. Dans l’enquête française Evaprima de 2006, 4 centres de niveau III interrogés  sur 14 réalisent des césariennes sur indication fœtale à partir de 25 semaines et 8 à partir de 26 semaines. On sait pourtant que les enfants de moins de 1 000 g, qui représentent 1 % des naissances, sont à l’origine de près de la moitié de la mortalité périnatale et que, parmi les survivants, 20-30 % d’entre eux vont présenter une importante morbidité notamment neurologique. Les néonatologistes sont régulièrement confrontés au problème de la poursuite des soins chez certains de ces enfants. Pour les périnatologues qui devront informer et conseiller les parents, puis poser l’indication d’une extraction, le problème est encore plus difficile dans la mesure où il ne peut évaluer le pronostic fœtal qu’indirectement. Les moyens disponibles pour évaluer un enfant en souffrance fœtale chronique (SFC) à distance du terme comprennent : – le monitoring du rythme cardiaque fœtal (RCF) et en particulier l’analyse informatisée du RCF ; – les critères du score biophysique de Manning ; – les examens Doppler.   Âge gestationnel ou poids fœtal Toute décision d’extraction à distance du terme va d’abord prendre en compte l’âge gestationnel, puis l’estimation pondérale. L’âge gestationnel est déterminé à ± 5 jours par la mesure de la longueur cranio-caudale de l’échographie du 1er trimestre et, pour la fourchette de poids de naissance 500-1 000 g, la précision des formules d’estimation pondérale se situe à ± 100 g du poids réel dans plus de 80 % des cas. Surtout, il ne faut pas sous-estimer le taux de survie global périnatal comme le taux de survie sans séquelles pour chaque âge gestationnel. En effet, plusieurs enquêtes auprès des obstétriciens comme auprès des pédiatres montrent que cette sous-estimation varie entre 10 et 20 %. Or, il est parfaitement établi que la survie globale périnatale comme la survie sans séquelles est multipliée par un facteur entre 2 et 3 si l’obstétricien est prêt à réaliser une césarienne pour indication fœtale à partir de 800 g ou de 26 semaines. Il est donc essentiel dans la prise de décision d’extraction de connaître les performances réelles du service de néonatologie avec lequel on travaille.   Il est essentiel, dans la prise de décision d’extraction, de connaître les performances réelles du service de néonatologie avec lequel on travaille.   Monitoring du RCF et analyse informatisée du RCF De nombreux scores ont été proposés pour analyser le RCF. Un des plus connus, le score de Fischer, présente un degré d’agrément interobservateur très variable allant de 63 et 98 %, alors que l’analyse subjective du RCF ne présente, elle, qu’un degré d’agrément de 60 %. Seule l’appréciation du RCF en caractère réactif (présence de 2 accélérations de 15 bpm sur un tracé de 20 min) ou non réactif présente un très bon degré d’agrément interobservateur (93-95 %). Par rapport à la mortalité périnatale, un tracé réactif présente un taux de faux négatifs de 5 ‰, alors qu’un tracé non réactif présente un taux de faux positifs de 75 à 90 %. La facilité avec laquelle on vérifie la réactivité du RCF dépend de l’âge gestationnel. Plus l’âge gestationnel est faible et plus il faut savoir prolonger le tracé pendant 30, 60, voire 90 minutes avant de le considérer comme non-réactif. Loin du terme, la surveillance de la souffrance fœtale chronique est, de ce fait, difficile avec l’enregistrement classique du RCF. S.N. Visser a montré que l’aggravation de l’hypoxie et de l’acidose fœtale en cas de SFC se traduisait successivement par la disparition des accélérations, l’apparition d’une tachycardie et par la survenue simultanée d’une diminution de la variabilité et de décélérations tardives (figure 1).     Figure 1.  Évolution du RCF en cas de souffrance fœtale chronique. A - Tracé avec accélérations. B - Disparition des accélérations et apparition d’une tachycardie. C - Perte de la variabilité et apparition de décélérations tardives.  Pour plusieurs auteurs, extraire lors de l’apparition de décélérations tardives serait même trop tardif pour le pronostic neurologique du nouveau-né. Ainsi, sur le RCF, les premiers comme les derniers signes de SFC sont faciles à distinguer. La difficulté est d’apprécier l’aggravation entre ces 2 extrêmes, aggravation qui peut s’étendre sur une à plusieurs semaines. Or, avant 34 semaines, on cherchera à réduire autant que possible les complications d’une prématurité induite en retardant l’extraction.   Avant 34 semaines, on cherchera à réduire autant que possible les complications d’une prématurité induite en retardant l’extraction.   L’analyse informatisée du RCF L’analyse informatisée du RCF est, pour cette raison, un examen complémentaire très intéressant. Elle est obtenue à l’aide d’un cardiotocographe Oxford développé par Sonicaïd, appareil de taille et de coût semblables à celui du cardiotocographe habituel. Après 20 minutes d’enregistrement, l’interprétation automatisée du tracé va quantifier le taux de perte de signal, le nombre de mouvements par heure du fœtus, le rythme de base moyen, le nombre de contractions, d’accélérations > 10 bpm et > 15 bpm pendant au moins 15 secondes et le nombre de décélérations > 20 battements/minute (figure 2).     Figure 2. Exemple d’analyse informatisée en cas de RCIU et prééclampsie sévère. Extraction fœtale à 29 SA par césarienne, d’une fille de 1 000 g, Apgar 10, pH artériel au cordon (7,27). Surtout, elle va quantifier d’autres paramètres invisibles à l’œil nu comme les épisodes de haute et basse variabilité et surtout la variabilité à court terme (VCT), qui est le paramètre le plus pertinent pour juger le degré de SFC. Au final, elle évite les variations d’interprétation individuelle. Elle quantifie de façon rigoureuse certains paramètres comme les accélérations et les décélérations, ce qui permet d’établir des courbes d’évolution dans le temps. C’est un examen facile à réaliser et à interpréter contrairement aux explorations Doppler par exemple, qui nécessitent un appareillage sophistiqué et des opérateurs aguerris. Elle fournit des paramètres précieux qui ne sont pas visibles à l’œil nu comme la VCT. Enfin, elle réduit la durée d’enregistrement nécessaire pour s’assurer du bien-être fœtal.   Les critères du score biophysique de Manning Il consiste en la recherche, sur une période d’au moins 20 minutes, de 5 paramètres cotés 0 ou 2 selon qu’ils soient absents ou présents. Quatre de ces paramètres sont recherchés en échographie : quantité de liquide amniotique, tonus, mouvements fœtaux, mouvements respiratoires. Le dernier paramètre est le caractère réactif du tracé. Lorsque le score est  4/10, l’extraction s’impose. Un score > 8 présente un taux de faux négatifs à 0,8 ‰ pour la mortalité périnatale. Lorsqu’il est inférieur à 6, le taux de faux positifs est < 1 %. Ce score a cependant le désavantage d’être un gros consommateur de temps. A.M. Vintzileos a montré que, lorsque l’acidose fœtale se développe, les 2 premiers critères à disparaître sont les mouvements respiratoires fœtaux en échographie et les accélérations à l’enregistrement du RCF. C’est pourquoi on a proposé un score simplifié, limité à la recherche des accélérations du RCF et des mouvements respiratoires fœtaux.   Les examens Dopplers Le Doppler de l’artère ombilicale (figure 3) doit faire partie de l’évaluation de toute suspicion d’hypotrophie, car il va permettre de distinguer : – les fœtus petits de façon constitutionnelle, où le Doppler ombilical est normal et dont la surveillance pourra être allégée ; – les véritables RCIU, où le Doppler ombilical est pathologique (diminution de la diastole, diastole nulle ou reverse flow) et où une surveillance étroite devra être mise en place. Deux métaanalyses ont montré qu’il permet d’améliorer les résultats périnataux : réduction de la mortalité périnatale (OR : 0,68) et des hémorragies intraventriculaires majeures (OR : 0,61). Comparé au RCF, il permet de diminuer le nombre d’examens complémentaires, celui des hospitalisations maternelles, des déclenchements ou des césariennes pour SFA. L’apparition d’une diastole nulle peut précéder de plusieurs semaines (en moyenne 14 jours) les altérations du RCF. À distance du terme, elle ne peut donc constituer à elle seule une indication d’extraction fœtale en raison des complications potentielles de la prématurité. Lors d’hypoxie chronique, le fœtus redistribue son débit sanguin pour privilégier les territoires les plusF importants comme le cerveau, le cœur, les surrénales et la rate aux dépens du reste du corps. Ceci se traduit par une augmentation du flux en diastole dans ces vaisseaux. Le Doppler de l’artère cérébrale moyenne confronté à celui de l’artère ombilicale permet de déceler cette redistribution, qui marque une étape supplémentaire dans l’aggravation de la souffrance fœtale chronique. Elle précéderait d’une dizaine de jours les premières anomalies du RCF. Dans certaines hypotrophies sévères et précoces, cette vasodilatation cérébrale peut disparaître 24 à 48 heures avant le décès in utero. Utiliser le Doppler cérébral comme critère d’extraction n’est donc possible que lorsque l’on a pu réaliser un suivi Doppler régulier.     Figures 3 et 4. Spectres Doppler de l’artère ombilicale (A) et cérébrale moyenne (B) en cas de RCIU. Le flux en diastole est plus important au niveau de l’artère cérébrale moyenne (RI = 0,87) qu’au niveau de l’artère ombilicale (RI = 0,98) témoignant du phénomène de redistribution. Utiliser le Doppler cérébral comme critère d’extraction n’est possible que lorsque l’on a pu réaliser un suivi Doppler régulier.   Lorsque le fœtus a épuisé les possibilités de réponse à l’hypoxie par la redistribution, sa fonction cardiaque va s’altérer. En pratique, elle se traduira par l’apparition de pulsations au niveau du spectre de la veine ombilicale ou une modification de l’onde « a » du spectre Doppler du canal d’Arantius. K. Hecher, dans une étude observationnelle, a montré que ces différentes explorations Doppler ne présentent d’intérêt dans la prise en charge des hypotrophes que lorsque l’on se trouve loin du terme avant 32 semaines. L’étude TRUFFLE nous dira prochainement qui de la VCT ou du Doppler du canal d’Arantius est le plus pertinent pour décider d’une extraction fœtale.     Conclusion La biométrie fœtale associée au Doppler ombilical permet de diagnostiquer l’hypotrophie et d’en établir un premier pronostic. La surveillance ultérieure repose sur les Dopplers ombilical, cérébral et veineux et l’analyse informatisée du RCF (figure 5). L’interprétation de ces divers examens complémentaires devra cependant tenir compte de la pathologie en cause et de l’âge gestationnel. Ainsi, la conduite à tenir devant une diastole nulle au Doppler ombilical sera très différente selon le terme. Après 32-34 semaines, elle peut constituer un critère d’extraction, alors qu’avant 32 semaines, on attendra la survenue d’altérations du RCF. D’autres études devront préciser si attendre les dernières altérations des divers examens complémentaires (figure 6) est bénéfique au pronostic néonatal, en particulier sur le plan neurologique.  Points forts   Il ne faut pas sous-estimer le taux de survie global périnatal comme le taux de survie sans séquelles pour chaque âge gestationnel.   L’aggravation de l’hypoxie et de l’acidose fœtale en cas de SFC se traduit par la disparition des accélérations, l’apparition d’une tachycardie, puis par la survenue simultanée d’une diminution de la variabilité et de décélérations tardives.   Les mouvements respiratoires fœtaux en échographie et les accélérations à l’enregistrement du RCF sont les 2 premiers critères qui disparaissent dans le score de Manning.   La diminution de la VCT et les anomalies du Doppler au canal d’Arantius sont les derniers paramètres à s’altérer avant la mort in utero ou l’extraction fœtale.

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