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Douleur

Publié le 16 mai 2011Lecture 9 min

Recommandations dans la douleur de l’enfant

B. TOURNIAIRE, Unité Douleur et Centre de la migraine de l’enfant, Hôpital Armand Trousseau, Paris

La douleur est un des motifs principaux de consultation en pédiatrie et doit être traitée pour elle-même, en parallèle du traitement étiologique. Les règles de prescription des antalgiques sont simples. Pourtant, ces antalgiques de base restent trop souvent mal prescrits. Quelles en sont les raisons et quelles connaissances sont nécessaires pour une amélioration de la situation ?  En 2009, des recommandations de l’Afssaps ont été publiées sur l’utilisation des antalgiques en pédiatrie(1). Toute la littérature a été revue avec la méthodologie habituelle, permettant de faire des recommandations basées sur des niveaux de preuve.

 
Avons-nous des obligations légales à traiter la douleur ? Le Code de déontologie (article 37) spécifie que « le médecin doit s’efforcer d’apaiser les souffrances de son malade ». Depuis 1996, la législation française fait obligation aux établissements de soins de mettre en place les moyens propres à la prise en charge de la douleur (article L70- 3-1 du Code de la santé publique, loi 96-456 du 28/5/96). Deux circulaires ministérielles récentes concernent l’évaluation et la prise en charge de la douleur. En 2008, un hôpital a été mis en cause pour absence de prise en charge antalgique malgré la douleur du patient(3).   À partir de quel âge, les enfants peuvent-ils prendre des antalgiques en comprimés ? Pour tous les médicaments en comprimés, les AMM sont données selon l’Afssaps à partir de 6 ans, âge auquel il est considéré que les enfants peuvent avaler ces comprimés. Si la posologie le permet, si l’enfant sait avaler les comprimés ou si ceux-ci peuvent être écrasés ou dissous, rien n’empêche des prises en-dessous de cet âge.   Comment adapter les prescriptions en ambulatoire ? Pour que l'adaptation du traitement ambulatoire soit possible, les parents doivent recevoir une information suffisante et des consignes précises mentionnées sur l’ordonnance : prise systématique pendant un temps déterminé, modalités d’évaluation de la douleur et horaire de cette évaluation, modalités de changement de palier médicamenteux. Quand une analgésie correcte est obtenue, la réapparition des douleurs est prévenue grâce à des prises d’antalgiques systématiques (y compris la nuit) pour la durée prévisible de la douleur. ● Pourquoi ne faut-il plus prescrire de suppositoires de paracétamol ? La voie rectale est à éviter, car les études de pharmacocinétique montrent que l’absorption est plus faible : pour obtenir une concentration sérique correcte, la posologie devrait être augmentée à au moins 30 mg/kg en prise initiale, mais se pose le problème du relais.  Recommandations de l’Afssaps : dès que la voie orale est utilisable, il n’y a pas lieu d’utiliser la voie IV. La voie rectale ne doit plus être utilisée compte tenu de sa biodisponibilité faible et imprévisible (grade A).   Pourquoi les médecins ont-ils peur de l’ibuprofène ? Les raisons de cette quasi-phobie, très française, nous échappent un peu. Des rumeurs courent beaucoup plus que de réelles données. Dans d’autres pays, l’ibuprofène est le traitement de première intention, le paracétamol étant beaucoup plus craint ! L’ensemble de la littérature a été revue pour les recommandations de l’Afssaps de 2009 et permet de lever le voile sur de nombreuses questions concernant cette molécule. Quelle est la posologie recommandée d’ibuprofène ? La posologie recommandée est de 30 mg/kg/j (soit 10 mg/kg 3 fois par jour ou 7,5 mg/kg 4 fois par jour) et un maximum de 400 mg 3 fois par jour. Un enfant pesant 20 kg (soit âgé d’environ 6 ans) devra recevoir, par exemple, 200 mg 3 fois par jour. Or, pour ces formes en comprimés à cette posologie, la mention « réservé aux enfants de plus de 12 ans » figure sur la notice. De même, dès 40 kg, les enfants devront recevoir 400 mg d’ibuprofène, dose « soi-disant » réservée aux adultes. Ces informations figurant sur les boîtes de médicaments conduisent alors à des sous-dosages fréquents. ● Qu’en est-il des suppositoires d’AINS ? Le diclofénac en suppositoire (25 et 100 mg) est prescrit à la dose de 2 à 3 mg/kg/j en deux à trois prises, seulement en cas d’impossibilité d’utilisation complète de la voie orale.  Recommandations de l’Afssaps : l’acide niflumique en intrarectal, bien que très régulièrement prescrit, n’est pas recommandé du fait d’une très faible biodisponibilité. Le diclofénac rectal est préféré en raison d’un profil pharmacocinétique plus favorable (grade C).   Quels sont réellement les effets indésirables de l’ibuprofène ? De nombreuses discussions, parfois polémiques, existent autour des AINS et de leur toxicité potentielle. L’ensemble des études disponibles figure dans l’argumentaire des recommandations de l’Afssaps(1).   ● L’ibuprofène dans de grandes cohortes d’enfants Les recommandations Afssaps stipulent que « des études menées sur de très grandes séries ont démontré la sécurité d’utilisation des AINS chez la majorité des enfants »(4,5). Une étude incluant 27 065 enfants âgés de plus 2 ans, randomisés pour recevoir 12 mg/kg de paracétamol ou 5 ou 10 mg/kg d’ibuprofène, n’objective pas de différence pour l’incidence des effets indésirables(4). La cellule épidémiologique du centre universitaire de Boston, dans une cohorte de 85 192 enfants fébriles, n’identifie pas l’ibuprofène comme facteur de risque d’admission hospitalière ou de troubles digestifs.   ● L’ibuprofène et la toxicité rénale L’étude de S.M. Lesko sur plus de 80 000 enfants(4,5) et celle d’E. Ashraf( 6) portant sur plus de 30 000 enfants n’ont rapporté aucun cas d’insuffisance rénale. Cependant, la déshydratation majore ce risque ; la recommandation de l’Afssaps est que « toute prescription doit être précédée de la correction des états de déshydratation et d’hypovolémie ».   ● L’ibuprofène et les effets indésirables digestifs E. Ashraf(6) n’a retrouvé aucun effet de ce type dans sa cohorte de 30 000 enfants. L’étude de S.M. Lesko a permis d’estimer le risque d’hémorragie digestive à 7,2/100 000, très peu différent de celui obtenu dans le groupe paracétamol ! L’ensemble des cas sévères rapportés dans les centres de pharmacovigilance français, dont certains sur une période de plus de 15 ans, est de 60 cas dont 23 liés à l’ibuprofène, et observés surtout en cas de prescription hors AMM, de durée longue, d’association à un salicylé ou de surdosage. Cette revue de la littérature permet de dire que le risque d’ulcérations gastriques est modéré si le traitement est court. Toute prescription d’AINS doit être précédée de la correction des états de déshydratation et d’hypovolémie.   ● L’ibuprofène et le risque infectieux Suite à des cas de fasciite nécrosante chez des enfants ayant la varicelle et traités par ibuprofène, une mise en garde a été publiée par l’Afssaps en 2004 : « l'utilisation d'AINS n'est pas recommandée chez l'enfant atteint de varicelle ». Cependant, la relation de cause à effet n’est à ce jour pas prouvée. Une étude a signalé le risque de pleurésies purulentes sans preuve de relation directe, mais la prudence a fait réagir l’Afssaps en 2009 : « l’administration d’ibuprofène au décours des pneumopathies bactériennes majorerait le risque d’évolution vers une pleuropneumopathie ».   Pourquoi faut-il privilégier l’ibuprofène dans les douleurs traumatologiques ? Plusieurs études ont mis en évidence la supériorité de l’ibuprofène sur le paracétamol dans ces situations et son action aussi efficace qu’une association paracétamol- codéine.   Faut-il associer le paracétamol et les AINS ? L’intérêt de l’association des AINS au paracétamol est difficile à établir à l’aide des études cliniques disponibles, en nombre restreint et de sensibilité parfois insuffisante. Sur 9 études retenues dans le travail de l’Afssaps, incluant adultes et enfants et comparant le paracétamol et l’association paracétamol- AINS, 6 essais montrent la supériorité de l’association. En revanche, parmi 6 études comparant les AINS et l’association paracétamol-AINS en postopératoire, seules 2 mettent en évidence l’intérêt de l’association. Aucun effet indésirable n’est rapporté pour l’association.  Recommandation de l’Afssaps : « en postopératoire, pour des douleurs de moyenne à forte intensité, l’association AINS-paracétamol est recommandée dans le cadre d’une stratégie analgésique multimodale ». En pratique, dans les autres douleurs, si un antalgique suffit pour obtenir une analgésie, la question ne se posera pas. Dans le cas contraire, le recours à l’association peut permettre une nette amélioration et doit être proposé.   La codéine, une efficacité modérée et aléatoire. Pourquoi ? La codéine est 10 fois moins puissante que la morphine. Elle est métabolisée en substance plus active (morphine) par une des enzymes du système des cytochromes P450. Du fait des phénomènes de maturation hépatique, cette voie de biotransformation n’est pas pleinement fonctionnelle chez le jeune nourrisson de moins de 6 mois. Le CYP2D6 étant affecté d’un polymorphisme génétique, il existe des métaboliseurs lents avec un risque d’efficacité modérée ou nulle (7 à 10 % de la population générale, et certainement plus en pédiatrie) et des métaboliseurs rapides, avec un risque de surdosage, mais rien ne permet de les distinguer cliniquement. La posologie de la codéine est de 0,5 à 1 mg/kg toutes les 4 à 6 heures ; la première prise doit être de 0,5 mg/kg (du fait des variations de métabolisme), puis augmentée à 1 mg/kg/prise si nécessaire pour les prises suivantes, sans dépasser 6 mg/kg/j. La codéine n’est pas autorisée avant l’âge de 1 an. Peu efficace seule, cette molécule doit être associée à un antalgique de niveau 1 (ibuprofène ou paracétamol). Codenfan® sirop ne contient que de la codéine (1 ml de sirop = 1 mg de codéine), alors que les autres formes disponibles sont surtout des associations paracétamol- codéine (Efferalgan®- codéine, Dafalgan®-codéine, Codoliprane®…).  Recommandation de l’Afssaps : un polymorphisme génétique peut diminuer l’efficacité de la codéine chez une proportion significative d’enfants. Il est recommandé de l’associer au paracétamol ou à l’ibuprofène (grade B).  

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