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Rhumatologie - Os - Orthopédie - Traumatologie

Publié le 11 oct 2010Lecture 9 min

Quoi de neuf dans les arthrites juvéniles idiopathiques ?

L. ROSSI, I. KONÉ-PAUT - Hôpital Bicêtre AP-HP, Le Kremlin-Bicêtre
Des avancées physiopathologiques ont modifié le visage de la maladie de Still de l’enfant. Les bases du traitement de cette maladie ont été modifiées, notamment avec le recours aux biothérapies ciblant l’IL-1 et l’IL-6 quand il faut recourir à un traitement de fond.
Maladie de Still de l’enfant ou forme systémique d’AJI (FS-AJI) Le diagnostic de FS-AJI peut être posé devant une fièvre qui dure au moins 15 jours, avec typiquement un pic par jour, une arthrite d’au moins une articulation (concomitante ou plus souvent se manifestant après l’apparition de la fièvre) et au moins un autre signe parmi les suivants : – éruption cutanée (typiquement maculeuse, lors des pics fébriles) ; – adénopathie ; – hépatomégalie ; – splénomégalie ; – sérite. À cause de ces particularités cliniques et des nouvelles connaissances physiopathologiques (2), la plupart des auteurs considèrent la maladie de Still comme une maladie auto-inflammatoire (MAI) plutôt qu’une AJI. Dans les MAI, dont la fièvre méditerranéenne familiale est le prototype, les cellules de l’immunité innée et leurs cytokines proinflammatoires, l’interleukine-1 (IL-1) et l’interleukine-6 (IL-6), jouent un rôle principal. Ces maladies, tout comme la FS-AJI, se caractérisent sur le plan biologique par un syndrome inflammatoire très important, par l’absence d’autoanticorps spécifiques et de lien HLA. Le plus intéressant au plan clinique est leur réponse aux traitements anti-IL-1 et non aux traitements anti-TNF alpha. L’IL-1 est une cytokine pléiotropique ayant des effets centraux tels que la fièvre, la fatigue, les algies intenses, et périphériques, sur l’os et sur la moelle osseuse et, par le biais de l’IL-6, sur le foie avec la sécrétion de protéines de la phase aiguë (CRP et SAA). Les maladies auto-inflammatoires, comme la maladie de Still de l’enfant, répondent plus particulièrement aux anti-IL-1. Les nouvelles connaissances de la physiopathologie de la maladie de Still ont amené à des changements radicaux de la stratégie thérapeutique. Le traitement classique prévoit en première intention les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et, en cas d’intolérance ou d’échec — ce qui a lieu dans la majorité des cas — une corticothérapie par voie générale. S’il existe une corticodépendance ou une corticorésistance à 3 mois, au maximum 6, du début de la maladie, il est nécessaire d’introduire un traitement de fond en raison du risque de complications à long terme d’une maladie inflammatoire non contrôlée, d’une part, et celui d’une corticothérapie de longue durée (séquelles articulaires, retard de croissance, ostéoporose, etc.) de l’autre. Les traitements de fond classiques tels que le méthotrexate (MTX) et les anti-TNF alpha, qui sont recommandés pour l’AJI polyarticulaire, n’ont pas une efficacité aussi importante dans la FS-AJI. Pour cette raison, la plupart des experts recommandent l’introduction précoce des médicaments anti-IL-1 ou anti-IL-6 en cas d’échec des traitements de première ligne. Un traitement de fond est requis en raison des complications à long terme de la maladie et de la corticothérapie. Les médicaments anti-IL-1 ● L’anakinra (Kineret®) est un analogue de l’antagoniste physiologique du récepteur de l’IL-1. Il est administré par voie souscutanée une fois par jour (car demi-vie de 6 heures). Les dernières études, mais dont aucune n’est contrôlée, ont montré une efficacité de l’anakinra chez à peu près 40 % des patients (3,4). L’avantage est celui d’un effet rapide, mais qui peut s’épuiser au fil du temps. Même si la réponse dans la maladie de Still est moyenne, l’anakinra a permis néanmoins de mettre en évidence une forte sensibilité de certaines MAI aux traitements anti-IL-1. Les syndromes périodiques liés à la cryopyrine (CAPS) et le syndrome lié au déficit de l’antagoniste du récepteur de l’IL-1 (DIRA), maladies causées par une mauvaise régulation du métabolisme de l’IL-1, ont montré une réponse extraordinaire à l’anakinra. Malgré une bonne tolérance, les injections quotidiennes peuvent être très douloureuses, et des réactions cutanées localisées peuvent avoir lieu. Comme pour toutes biothérapies, il y a une susceptibilité augmentée aux infections. Il faut rappeler que, malgré son utilisation dans ces maladies, l’anakinra n’a pas d’AMM en rhumatologie pédiatrique en France. ● Le canakinumab (Ilaris®) est un anticorps monoclonal humanisé contre l’IL-1 bêta. Par rapport à l’anakinra, il a l’avantage d’une administration toutes les 4 semaines et les injections ne sont pas particulièrement douloureuses. Suite à une étude randomisée contrôlée (RC) internationale récemment publiée (5) ayant montré une efficacité spectaculaire chez les patients atteints de CAPS, la demande d’AMM pour le canakinumab est en cours pour ce groupe de maladies. Dans la FS-AJI, des résultats préliminaires d’utilisation du canakinumab ont été publiés(6) : sur 22 patients évaluables au 15e jour de traitement, 13 montraient une réponse clinique et biologique significative ; 4 avaient une maladie totalement inactive ; 6 patients sur 17 résistant à l’anakinra étaient répondeurs au canakinumab. La dose de corticoïdes a pu être diminuée chez la majorité des répondeurs. Le canakinumab semble donc être un médicament plus puissant que l’anakinra, avec un bon profil de tolérance selon les premières données. Une étude RC internationale de phase III est en cours.   Les médicaments anti-IL-6 L’IL-6 est une cytokine pléiotropique qui possède de nombreuses activités biologiques dans la régulation de l’immunité, de l’hématopoïèse, de l’inflammation et dans l’oncogénèse. L’IL-6 agit plus en aval que l’IL-1 et, dans la maladie de Still, elle est responsable principalement de l’important syndrome inflammatoire (élévation des PMN, des plaquettes et anémie hypochrome), de l’activation des ostéoclastes (destruction osseuse et du cartilage) et de la synovite. ● Le tocilizumab (RoActemra®) est actuellement le seul traitement disponible ciblant l’IL-6. Il s’agit d’un anticorps monoclonal humanisé bloquant les récepteurs membranaires et solubles de l’IL-6. À la suite des résultats d’une étude RC vs placebo portant sur 56 patients (7), le tocilizumab a obtenu l’AMM au Japon en 2008 pour la FS-AJI à partir de l’âge de 2 ans. Dans cet essai, l’évaluation à 6 semaines du début du traitement a montré une réponse significative chez 91 % des patients ; 68 % des patients avaient une rémission presque complète de la maladie. Les résultats de l’étude d’extension présentés au dernier congrès de rhumatologie européen (EULAR 2009) confirment que l’efficacité de ce médicament est persistante. Cependant, 4 patients sur 67 sont sortis de l’étude à cause d’un effet indésirable sévère. Actuellement, deux études RC internationales sont en cours avec le tocilizumab, l’une chez les patients atteints de FS-AJI, l’autre chez les patients atteints de forme polyarticulaire d’AJI.   Les traitements anti-TNF alpha ● L’étanercept (Enbrel®) est la première molécule à avoir obtenu l’AMM pour la forme polyarticulaire d’AJI entre 4 et 17 ans et réfractaire au MTX. L’étanercept apporte un taux de réponses d’environ 70 %. Ce traitement est bien toléré, mais ses effets secondaires à long terme (infections et induction de cancers) nécessite une surveillance continue des patients traités. ● L’adalimumab (Humira®) a été la deuxième molécule à obtenir l’AMM pour les AJI polyarticulaires en échec du MTX, à partir de l’âge de 14 ans. Il s’agit d’un anticorps monoclonal humanisé bloquant le TNF alpha circulant et membranaire. Son efficacité a été prouvée par une étude RC sur 171 patients en association avec le MTX, avec une réponse significative chez 69 % des patients (8). La tolérance est bonne, comparable à celle de l’étanercept. L’efficacité de l’adalimumab a été rapportée chez des enfants atteints d’une uvéite antérieure chronique, qui est une complication bien connue de l’AJI. ● L’infliximab (Remicade®) est un anticorps monoclonal chimérique ciblant le TNF alpha circulant et membranaire. Bien que considéré comme un traitement efficace selon beaucoup d’experts, l’infliximab n’a pas d’AMM en Europe, car le seul essai international contre placebo n’a pas mis en évidence la supériorité de cette molécule vs placebo. ● L’abatacept (Orencia®) est un inhibiteur de la costimulation qui bloque l’activation des lymphocytes T. Un essai international portant sur 190 enfants atteints d’une AJI polyarticulaire en échec du MTX, et pour 30 % d’entre eux de l’étanercept, a montré l’efficacité de cette molécule à court terme (à 4 mois, 65 % de répondeurs) (9). Les résultats du suivi à 31 mois de ces patients ont mis en évidence une apparition tardive d’un effet chez les non-répondeurs dans les premiers mois. Le profil de tolérance était excellent. L’abatacept a récemment eu l’AMM pour les AJI polyarticulaires chez les enfants de plus de 6 ans en échec du MTX et d’un traitement anti-TNF alpha.   Conclusion Bien que la maladie de Still soit toujours classée parmi les AJI, elle doit être considérée et traitée comme une maladie autoinflammatoire. De nouvelles « biothérapies » sont disponibles pour cette maladie ainsi que pour les autres formes d’AJI. Si les premiers résultats sont encourageants, seulement un suivi à long terme de ces patients permettra de démontrer plus clairement l’efficacité et surtout la tolérance de ces nouveaux médicaments.   Points forts   La maladie de Still est maintenant vue comme une maladie auto-inflammatoire, ce qui a modifié son traitement de fond.   Les traitements par anti- TNF restent les biothérapies de première ligne pour les autres formes d’AJI.   Le suivi à long terme des enfants traités par biothérapie est indispensable, ce qui justifie l’établissement de bases de données.

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