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Gastro-entérologie

Publié le 05 aoû 2010Lecture 8 min

Que deviennent les enfants constipés ? Constipation fonctionnelle du jeune enfant : 10 ans après

L. MICHAUD, Hôpital Jeanne de Flandre, CHRU Lille. INSERM U995, IFR 114

La constipation est une affection particulièrement fréquente chez l’enfant. Elle représente environ 5 % (3 à 10 %) des motifs de consultation en pédiatrie et plus de 25 % des consultations spécialisées en gastro-entérologie pédiatrique. Cependant, l’évolution à moyen et long termes des patients suivis pour une constipation dans l’enfance est très mal connue. La différence de sex ratio entre la constipation de l’adulte (plus de femmes) et celle de l’enfant (plus de garçons dans plusieurs études) pourrait être en faveur de mécanismes physiopathologiques différents ; toutefois l’hypothèse d’un continuum entre la constipation de l’enfant et celle de l’adulte ne peut être a priori exclue.

Fréquence de la constipation chez l’enfant et chez l’adulte Les données de la littérature concernant la fréquence de la constipation chez l’enfant sont contradictoires et dépendent des populations étudiées et des critères de définition retenus. La prévalence de la constipation chez l’enfant dans la population générale varie de 0,7 à 29,6 %. Selon D. K. Fleisher, 10 % des enfants seront vus pour un problème de constipation avant d’atteindre l’âge adulte (1). Dans une étude plus récente concernant des enfants brésiliens d’âge scolaire (n = 391), 28 % des enfants interrogés souffraient de constipation fréquente ou occasionnelle (2). Dans une autre étude réalisée en Europe, 34 % d’enfants britanniques âgés de 4 à 11 ans avaient présenté des périodes de constipation, et pour 5 % d’entre eux une constipation de durée supérieure à 6 mois (3). Chez l’adulte, la fréquence de la constipation s’élève avec l’âge et prédomine chez la femme. Elle semble cependant parfois moins fréquente que chez l’enfant : elle concerne environ 17 % de la population adulte en Europe. Dans une étude portant sur une population de femmes, la fréquence de la constipation était de 14 % chez les femmes jeunes (18-23 ans) et de 27 % chez les femmes plus âgées (70-75 ans) (4). La prévalence de la constipation dans une population d’adultes américains choisis au hasard était de 14,7 %(5). Dans cette population, 45 % des patients présentaient une constipation chronique évoluant depuis plus de 5 ans et 8 % d’entre eux une encoprésie secondaire, épisodique ou quotidienne Les données concernant l’incidence de la constipation, tout particulièrement chez l’enfant, restent disparates, rendant compte de variations importantes des critères de définition de la constipation retenus (constipation épisodique ou chronique) et de la population interrogée (âges différents, enfants scolarisés ou non, en population générale ou dans des consultations spécialisées).   Devenir de la constipation chez l’enfant : restera-t-il constipé toute sa vie ? Les principales études concernant l’évolution et le devenir à moyen et long termes des enfants suivis pour une constipation sont rapportées dans le tableau (6-13). V. Loening-Baucke a rapporté le devenir au long cours (6,9 ans en moyenne) après la prise en charge initiale de patients jeunes âgés de moins de 4 ans ayant une constipation chronique (6). Dans cette étude, la guérison était définie par un transit fait d’au moins trois selles par semaine et par l’absence d’épisode de fuite. Un tiers (37 %) des patients avaient une constipation toujours présente au recul maximal. Certaines études laissent entrevoir une évolution prolongée de la constipation : parmi 62 enfants suivis pour une constipation chronique traitée initialement pendant plus de 3 mois et suivis tous les 3 mois pendant une période moyenne de 5 ans, la constipation persistait chez la moitié d’entre eux (52 %)(10). Différents facteurs peuvent expliquer les différences observées entre les études en ce qui concerne la persistance ou non des symptômes. Les différentes études réalisées sur le sujet comportent de nombreux biais ; elles sont très hétérogènes en termes d’âge au moment du diagnostic, de mode, de modalités et de durée de la prise en charge initiale, de sévérité de l’atteinte initiale. Dans plusieurs études, les patients présentaient une constipation sévère, compliquée, en particulier d’encoprésie, prise en charge après échec d’un traitement initial. Certains auteurs s’intéressent à l’évolution sous traitement ou au décours du traitement médical de la constipation, d’autres au devenir au long cours à distance de tout suivi et de tout traitement. Même si les données de la littérature restent hétérogènes, elles confirment le caractère durable, persistant et/ou récidivant de la constipation de l’enfant. Trente à 50 % des enfants constipés gardent en effet des troubles du transit malgré un traitement bien suivi ou à distance de la prise en charge initiale. Il manque cependant les données concernant le lien entre la constipation de l’enfant et celle de l’adulte. Les études pédiatriques longitudinales sus-citées ne présentent qu’un recul relativement limité, n’atteignant 10 ans que dans une seule étude (13). Il n’existe en effet pas d’étude concernant des adultes constipés qui se soit intéressée à leur constipation dans l’enfance. Trente à 50 % des enfants constipés gardent des troubles du transit malgré un traitement bien suivi ou à distance de la prise en charge initiale. Il est possible cependant que les constipations sévères de l’adulte soient un mode évolutif des constipations négligées de l’enfant, mais aucune étude ne permet de l’affirmer avec certitude ; d’autres facteurs pourraient intervenir avec l’âge. Une étude a montré que les adultes qui avaient des antécédents de constipation dans l’enfance présentaient plus fréquemment un syndrome du côlon irritable que les adultes n’ayant pas présenté ce type d’antécédent, suggérant que des troubles de la motricité intestinale puissent persister à l’âge adulte et se révéler par des symptômes différents chez l’enfant puis chez l’adulte (14).   Pourquoi les enfants restent-ils constipés ? Plusieurs facteurs pourraient expliquer l’absence d’évolution favorable de la constipation et l’évolution vers la chronicité : – l’âge lors des premiers symptômes pourrait influencer le devenir et l’évolution. Les études sont toutefois contradictoires sur ce point. V. Loenig et coll. ont montré que les enfants âgés de moins de 2 ans au diagnostic avaient une évolution plus favorable que les enfants plus âgés, suggérant qu’une prise en charge plus précoce des symptômes puisse diminuer le risque vers une évolution chronique de la constipation. D’autres études ont montré, à l’inverse, que l’âge de début était un déterminant important de la persistance de la constipation, laissant penser que les enfants présentant une constipation sévère avant l’âge de 2 ans nécessitaient un traitement et un suivi prolongé afin d’éviter la récidive des symptômes. Avant 2 ans, la constipation est fréquemment associée, ou vient compliquer une fissure anale, et son mécanisme est probablement différent de celui de la constipation observée chez l’enfant plus âgé ; – la persistance à l’âge adulte de facteurs de risque environnementaux de constipation liés à l’alimentation et au mode de vie (plus ou moins reconnus) : un défaut d’activité physique, un régime pauvre en fibres, un défaut d’apport hydrique ; – l’absence de suivi prolongé, de prise en charge au long cours de la constipation. Un traitement de la désimpaction fécale est proposé, suivi d’un traitement de fond pendant quelques mois avec parfois une certaine banalisation des symptômes qui pourraient être à l’origine également de la persistance et/ou de la récidive de ceux-ci. Le taux de succès après prise en charge initiale de la constipation de l’enfant est plus important en cas de suivi prolongé, régulier, jusqu’à 80 % après 8 ans de suivi ; – certains auteurs ont suggéré que des troubles de la motricité anorectale puissent favoriser la persistance de la constipation. Loenig a montré que la persistance de la constipation et l’échec du traitement étaient liés à des anomalies de la contraction du sphincter externe durant la défécation. Dans une autre étude concernant des enfants ayant une constipation sévère, les patients présentant une dysynergie anorectale avaient plus fréquemment une évolution défavorable de leur constipation à long terme (13). Cependant, certaines anomalies de la motricité anorectale peuvent être secondaires à la constipation. La persistance de la constipation à l’âge adulte semble liée en partie à l’alimentation et au mode de vie Conclusion La constipation fonctionnelle du jeune enfant persiste au long cours dans près de la moitié des cas sans facteur de risque retrouvé de persistance ou de récidive des symptômes. Une prise en charge prolongée au décours du diagnostic de la constipation, une meilleure éducation des parents et/ou des enfants concernant la constipation, et de bonnes habitudes alimentaires pourraient améliorer, voire prévenir la constipation de l’enfant et éventuellement celle de l’adulte.  

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