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Pédiatrie générale

Publié le 11 aoû 2009Lecture 9 min

Quand le poids de l'enfant stagne : pensez au blé !

D. DE BOISSIEU, Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris

Devant une cassure de la courbe de poids chez le nourrisson, le bon réflexe de tout pédiatre est de faire, entre autres, la recherche d’une maladie coeliaque par des tests sérologiques. Lorsque ces tests sont négatifs, le blé est volontiers innocenté, alors qu’il peut être responsable d’une mauvaise prise de poids par le biais d’une allergie alimentaire dont la symptomatologie est très proche de la maladie coeliaque.

 
Le blé peut être responsable d’une allergie alimentaire de type retardée et d’expression uniquement digestive. La distinction entre maladie coeliaque (MC) et allergie au blé n’est pas toujours si simple. Le régime d’exclusion est très efficace dans les deux cas, mais l’évolution est bien différente, l’allergie évoluant le plus souvent vers une guérison spontanée.   L’allergie au blé Si l’allergie au blé peut être IgEmédiée, responsable de réactions de type immédiates (urticaire, angioedème, anaphylaxie liée à l’effort…), elle peut également être non IgE-médiée, responsable de manifestations retardées, essentiellement cutanées ou digestives. Les manifestations digestives chroniques de l’allergie au blé (tableau 1) ressemblent de façon troublante à celles de la MC (1), une cassure de la courbe de poids est retrouvée dans 70 % des cas, parfois isolée ou associée à des difficultés alimentaires. Une atrophie villositaire partielle peut être retrouvée sur les biopsies duodénales (2). Le plus souvent, on retrouve une duodénite avec infiltrat inflammatoire non spécifique ou à éosinophiles. Les manifestations digestives chroniques de l’allergie au blé ressemblent de façon troublante à celles de la maladie coeliaque. Les prick-tests et le dosage des IgE spécifiques sont peu contributifs dans cette allergie non IgEmédiée. Seul un patch-test positif à la farine de blé oriente le diagnostic. La fiabilité du patch-test dans l’allergie digestive au blé n’a pas été étudiée. Dans la dermatite atopique, il a été rapporté comme le test le plus sensible pour détecter les réactions retardées (3). Pour d’autres auteurs, il a une bonne spécificité (89 %) mais une faible sensibilité (27 %) (4). Quoi qu’il en soit, les faux positifs et les faux négatifs existent, et seule l’efficacité du régime, suivi d’une rechute lors de la réintroduction du blé, fera le diagnostic de certitude. L’histoire de Camille Camille consulte à l’âge de 26 mois pour une cassure de la courbe de poids et une diarrhée chronique.  Figure 1. Courbe de poids de Camille. Elle a dans ses antécédents une suspicion d’allergie au lait avec cassure de la courbe de poids à 5 mois, et a eu un régime sans lait jusqu’à 1 an. La diversification débutée à 6 mois s’est bien passée. Le blé n’a été introduit que vers l’âge de 15 mois, âge auquel apparaissent des otites et bronchites à répétition, puis une diarrhée chronique vers 16-17 mois et de nouveau une cassure franche de la courbe de poids à 19 mois (figure 1).  À l’examen, son abdomen est ballonné, tympanique. Le transit est fait de 3 à 4 selles molles par jour, elle présente plusieurs réveils nocturnes avec pleurs intenses ; son appétit est conservé avec des rations alimentaires supérieures à la normale pour l’âge.    Les examens pratiqués avant la consultation montre : une NFS normale (Hb : 11g/dl), anticorps antigliadine et anti-endomysium négatifs, tests de la sueur négatif, ImmunoCAP® Trophatop 1, 2 et 3 négatifs. La fibroscopie est normale et la biopsie du grêle retrouve une duodénite non spécifique avec infiltration lymphoplasmocytaire. Lors de la consultation, les prick-tests aux principaux aliments sont négatifs, les patch-tests se révèlent positifs pour le blé, négatifs pour le lait de vache (figure 2). Un régime sans blé, donc sans gluten, est proposé à titre d’épreuve thérapeutique. Figure 2. Résultats des patch-tests au lait et au blé de Camille : de gauche à droite : blé, témoin, lait de vache.  Deux mois plus tard, Camille a repris du poids (+ 500 g), a un transit normal, n’a plus de gaz ni de réveils nocturnes. L’abdomen est souple et non ballonné. Les parents notent que son comportement a changé : elle est plus vive, plus gaie. La réintroduction faite par erreur après 1 mois de régime avec des biscuits avait déclenché dans la soirée la réapparition de la diarrhée. Seul un patch-test positif à la farine de blé oriente le diagnostic. Allergie au blé ou maladie coeliaque ? La MC est liée à une anomalie de l’immunité cellulaire avec hypersensibilité au gluten, survenant chez des sujets génétiquement prédisposés(5). La symptomatologie clinique des formes frustres de la MC est proche de celle de l’allergie digestive au blé. Le diagnostic repose en premier lieu sur les tests sérologiques. Le dosage des anticorps antigliadine (AAG), d’isotype IgG et IgA, a une spécificité d’environ 80 %. Les tests les plus récents, le dosage des IgA anti-endomysium et des IgA anti-transglutaminase, ont une sensibilité et spécificité proches de 100 % en l’absence de déficit en IgA. Il existe une très forte liaison des gènes HLA DQ2/DQ8 à la MC (> 95 %). L’absence de ces gènes élimine avec une très forte probabilité la MC, mais un résultat positif est peu informatif puisque plus de 20 % de la population est porteuse de ces gènes. Finalement, devant la négativité des tests sérologiques de la MC, l’absence d’atrophie villositaire, la positivité d’un patch à la farine de blé et l’efficacité du régime d’exclusion, le diagnostic d’allergie au blé est relativement facile. En revanche, lorsqu’on trouve de façon isolée des AAG, si en plus l’enfant présente une atrophie villositaire partielle, la confusion est possible !   Pourquoi faire la différence ? La MC est une « maladie pour la vie » nécessitant un régime d’exclusion et une surveillance prolongés. L’allergie au blé évolue dans la majorité des cas vers une guérison spontanée, comme, par exemple, la majorité des allergies au lait. Par ailleurs, dans l’allergie alimentaire, après une période de régime strict, des réintroductions progressives sont tentées afin de connaître la dose « tolérée » par l’enfant et d’élargir son régime en fonction de celle-ci (6). Il est donc indispensable de faire un diagnostic précis. À la différence de la maladie coeliaque, l’allergie au blé évolue dans la majorité des cas vers une guérison spontanée.   Comment faire la différence ? Le tableau 3 compare les résultats des examens dans les deux pathologies. Les anticorps anti-endomysium ou anti-transglutaminase sont les seuls à être vraiment spécifiques de la MC.   S’ils sont négatifs, la recherche d’une allergie alimentaire doit être faite, avec la pose de patch-tests à la farine de blé, surtout en présence d’antécédents d’allergie au lait. Ce test n’est pas disponible en routine, et doit être « fabriqué » lors de la consultation d’allergologie. S’il est positif, le diagnostic d’allergie au blé est hautement probable, mais ne sera confirmé que par l’efficacité du régime d’épreuve, suivi d’une rechute lors de la réintroduction.     Dans les cas où une positivité isolée des AAG est retrouvée, l’absence d’atrophie villositaire sur la biopsie du grêle penchera en faveur d’une allergie. Si l’enfant a en plus une atrophie villositaire partielle, l’étude du typage HLA peut éliminer une maladie coeliaque si l’enfant ne possède pas les gènes DQ2/DQ8. Par contre, leur présence ne suffit pas à affirmer le diagnostic de MC, mais seulement le terrain génétique propice à celle-ci. À l’avenir, la mise en évidence de dépôts d’anticorps anti-transglutaminase tissulaire sur la muqueuse intestinale pourrait être une confirmation du diagnostic de la MC. Dans ces situations difficiles, pour certains auteurs, l’efficacité du régime d’exclusion et la rechute lors de la réintroduction du blé font le diagnostic de la MC (5). Noémie, une erreur de diagnostic ? Noémie est adressée à l’âge de 15 mois pour prise en charge et suivi d’une maladie coeliaque, recherchée en raison d’une diarrhée chronique et d’une cassure de la courbe depoids vers l’âge de 10 mois.     Le diagnostic de MC avait été porté à 13 mois sur la positivité des AAG et la présence d’une atrophie villositaire partielle, Figure 3. Résultat du patch-test au blé de Noémie à l’âge de 5 ans : à gauche le blé, à droite le témoin.  avec hypertrophie des cryptes et augmentation des lymphocytes intraépithéliaux sur la biopsie du grêle. À 15 mois, avec un régime sans gluten, elle se porte parfaitement bien, et une surveillance annuelle de la sérologie de la MC est programmée.   À l’âge de 5 ans, la naissance d’une petite soeur fait étudier les gènes HLA DQ2/DQ8 chez Noémie et chez sa soeur. Le résultat revient négatif, éliminant avec une quasi-certitude la MC. Le bilan des tests sérologiques repris dans le détail montre la présence isolée d’AAG, en l’absence de déficit en IgA (tableau 2). Le diagnostic d’allergie au blé est évoqué et le patch-test à la farine de blé reviendra faiblement positif (figure 3). La réintroduction du blé est débutée pour tester la dose tolérée par Noémie. Un élargissement du régime est fait sans difficulté avec introduction de pain, biscuits…, mais les grosses quantités de blé (assiette de pâtes) déclenchent des douleurs abdominales et la diarrhée. Six mois plus tard, le régime est normalisé sans difficulté, la sérologie de la MC n’a pas été modifiée par cette introduction, la croissance reste parfaite.   À notre avis, l’efficacité du régime ne fait que la preuve de son utilité et des effets néfastes du blé chez l’enfant, sans préciser les mécanismes en cause. La confrontation de la clinique et des examens paracliniques doit permettre de faire un diagnostic précis avant de débuter le régime d’exclusion du blé, qui sera tout aussi efficace dans les deux pathologies, mais de durée transitoire dans l’allergie au blé. Conclusion La symptomatologie de l’allergie au blé d’expression digestive est très proche de celle de la MC. En l’absence d’anticorps anti-endomysium ou anti-transglutaminase, la possibilité d’une allergie au blé doit être évoquée et recherchée par la pose de patch-test. Le traitement se limite au régime d’exclusion du blé dans les deux pathologies. L’évolution est par contre très différente, car l’allergie au blé guérit spontanément, plus ou moins rapidement selon les enfants.  

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