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Nutrition

Publié le 30 aoû 2011Lecture 9 min

Peut-on proposer une chirurgie bariatrique à un adolescent ?

L. MUZARD1, C. CARETTE1, N. VEYRIE2, J.-L. BOUILLOT2, S. CZERNICHOW1,3 1 Unité de Nutrition, Hôpital Ambroise Paré (AP-HP), Boulogne-Billancourt 2 Chirurgie Générale, Digestive et Métabolique, Hôpital Ambroise Paré (AP-HP), Boulogne-Billancourt 3 Univers

Chez les adolescents obèses sévères et résistants à la prise en charge médicale bien conduite, une prise en charge chirurgicale se dessine comme une option thérapeutique. Cette option doit être discutée et proposée au patient et à sa famille lorsque l’état somatique ne peut plus être maitrisé par l’approche médicale classique. 

Prévalence et définition de l’obésité chez l’enfant et l’adolescent en France D’après l’Étude nationale nutrition santé de 2006, 14,3 % des enfants sont en surpoids et 3,5 % sont obèses. Cette prévalence bien qu’élevée reste en dessous de celle de la plupart des pays d’Europe ou d’Amérique du Nord ; de plus, certaines données récentes suggèrent une stabilisation de l’épidémie d’obésité (1). Pour l’OMS (2000), le surpoids et l’obésité sont définis comme une accumulation excessive de graisse corporelle qui peut nuire à la santé. En pratique clinique, le diagnostic d’obésité chez l’enfant et l’adolescent repose sur le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC = poids/taille2 [kg/m2]) qui doit être reporté sur la courbe de corpulence. Ces courbes ont été actualisées en 2010 en incluant les dernières données françaises du PNNS (Programme national nutrition santé), ainsi que les courbes de l’IOTF (International Obesity Task Force) pour permettre le repérage précoce des enfants à risque et une continuité des seuils avec l’âge adulte (2).   Retentissement de l’obésité L’obésité de l’enfant expose à de nombreuses complications dont certaines pourront se manifester à distance à l’âge adulte (tableau 1) (3).   Recommandations actuelles Prévention du surpoids et de l’obésité La HAS recommande une prise en charge qui permette une modification des comportements et des habitudes de vie de la famille et/ou de l’enfant et de l’adolescent, associée à une prise en charge diététique, une incitation à l’activité physique et à une réduction de l’inactivité. Afin de répondre à ces objectifs, le Programme national nutrition santé 2 (PNNS 2) insiste sur la promotion de l’activité physique, car elle a montré des résultats intéressants dans la prévention du surpoids chez les adolescents (5). Par ailleurs, les réseaux de soins REPOP développés depuis 2003 permettent le regroupement des différents acteurs impliqués dans la lutte contre l’obésité chez les enfants et les adolescents.   Traitement de l’obésité La HAS recommande un suivi mensuel par le médecin traitant pendant les 6 premiers mois de la prise en charge, le rythme des consultations étant ensuite espacé selon l’évolution, mais maintenu pendant au moins 2 ans. Le praticien peut être aidé si besoin par d’autres professionnels de santé. Un avis spécialisé est recommandé après l’échec d’une prise en charge de 6 mois, en cas d’obésité commune de degré 2 et/ou en cas de survenue de complications. Les traitements médicamenteux et la chirurgie ne sont actuellement pas encadrés par des recommandations dans la prise en charge de l’obésité commune de l’enfant et de l’adolescent.   La chirurgie bariatrique Chez l’adulte, la chirurgie bariatrique fait partie de la stratégie de prise en charge de l’obésité en seconde intention après l’échec d’un traitement médical, nutritionnel, diététique et psychothérapeutique bien conduit pendant au moins 6 mois (recommandations HAS 2009). Elle concerne les patients âgés de plus de 18 ans dont l’IMC est > 40 kg/m2 ou > 35 kg/m2  avec au moins une comorbidité susceptible d’être améliorée après la chirurgie. L’efficacité de cette chirurgie en termes de perte de poids et d’amélioration des comorbidités a été bien documentée, notamment sur le versant métabolique (6). Pour le moment, les critères d’IMC retenus sont plus sévères pour l’adolescent que chez l’adulte. Les résultats obtenus chez l’adulte suggèrent que cette intervention pourrait améliorer le pronostic des patients adolescents obèses sévères et résistants à une prise en charge médicale bien conduite. Ainsi, de nombreuses équipes dans le monde commencent à proposer une chirurgie bariatrique à des adolescents. Les projets et les publications se multiplient depuis quelques années pour évaluer les résultats de ce traitement et définir quels seraient les patients pouvant en bénéficier. Pour le moment, les critères d’IMC retenus sont plus sévères que chez l’adulte (7-9).   Techniques chirurgicales ● Restrictives • Gastroplastie par anneau ajustable (figure A) Il s’agit d’un geste chirurgical techniquement facile à réaliser sous laparoscopie et surtout réversible. L’effet de l’anneau s’adapte à la demande par un resserrage du diamètre grâce à un boîtier sous-cutané relié à l’anneau par une tubulure. La perte de poids moyenne chez l’adulte est d’environ 15 % à 15 ans (6). Figure. Techniques chirurgicales bariatriques : schémas de la HAS. A : gastroplastie par anneau ajustable. B : sleeve gastrectomie. C : bypass gastrique. • Sleeve gastrectomie (figure B) Elle consiste en une gastrectomie verticale emportant toute la grande courbure gastrique et laissant en place un tube gastrique d’une capacité de 100 ml environ. Cette intervention suscite un certain engouement parmi les équipes de chirurgie. Elle est réalisable sous laparoscopie et présente moins de risque de carence qu’une technique malabsorptive. Son action, majoritairement restrictive et à moindre mesure anorexigène, semble comparable au bypass, mais le recul dont on dispose est limité (5 ans). ● Malabsorptive : le bypass gastrique ou roux en Y (figure C) Il consiste en une partition de l’estomac en une petite poche de la partie supérieure de 20 à 30 ml, raccordée à une anse digestive prélevée au niveau du jéjunum. C’est à ce niveau que l’absorption des aliments débute au contact des sécrétions gastriques, biliaires et pancréatiques. Le reste de l’estomac est exclu du circuit alimentaire, mais maintenu en place. Effectuée sous laparoscopie, elle est techniquement difficile, mais permet une perte de poids moyenne de 35 % à 2 ans et 25 % avec un recul de 15 ans. C’est actuellement l’intervention de l’obésité la plus pratiquée aux États-Unis.   Indications Selon les recommandations américaines (7,8), les indications retenues pour l’adolescent sont : – IMC > 50 kg/m² ou IMC > 40 kg/m² avec comorbidités sévères (tableau 2) ; – obésité sévère persistante malgré une prise en charge hygiénodiététique avec ou sans pharmacothérapie. L’adolescent doit être au stade IV ou V de Tanner, il doit avoir atteint ou approcher la taille-cible et être à maturité squelletique. La chirurgie bariatrique doit être pratiquée par un chirurgien expérimenté travaillant dans un centre médical spécialisé assurant un suivi au long cours. L’adhésion du patient et une évaluation psychosociale sont nécessaires. Il est nécessaire d’évaluer la capa procité de compréhension de l’adolescent, notamment en cas de technique chirurgicale irréversible. L’évaluation d’un bon étayage lié à l’entourage familial est primordiale avant la décision thérapeutique. Une mauvaise compliance au suivi et à la supplémentation vitaminique expose, en cas de technique malabsorptive, à un risque nutritionnel potentiellement grave en cas de carences. Le désir et le risque de grossesse doivent être évalués et une contraception envisagée. Un délai de 18 mois après la chirurgie est préconisé avant conception (8). Chez l’adolescent, les deux techniques opératoires actuellement les plus pratiquées aux États-Unis sont le bypass gastrique et l’anneau ajustable, bien que ce dernier n’ait pas été approuvé par la FDA. La sleeve gastrectomie n’a pas encore été évaluée avec un recul suffisant (9,10). Le bypass gastrique et l’anneau ajustable permettent une perte de poids significativement plus importante que la prise en charge hygiénodiététique isolée (9,11) et comme chez l’adulte, le bypass semble plus efficace que l’anneau (10,12). Les deux techniques ont la même efficacité à moyen terme sur la résolution des complications liées à l’obésité : syndrome d’apnées du sommeil (SAS), insulino-résistance et hépatite stéatosique non alcoolique (NASH) (9-11). De plus, la chirurgie bariatrique améliore la santé mentale et la qualité de vie des jeunes patients (8,10). À l’heure actuelle, la chirurgie de l’obésité chez l’adolescent ne fait pas partie des recommandations de la HAS. Avant d’envisager toute chirurgie bariatrique chez l’adolescent, une évaluation psychologique du patient et de son entourage est indispensable.   Risques et complications de la chirurgie bariatrique L’anneau gastrique expose à des risques mécaniques (glissement de l’anneau, dilatation de la poche en amont, troubles de l’oesophage, lésions gastriques). Le bypass expose à des complications chirurgicales (lâchage de suture, hernie interne, ulcère), à des carences nutritionnelles et à des complications fonctionnelles (dumping syndromes, hypoglycémies après repas). Les études tendraient à démontrer que les risques sont semblables, voire moindre que chez l’adulte(10). La chirurgie bariatrique ne peut s’envisager qu’au sein d’équipes expertes et au mieux par des chirurgiens adultes, car ayant une large expérience de cette chirurgie ; de plus, les adolescents opérés ont souvent plus de 15 ans et une morphologie proche de celle des adultes. Les modalités du suivi à distance, possiblement par un nutritionniste adulte, doivent être envisagées avant l’intervention, soulignant la nécessité d’une forte interdisciplinarité entre les pédiatres, les nutritionnistes adultes et les chirurgiens.   Conclusion La chirurgie bariatrique ne concernera à l’avenir qu’un nombre très limité d’adolescents et devra être discutée au sein d’une équipe pluri-disciplinaire dans un centre de référence. Même si les études existantes sont en faveur d’un maintien prolongé de la perte de poids (13), des projets de recherche devront être développés pour répondre aux différentes questions sur le devenir à long terme des adolescents opérés. Cette démarche doit rester pour l’instant réservée aux cas sévères sans autre option thérapeutique médicale efficace.  

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