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ORL et Stomatologie

Publié le 06 déc 2009Lecture 13 min

Particularités pédiatriques des cholestéatomes de l’oreille moyenne

E. GENTY, G. ROGER, Service d’ORL pédiatrique et Chirurgie cervico-faciale, Hôpital d’Enfants Armand-Trousseau, Paris

La particularité de la pathologie cholestéatomateuse chez l’enfant ne se résume pas uniquement à la présence de cholestéatomes congénitaux. Les cholestéatomes acquis, tant par leurs caractéristiques cliniques que par leur évolution et leur prise en charge, constituent une entité à part pour laquelle l’attitude thérapeutique pourra être différente de celle employée chez l’adulte.

 
Généralités Certains aspects anatomiques (1) sont spécifiques à l’enfant : tegmen oblique pendant la jeune enfance, mastoïde progressivement pneumatisée, déhiscence plus fréquente de la 2e portion du nerf facial et superficialisation de la 3e portion (parfois coude plus latéral que le dôme osseux du canal semi-circulaire latéral), conduit auditif externe plus étroit et s’ossifiant progressivement…   Facteurs favorisants La grande prévalence de l’otite séro-muqueuse (OSM) (jusqu’à 80 % de certaines classes d’âge), l’existence de certains terrains particuliers (fentes vélaires ou vélopalatines, malformations craniofaciales, trisomie 21, syndrome de Turner, retards psychomoteurs…) et les infections ORL répétées de l’enfance (hypertrophie des végétations adénoïdes, collectivité, facteurs climatiques, carence martiale, troubles immunitaires, allergie, tabagisme passif…) prédisposent davantage à l’inflammation chronique de l’oreille moyenne et à la dysfonction tubotympanique plus ou moins permanente.   Les examens du diagnostic  En pratique, l’otoscopie est parfois plus difficile, en particulier chez le jeune enfant et en cas d’otorrhée ou d’OSM pouvant masquer un cholestéatome congénital. Le moindre doute peut imposer la réalisation d’un examen sous sédation, en particulier si l’imagerie n’est pas contributive. Le moindre doute peut imposer la réalisation d’un examen sous sédation.    L’obtention d’une audiométrie au casque à oreilles séparées est parfois difficile, nécessitant alors la collaboration d’un audiophonologiste expérimenté (enfant de moins de 4 ans, difficultés d’explications, ou d’obtention d’une courbe osseuse fiable…). La pratique de potentiels évoqués auditifs préopératoires avec étude des seuils est indiquée, entre autres pour des raisons médico-légales, chaque fois que la seule audiométrie réalisable n’a pu distinguer les deux oreilles séparément.    La pratique d’une TDM préopératoire est devenue systématique pour la grande majorité des auteurs.   Information des parents Les caractéristiques du cholestéatome de l’enfant imposent une information parentale très rigoureuse sur le déroulement de la chirurgie, les suites et complications possibles, mais aussi sur la nécessité probable d’une chirurgie en deux temps et d’un suivi prolongé. L’obtention de l’adhésion parentale au programme chirurgical passe par l’éducation et les explications les plus claires possibles sur la pathologie cholestéatomateuse. L’obtention de l’adhésion parentale au programme chirurgical passe par une information claire et rigoureuse. Le risque infectieux postopératoire est majoré par l’incidence des pathologies infectieuses ORL. En outre, la présence plus fréquente d’épanchements rétrotympaniques associés au cholestéatome peut modifier les résultats fonctionnels, et donc l’attitude opératoire peut être influencée par la présence de cet épanchement. Enfin, il existe des particularités de soins postopératoires propres à la population pédiatrique : les soins peuvent être difficiles chez l’enfant jeune où l’utilisation de fils résorbables est conseillée, ainsi que l’utilisation systématique de pansements siliconés (Silastic®), moulant les reliquats tympanoméataux et évitant ainsi des difficultés d’extraction du calibrage postopératoire.   Cholestéatomes congénitaux   Pathogénie   D’étiopathogénie encore mystérieuse, les cholestéatomes congénitaux ont suscité de nombreux travaux. Figure 1. Cholestéatome congénital postérieur. La théorie la plus communément reconnue est celle de L. Michaels (2), supposant la nonrésorption d’un reliquat épidermoïde normalement présent chez l’embryon entre la 10e et la 33e semaine de gestation dans la portion antéro-supérieure de la cavité tympanique. D’autres théories sont évoquées, comme celle de l’inclusion (3), pour expliquer les cholestéatomes localisés dans les autres quadrants. Il s’agit donc d’un kyste épidermoïde dont la stricte définition correspond aux critères de E.L. Derlacki et J.D. Clemis (4) : – tympan normal ; – masse blanche rétrotympanique (figure 1) ; – absence d’antécédents d’otite, d’otorrhée ou de perforation tympanique ; – absence d’antécédents d’intervention chirurgicale otologique.   Épidémiologie Devant l’incidence importante de l’otite dans la population concernée, M.J. Levenson et S.C. Parisier ont retiré l’absence d’antécédents otitiques comme critère de diagnostic (5-6). L’incidence annuelle est estimée à 0,12 pour 100 000 enfants (3). Le taux de cholestéatomes congénitaux est en augmentation régulière dans les séries de cholestéatomes pédiatriques depuis celle de D.T.R. Cody en 1977 (2 %[7]) : – J.W. House et J.L. Sheehy en 1980 (8) et J. Sadé et coll. en 1983 (9) : 3,7 % ; – R.H. Schwartz et coll. en 1984 : 18 % (10) ; – S.C. Parisier et coll. en 1989 : 24 %(6). Ceci peut s’expliquer par une régression des cholestéatomes acquis par amélioration de la prévention, mais aussi par une meilleure formation des ORL et des pédiatres, par le dépistage systématique des troubles auditifs lors des premiers mois de vie et enfin par l’évolution des méthodes de diagnostic clinique et radiologique. L’âge moyen peu élevé lors du diagnostic peut être considéré comme un argument du caractère congénital. M. Nelson et coll., dans une série multicentrique de 119 cas (11), ont trouvé un âge moyen de 5,6 ans, significativement plus jeune que celui des cholestéatomes acquis (9,7 ans). L’âge moyen de diagnostic des cholestéatomes congénitaux est plus bas aux État-Unis (environ 4 ans) qu’en Europe (environ 6 ans). Les garçons sont plus fréquemment touchés, sans explication à ce jour. Le caractère bilatéral pourrait concerner 3 % des cholestéatomes congénitaux (12). En Europe, l’âge moyen de diagnostic des cholestéatomes congénitaux est d’environ 6 ans.   Circonstances de découverte Les circonstances de découverte comportent fréquemment : Figure 2. Cholestéatome congénital antéro-supérieur.  Figure 3. Image TDM évocatrice de cholestéatome congénital. – une otorrhée dont l’interprétation est parfois difficile : elle peut être révélatrice d’un cholestéatome congénital ayant refoulé puis perforé le tympan, liée à une obstruction tubaire ou bien, au contraire, elle peut faire réfuter le caractère congénital ; – une hypoacousie. Celle-ci est rarement ressentie chez l’enfant de moins de 6 ans, elle est plutôt révélée par une impression parentale, un examen de dépistage, un trouble du comportement ; – la découverte lors d’une myringotomie est plus rare ; – la paralysie faciale révélatrice est exceptionnelle ; – la classique masse blanche rétrotympanique (figure 2) est révélatrice dans des pourcentages de cas très variables selon les séries (environ 25 % des cas en Europe en 2003[13], jusqu’à 80 % dans les séries américaines) ; – l’image TDM peut être caractéristique, avec une opacité sphérique antéro-supérieure, ou plus difficile à différencier d’une image de cholestéatome acquis lorsqu’elle se situe en postérieur (figure 3). Le risque de cholestéatome résiduel augmente avec le nombre d’osselets lysés ou retirés et avec l’extension atticale ou mastoïdienne (11). Le risque de cholestéatome résiduel augmente avec le nombre d’osselets lysés ou retirés et avec l’extension atticale ou mastoïdienne.   Cholestéatomes acquis L’incidence annuelle est de 3 à 6 pour 100 000 enfants (3). La plupart des séries retrouvent un âge moyen au moment du diagnostic entre 8 et 10 ans. Il existe, de façon très nette, des groupes pathologiques exposés, qui doivent faire l’objet d’une surveillance particulière dès la première année de vie : il s’agit des enfants atteints de fentes vélaires ou vélopalatines ou de malformations craniofaciales (14-15). On assiste à une diminution de la prévalence depuis 40 ans, corrélée à l’usage de plus en plus répandu des aérateurs transtympaniques (16). Les particularités cliniques pédiatriques comportent : – des complications méningoencéphaliques moins fréquentes ; – une grande fréquence des cholestéatomes de la pars tensa (entre 70 et 85 % en moyenne) (17-18) ; – l’oreille controlatérale est saine dans seulement 33 % des cas (40 % d’otites chroniques dangereuses). L’usage de plus en plus répandu des aérateurs transtympaniques a diminué la prévalence des cholestéatomes acquis.   Exérèse Il existe des controverses quant à la nécessité d’une approche univoque pour la chirurgie du cholestéatome chez l’enfant. Technique fermée La plupart des auteurs préconisent une intervention en technique fermée, d’emblée en deux temps, compte tenu de l’incidence élevée des résiduels(19-23). Pour d’autres, la nécessité d’un deuxième temps doit être déterminée par des critères radiologiques préopératoires et les découvertes opératoires. La décision pour une technique en un temps est déterminée par l’extension de la pathologie et une évaluation de la ventilation de l’oreille moyenne. Cela entraîne pour certains un pourcentage plus grand de recours à une technique ouverte d’emblée(24). D’autres utilisent une combinaison des deux techniques pour faciliter l’exposition sans retirer complètement le mur osseux du conduit en un seul temps comportant une reconstruction du conduit(25). Technique ouverte La tympanoplastie en technique ouverte ne diminue pas le risque de résiduels, bien que facilitant leur surveillance clinique et leur contrôle. En outre, la récidive de rétraction peut aussi se produire en cas de technique ouverte, au sein d’une « mini-caisse ». Il s’agit même d’une éventualité fréquente pour des auteurs qui n’utilisent cette technique que pour des cholestéatomes agressifs ou multi-récidivés (19). La tympanoplastie en technique ouverte ne diminue pas le risque de résiduels. Certains auteurs proposent donc la réalisation d’un deuxième temps systématique même en cas de technique ouverte(19). Il nous semble que ceci doive être adapté à chaque patient, à la qualité de l’exérèse, et surtout aux sites anatomiques concernés par l’extension de la maladie. La région du sinus tympani, en particulier, pose des problèmes spécifiques quelle que soit la technique, ouverte ou fermée.   Résiduels et récidives   Facteurs prédictifs de résiduels   Le taux de cholestéatomes résiduels est systématiquement plus élevé chez l’enfant que chez l’adulte. La mise en évidence de facteurs prédictifs de maladie résiduelle a permis de mieux sélectionner les candidats à un deuxième temps chirurgical. Une étude de R.E. Gristwood et W.N. Venables, en analyse univariée(26), avait mis en évidence trois facteurs prédictifs de résiduel : – l’âge ; – l’état de la muqueuse de l’oreille moyenne ; – le nombre de sites envahis. Pour R.M. Rosenfeld et coll.(27), le seul facteur significatif en analyse multivariée était l’érosion ossiculaire. Lors d’une série publiée en 1995, par notre équipe(28), en analyse multivariée, nous avions pu mettre en évidence que les facteurs prédictifs de survenue d’un résiduel les plus statistiquement significatifs étaient : – l’interruption de la chaîne ossiculaire après la chirurgie sans atteinte des cavités postérieures ; – l’envahissement du mésotympanum postérieur ; – la combinaison des deux ; – le manque d’expérience relatif du chirurgien ; – l’impression d’exérèse incomplète. Inversement, le risque de résiduel était indépendant de l’extension initiale, de l’âge de l’enfant, de la nature exacte de la pathologie (congénitale, acquise, iatrogène, cholestéatome ou poche de rétraction sévère) et du type de technique chirurgicale utilisée (ouverte ou fermée).   Moins de récidives La récidive du cholestéatome est une éventualité plus rare que le résiduel, proche de 10 à 20 % selon les séries les plus précises (17,19). Les taux de récidive des cholestéatomes de la pars tensa (prépondérants chez l’enfant) semblent être plus importants que ceux des cholestéatomes atticaux (29). La récidive du cholestéatome est une éventualité plus rare que le résiduel. La variabilité des taux de récidive dans les différentes séries publiées tient donc surtout à la différence dans la durée de suivi, qui doit être au moins égale à 5 ans pour être prise en compte. La reconstruction tympanique chez l’enfant doit être particulièrement soigneuse, dépassant les limites initiales de l’atélectasie (cartilage total ou subtotal). Nous préconisons ainsi, chez l’enfant opéré d’une tympanoplastie, le renforcement systématique d’une rétraction débutante de la pars flaccida, même si l’indication initiale était liée à une rétraction de la pars tensa (ce qui est le cas le plus fréquent). Enfin, la mise en place d’un aérateur transtympanique dans le quadrant antérosupérieur en peropératoire ou à distance peut être justifiée en cas de liquide dans la caisse ou d’otite séro-muqueuse persistante ou récidivante.   Résultats fonctionnels Les résultats fonctionnels dépendent, bien sûr, de la conservation ou non de l’étrier mais surtout, chez l’enfant, de la récidive éventuelle de l’OSM(20). La philosophie dominante est l’utilisation dès que possible, chez l’enfant, de matériaux autologues pour l’ossiculoplastie, en particulier pour les types II, pour laquelle l’utilisation d’un double plateau cartilagineux est pour nous la méthode de référence (figure 4). Figure 4. Tympanoplastie en technique fermée. Double plateau cartilagineux (image TDM). Pour les types III, l’utilisation des prothèses Titane (TORP) est possible dès l’âge de 5 ans, en restant vigilant vis-à-vis du risque de rétraction et d’OSM ultérieur. L’appareillage peut en outre être proposé en cas de chirurgie bilatérale comportant des temps ossiculaires différés, et ce afin d’améliorer le confort de l’enfant et de ne pas engendrer d’échec scolaire durant la phase de transition.   Conclusion Le traitement et le suivi des cholestéatomes de l’enfant sont influencés par les spécificités de la population pédiatrique. Celles-ci sont de plusieurs ordres. • Sur le plan clinique, elles consistent en un suivi particulier des enfants à risque (malformations faciales, fentes vélopalatines…) et un dépistage précoce des cholestéatomes congénitaux. • La chirurgie devra comporter l’adaptation de la thérapeutique à l’âge de l’enfant et l’utilisation large du cartilage, ainsi que la prise en compte des éléments intercurrents (en particulier l’otite séro-muqueuse). • Il faudra enfin informer les parents de l’agressivité particulière du cholestéatome de l’enfant et de la nécessité d’un suivi prolongé.  

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