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Pédiatrie générale

Publié le 26 aoû 2009Lecture 11 min

Mort inattendue du nourrisson : sujet d’actualité en 2009 ? Comment réduire encore les chiffres ?

E. BRIAND-HUCHET1, A.-F. BONGRAND2*, 1. Service de pédiatrie et réanimation néonatales, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart 2. Service de pédiatrie II, Hôpital Arnaud-de-Villeneuve, Montpellier
La mort inattendue du nourrisson est un sujet récurrent, grave et angoissant, mais en pleine évolution. La prévention peut encore faire régresser le nombre de drames, mais cela suppose une mobilisation et une cohérence de tous les acteurs.
Le terme de « mort inattendue du nourrisson » (MIN) est désormais utilisé afin de prendre en compte tous les cas de « décès survenant brutalement chez un nourrisson alors que rien, dans ses antécédents connus, ne pouvait le laisser prévoir ». Ce problème représente en France environ 600 décès par an, dont environ 250 classés comme « mort subite du nourrisson » (MSN), diagnostic qui devrait être réservé aux cas de décès de bébés de moins d’un an restant inexplicables au terme d’une démarche diagnostique complète. Les autres situations de MIN sont les décès pour lesquels la codification statistique reste mal définie (« mort de cause inconnue »), voire inexacte (certains décès officiellement codés comme dus à des « traumatismes », mais dont les circonstances et l’intention ne sont pas toujours claires). Cette évolution terminologique donne lieu à des recommandations professionnelles établies par la Haute Autorité de Santé concernant la prise en charge, à une enquête épidémiologique et à des tentatives d’amélioration de la prévention. La mort inattendue du nourrisson représente en France environ 600 décès par an.   Recommandations de la HAS pour la prise en charge en cas de MIN d’un nourrisson de moins de 2 ans Une prise en charge adaptée est nécessaire pour : • établir la cause du décès par des investigations diagnostiques ; • organiser l’accueil et le suivi de la famille et des personnes présentes au moment du drame ; • identifier les décès accidentels qui pourraient être à l’origine de mesures de prévention ; • faire la part des éventuels cas de maltraitance relevant de la justice ; • améliorer la qualité des statistiques de mortalité. L’objectif de ces recommandations est donc de proposer un protocole pour une prise en charge standardisée, homogène sur l’ensemble du territoire national et d’appliquer à tous les cas de MIN sans préjuger de leur cause. Cela justifie que les investigations soient menées au sein d’une structure hospitalière, dans les actuels centres de référence régionaux pour la mort subite du nourrisson définis par la circulaire DGS du 14 mars 1986. Ces structures attendent des mesures officielles pour adapter leur organisation au texte de ces recommandations et modifier leur intitulé en « Centre de référence pour la mort inattendue du nourrisson ». La limite supérieure de l’âge a été fixée à 2 ans, car la grande majorité des cas rapportés surviennent avant cet âge, classiquement celui des « nourrissons ». Toutefois, ces recommandations devront être appliquées avec souplesse afin que les rares cas survenant au-delà de cet âge puissent être accueillis et explorés de la même manière.   Cibles professionnelles Ces recommandations s’adressent à tous les professionnels de santé intervenant en cas de mort inattendue d’un nourrisson, dans l’immédiat et à plus long terme (généralistes, urgentistes, pédiatres libéraux et hospitaliers, médecins légistes, anatomopathologistes, psychiatres et psychologues, professionnels de PMI, travailleurs sociaux, équipes des centres de référence). Elles concernent aussi d’autres professionnels pouvant être impliqués (pompiers, police, justice, opérateurs funéraires, associations d’aide au deuil, administration de l’état civil, etc.). Elles sont accessibles à tout public sur le site de la HAS (www.hassante.fr)   Points principaux Ils concernent la prise en charge de tous les cas de MIN par un centre de référence.  Sur place, en urgence : • alerter systématiquement le centre 15 ; • sur le lieu de l’intervention, prise en charge médicalisée systématique de l’enfant et des parents ; fiche de recueil des éléments d’information notés sur place ; • organiser le transport du corps vers un centre de référence MIN avec l’accord des parents.    Au centre de référence : • accueil immédiat et attentionné des parents par un entretien médical et un accompagnement auprès de leur enfant ; • explorations médicales à visée diagnostique le plus rapidement possible ; • réalisation d’une autopsie médicale (après information et accord signé des parents), selon le protocole décrit, si possible dans les 48 heures ; • transmettre aux parents les résultats des examens pratiqués ; • informer que tous les frais sont à la charge du centre de référence MIN ; • proposer un soutien psychologique et/ou associatif à la famille ; • établir le certificat de décès • partie administrative initiale et partie médicale initiale en deux étapes —, puis à l’issue des explorations diagnostiques.    Modalités de suivi à moyen et long termes : • organiser au centre de référence une confrontation multidisciplinaire pour analyser les éléments du dossier et faire une synthèse diagnostique ; • prise en charge ultérieure de la famille et des tiers présents lors du décès (accompagnement, soutien psychologique, informations complémentaires…) ; • lors de grossesses ultérieures : suivi psychologique, consultations pédiatriques anténatales ; dans de rares cas, un bilan néonatal ciblé sur une pathologie familiale éventuelle est nécessaire ; pas de bilan « systématique » ni monitoring à domicile (actuellement abandonné). À tout moment, en cas de doute sur l’origine naturelle du décès, le médecin peut alerter les autorités judiciaires.    Quand alerter l’autorité judiciaire ? À tout moment de la procédure, s’il apparaît un doute sur l’origine naturelle du décès, le médecin alerte les autorités judiciaires. Chaque situation doit être évaluée au cas par cas, si possible de façon multidisciplinaire, en s’appuyant sur l’ensemble des données disponibles (faisceau d’arguments).   Enquête épidémiologique de l’Institut de veille sanitaire (InVS) Son objectif est une description exhaustive de tous les cas de MIN de moins de 2 ans survenant dans les 16 départements concernés, pendant une durée de 2 ans, à partir des cas recensés depuis le 1er octobre 2007. Elle doit préciser les pourcentages de MSN, de morts de cause identifiée, naturelle, accidentelle ou violente ; décrire les morts subites du nourrisson (âge, lieux, circonstances, conditions de couchage, présence de facteurs de risque identifiés…) ; évaluer la mise en place des recommandations de la HAS. L’enquête repose sur la participation des SAMU et des centres de référence. Pour chaque cas, une fiche de recueil de données (circonstances exactes, examen, etc.) remplie sur les lieux du décès et une seconde fiche complétée au centre de référence (antécédents personnels et familiaux, explorations réalisées, diagnostic retenu) sont transmises, anonymisées, à l’InVS. Les parents en sont informés. Si l’enfant était laissé sur place, ou si le décès a fait l’objet d’une procédure médico-légale, une version courte de la seconde fiche est complétée sur place par le médecin d’intervention. Un comité de pilotage suit le déroulement de l’étude, et les données seront restituées par l’InVS avec une analyse globale et par département.   La prévention : encore insuffisante ! Les pistes de prévention, tout comme les causes de MIN, sont multiples. Les progrès réalisés depuis 15 ans sont principalement liés aux conseils de couchage des petits nourrissons, qui ont réduit la fréquence des décès, où ce facteur jouait un rôle important. En effet, le phénomène de mort inattendue est souvent la conséquence d’un « accident multifactoriel ». Le terme accident rend compte du caractère apparemment aléatoire, sans que l’on puisse repérer des bébés particulièrement à risque ; l’aspect multifactoriel traduit le fait que, souvent, plusieurs facteurs se cumulent pour aboutir au décès : • facteurs liés à la maturation des systèmes de régulation des grandes fonctions vitales (activité cardiaque, respiratoire, sommeil, immunité…) avec des variations individuelles importantes et peutêtre des prédispositions génétiques (?), mais sans dépistage possible pour l’instant ; • facteurs déclenchants : pathologies rapidement évolutives, souvent infectieuses (prédominance hivernale), mais aussi cardiaques, digestives, neurologiques… ; • facteurs d’environnement, tout particulièrement lors du sommeil, position et matériel de couchage, température ambiante et tabagisme passif. Ces derniers facteurs sont facilement accessibles à la prévention et concernent surtout les bébés de moins de 6 mois. Les morts « subites » sont plus fréquentes autour de 3-4 mois, le risque est un peu plus important chez les garçons et chez les hypotrophes, chez les enfants de mère ayant fumé pendant la grossesse. En outre, le tabagisme passif fragilise les voies respiratoires qui sont alors plus vulnérables aux infections, virales ou bactériennes. Il n’y a pas de critères sûrs pour repérer les bébés ayant un risque particulier. Dangers liés au couchage en position ventrale Ils sont maintenant bien connus. Ils sont liés à trois mécanismes : • la position ventrale favorise le déplacement du bébé qui peut ramper, s’enfouir dans la literie (oreiller, couette, tour de lit épais, couverture, grosses peluches) ; • elle gêne la thermolyse (en cas de fièvre ou simplement si l’enfant est trop couvert), les surfaces d’échange thermique se limitant à la seule moitié du visage qui n’est pas au contact du drap ; • elle expose au risque de confinement lorsque l’enfant met son visage de face sur un plan de couchage trop mou (oreiller, couette, matelas en son…). Inspirant alors en permanence l’air qu’il vient d’expirer, il se trouve rapidement en hypoxie-hypercapnie. S’il ne déclenche pas de réflexe d’éveil, cela mène à l’arrêt cardiaque. Ce réflexe, normalement présent chez le nouveau-né à terme, peut être perturbé par des anomalies des neurotransmetteurs, par des conséquences du tabagisme in utero, par un stade de sommeil trop profond, par une infection intercurrente…   Prévention Conseil de couchage Des conseils simples de couchage sont efficaces (encadré ci-dessous). Ces précautions élémentaires doivent être respectées dès la maternité et ensuite, partout où dort l’enfant, en particulier chez l’assistante maternelle. Attention aux lits pliants (type lits-parapluies), pratiques et profonds : il est formellement déconseillé d’y rajouter un autre matelas plus « moelleux », rarement aux bonnes dimensions et qui expose l’enfant, s’il se retourne, au risque majeur de se coincer entre l’épaisseur du matelas et la paroi souple du lit   Quelques conseils complémentaires  Favoriser la motricité libre et la position sur le ventre à l’éveil, en présence d’un adulte. Cela permet d’anticiper les premiers retournements et limite la plagiocéphalie posturale, inesthétique et fréquente les premiers mois. Pour la même raison, on réservera l’usage des siègescoques rigides aux transports en voiture.    Ne pas utiliser les gadgets de puériculture (cale-bébés, coussins de positionnement, appareils de surveillance…), qui font de l’inquiétude familiale un marché très lucratif en prétendant apporter une sécurité ou un confort supplémentaire. Leur utilité n’est pas démontrée et certains ne sont pas dénués de risques.    Le bedsharing, ou partage du lit, n’est pas recommandé. Coucher un bébé dans le même lit qu’un adulte ou qu’un grand enfant comporte un risque d’étouffement, en plus des risques d’enfouissement, d’hyperthermie et de confinement. Le partage de la chambre est conseillé, mais l’enfant dormant dans son lit à lui. Attention, en cas d’allaitement dans le lit maternel, à toujours bien recoucher l’enfant dans son propre lit lorsque la mère se rendort.   Conclusion L’implication de tous les professionnels est nécessaire (pédiatres, médecins de PMI, personnels de maternité, assistantes maternelles, personnels de crèches, haltes-garderies, etc…), pour que ces bonnes habitudes soient définitivement intégrées dans les pratiques de puériculture au niveau des familles et de toute la société. Ce n’est malheureusement pas actuellement encore bien acquis, mais l’enjeu est vital pour encore 100 à 150 bébés par an. * Anne-France Bongrand est décédée accidentellement en mars 2009. Elle s'était depuis 10 ans fortement impliquée dans la prise en charge des MIN et dans leur prévention, avec son équipe du CHU de Montpellier. Nous partageons l’émotion de sa famille et de ses proches.  

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