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Neurologie

Publié le 14 mar 2011Lecture 12 min

Méningites bactériennes : situation épidémiologique en France aujourd’hui

C. WEIL-OLIVIER, Paris

En pédiatrie, la méningite bactérienne a toujours été une préoccupation diagnostique, thérapeutique et prognostique. Trois pathogènes en sont responsables, hors période néonatale, non abordée ici : l’Hæmophilus influenzæ de type b, le méningocoque et le pneumocoque. Les vaccins ciblant ces germes constituent un front de lutte crucial contre ces pathologies. Nous vous proposons ici de faire le point sur la situation épidémiologique actuelle des cas de méningites bactériennes, dans un pays comme la France. 

 
En France métropolitaine en 2008, les infections invasives dues aux trois principaux pathogènes responsables de méningites, tous âges confondus, avaient une incidence respective redressée pour défaut de couverture, noncorrigée pour la sous-notification, de 0,93/105 pour Hæmophilus influenzæ, 0,78/105 pour le méningocoque et 10,70/105 pour le pneumocoque (figures 1 et 2 ; tableau 1) (1). Ces germes sont portés à tout âge par les muqueuses de l’homme et responsables d’infections communautaires. Trois vaccins conjugués dirigés contre ces bactéries ont transformé leur panorama.   Hæmophilus influenzæ (2) La vaccination anti-Hæmophilus influenzæ de type b (Hib) par vaccin conjugué recommandée chez les jeunes enfants depuis le début des années 90 en France, a été un succès remarquable, comme dans la majorité des pays développés, en réduisant l’incidence des infections invasives (II) à Hib (1,2/105 en 2008) et la présence des souches capsulées chez l’enfant de moins de 5 ans, mais aussi chez l’adulte. Moins de 5 % des 553 souches adressées au Centre national de référence (CNR) en 2007 (figure 3) (2) étaient capsulées (1,2 % de type b et 3,6 % de type e ou f, ces dernières plus fréquentes chez l’adulte). Seules 5 souches venaient de méningites à Hib (enfants âgés de 4 mois à 3 ans, dont 4 enfants vaccinés, le plus souvent sans rappel). Un tiers des 25 souches isolées de liquide céphalorachidien à tout âge étaient capsulées, dont une souche de type e et deux de type f chez des enfants, tous de moins de 3 ans ; deux tiers étaient non typables (6 souches chez des enfants âgés de 5 mois à 4 ans). Notons que de 1998 à 2008, l’incidence des bactériémies à Hi augmente significativement chez les personnes de 40 à 64 ans et de plus de 64 ans, mais pas celle des méningites à Hi. Le taux de résistance aux bêtalactamines est très faible pour les souches capsulées et de 25 % pour les non typables. Les infections invasives à méningocoque Près de la moitié des méningites bactériennes de l’enfant sont à méningocoque (3). Les infections invasives à méningocoque (IIM), infections transmissibles graves à début brutal, se manifestent par une méningite avec méningococcémie (32,5 %), soit une méningite seule (43 %), soit une méningococcémie seule (23,5 %).   Figure 1. Évolution des nombres de bactériémies, bactériémies isolées et méningites par bactérie de 1987 à 2008, redressés pour défaut de couverture et non corrigés pour la sousnotification (Epibac, France métropolitaine). Le taux de purpura fulminans (29 %) varie en fonction du sérogroupe : taux stable depuis 2002 pour le méningocoque B (24 %), atteignant 39 % chez les 1-4 ans ; taux oscillant entre 23 % en 2002 et 39 % en 2008 pour le C (plus fort chez les 1-4 ans : 56 %). L’évolution des IIM se fait vers la guérison (83 %), avec 6 % de séquelles précoces. Le taux de létalité global de 11 % est plus élevé en présence de purpura fulminans (23 %) qu’en son absence (6 % ; p < 0,001), et pour les IIMC plus que pour les IIM-B (19 % vs 9 % ; p < 0,01) sans différence significative selon les groupes d’âge (4).   Données bactériologiques Depuis plus de 20 ans en France, le taux d’incidence (TI) annuel des IIM varie entre 1 et 2 cas/105 habitants. Le suivi épidémiologique repose sur la déclaration obligatoire (DO) (taux en progression : 62 % en 1996 ; 73 % en 2000 ; 92 % en 2005) et la caractérisation des souches invasives au CNR des méningocoques. En 2008, il a été notifié 689 IIM, tous âges confondus, soit un TI global de 1,2 /105 corrigé pour la sous-déclaration, plus élevé chez les enfants < 1 an (13,2/105), les 1-4 ans (5,0/105) et les 15-19 ans (2,4/105). Le sexe ratio H/F est de 1,1, maximum (1,3) chez les enfants de 1-4 ans et minimum (0,7) chez les 50 ans et plus. Les IIM concernent des sujets jeunes (< 1 an : 16 % et < 20 ans : 66 %). La majorité des cas sont sporadiques. Il existe une hétérogénéité géographique de l’incidence des IIM. En 2008, le TI des IIM, tous sérogroupes confondus, dépassait 3,0/105 dans trois départements : Seine-Maritime (3,9) ; Alpes-de- Haute-Provence (3,2) ; Somme (3,2). Huit départements n’ont pas déclaré de cas et 18 pas d’IIMB. Pour les IIM-C, le TI national non corrigé était de 0,2/105 ; 7 départements avaient un taux au moins 3 fois supérieur : Vienne (1,2), Seine-Maritime (1,0), Orne (1,0), Savoie (1,0), Somme (0,9), Indre (0,9) et Corrèze (0,8) ; 42 n’ont pas déclaré de cas. Parmi les IIM à sérogroupe connu (90 %), 69 % étaient du groupe B, prédominant à tous les âges et surtout avant 1 an (82 % des cas), 23 % étaient du C, 3 % du W135 et 4 % du groupe Y. L’âge médian des IIM varie selon le sérogroupe (B : 11 ans ; C : 15 ans ; W135 : 20 ans ; Y : 49 ans). La technique « multilocus sequence typing » (MLST) caractérise le complexe clonal des souches, dont trois prédominaient : ST-41/44 (29 %) dont 90 % du sérogroupe B ; ST-11 (22 %) conférant un caractère plus pathogène, essentiellement du sérogroupe C (74 % des souches C en font partie) ; et ST-32 (17 %) tous de sérogroupe B. Le ST-269 (9,5 %), majoritairement du sérogroupe B, augmente depuis 2005. Parmi les phénotypes identifiés après culture, pour les IIM-B, 3 des 56 phénotypes identifiés représentaient près d’un quart des souches : B:14 : P1.7,16 (12,5 %), dont une moitié provenant de Seine-Maritime et de la Somme ; B:4 : P1.4 (6 %) ; B:4 : P1.4,7 (5 %). Pour les IIM-C, 3 des 18 phénotypes identifiés représentaient plus de deux tiers des souches C : – 2a : P1.5 (25 %) ; – 2a : P1.1,7 (22 %) ; cette souche de complexe clonal ST-11, implantée à partir de 2005, a été impliquée dans des cas groupés en 2007 et 2008 ; – NT : P1.2,5 (21 %). Toutes les souches invasives étudiées au CNR étaient sensibles au céfotaxime et à la ceftriaxone et 22 % de sensibilité réduite à la pénicilline G. Aucune souche n’exprimait de bêta-lactamase.   Recommandations et stratégie vaccinale Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) recommande depuis juin 2010(5) une dose unique de vaccin conjugué méningococcique C chez les nourrissons à l’âge d’un an et un rattrapage d’une dose pour les sujets de 1 à 24 ans. Tous les pays ayant introduit cette vaccination ciblant les nourrissons (avant ou à l’âge d’un an) et couplée à une politique de rattrapage ont observé une diminution spectaculaire et rapide des IIM-C à condition d’obtenir dans l’année suivant la recommandation des taux de couverture vaccinale élevés (> 80 %). Il s’ajoute alors à l’effet direct attendu, un effet indirect portant sur la population non vaccinée (aux Pays-Bas, bénéfice pour les enfants < 1 an n’entrant pas dans le programme ; au Royaume-Uni, diminution du portage naso-pharyngé du méningocoque C chez les adolescents), sans augmentation épidémiologique des IIM à d’autres sérogroupes, notamment le B (pas de commutation de la capsule). Situation dans les zones d’hyperendémie Très différente est la situation d’hyperendémie des IIM-B liée au phénotype B:14 : P1.7,16/ST-32 depuis 2003 en Seine-Maritime (zone de Dieppe et 74 communes environnantes), avec depuis fin 2008, des cas dans la Somme (zone située à l’ouest d’Abbeville, proche de Dieppe), suggérant l’émergence de nouveaux foyers d’hyperendémicité (figure 4)(6). Des campagnes de vaccination (figure 5) contre cette souche ont ciblé les enfants âgés de 2 mois à 19 ans avec le vaccin MenBvac® mis à disposition de manière progressive à partir de 2006 en Seine- Maritime (primovaccinations [PV] achevées au printemps 2008 et majorité des rappels à l’hiver 2008) et en mars 2009 dans la Somme. Le schéma vaccinal comporte selon l’âge 2 ou 3 doses en PV avec rappel 6 mois ou un an après. Les enfants < 10 ans ont été vaccinés en centre de vaccination, les plus âgés sur leur lieu de scolarité. La couverture vaccinale, de 79 % en PV et de 65 % pour la vaccination complète, a été inférieure à 50 % chez les personnes de plus de 20 ans sur l’ensemble des zones de vaccination. Le HCSP recommande de poursuivre la vaccination dans les zones identifiées jusqu’à 24 ans révolus et de la proposer de façon continue aux nouveau- nés à partir de l’âge de 2 mois et aux nouveaux arrivants âgés de 2 mois à 19 ans(7). En Seine-Maritime, entre mai 2009 et mai 2010 (dernier bulletin), le TI global des IIM était de de 1,5/105, supérieur à l’incidence nationale ; les sérogroupes identifiés étaient le B (68 %), le C (26 %) (taux assez proches des taux nationaux) et le W135 (5 %). Le TI des IIM-B (1,0/105), inférieur aux taux observés depuis 2003, en baisse dès avril 2008, restait plus élevé que le taux national (0,6/105) ; le TI des IIM-B:14 : P1.7,16 a diminué, mais était encore élevé chez les moins de 1 an (6,4/105). La proportion de purpura fulminans, tous sérogroupes confondus, était de 5 % et la létalité de 5 %, taux nettement inférieurs aux moyennes nationales. Dans la Somme, le TI global était de 3,1/105 habitants ; celui des IIM-B de 2,9/105 habitants (près de 5 fois le taux national) ; celui du sous-type P1.7,16 a fortement augmenté entre janvier 2008 et avril 2010, notamment chez les moins de 5 ans (14,6/105 chez les < 1 an ; 7,3/105 chez les 1-4 ans) ; la proportion de purpura fulminans, tous sérogroupes confondus, était de 28 % et la létalité de 17 %. Dans les deux départements, 50 % des cas sont survenus chez des sujets de 15 à 25 ans ; aucun nouveau foyer d’hyperendémicité des IIMB: 14 : P1.7,16 n’a été observé.   Figure 2. Proportion relative des bactéries responsables des méningites, 1991-2008 (Epibac, France métropolitaine). Les méningites bactériennes à pneumocoque Le vaccin antipneumococcique conjugué heptavalent (PCV-7 incluant les sérotypes 4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F, 23F) introduit dans le calendrier vaccinal français en 2003 pour les enfants < 2 ans présentant des facteurs de risque d’infections invasives à pneumocoques (IIP) a été généralisé en 2006 à l’ensemble des enfants < 2 ans. En 2008, le schéma vaccinal a été simplifié à deux doses à 2 et 4 mois en primovaccination (PV) avec rappel à 12 mois. Les enfants à haut risque restent au schéma classique (3 + 1).   Figure 4. Situation d’hyperendémicité des IIM-B :14 : P1.7,16 en Seine-Maritime et Somme au 30 mai 2010. L’augmentation de la couverture vaccinale, en constante progression, a toutefois été plus lente en France que dans d’autres pays européens (Royaume-Uni, Pays- Bas, Norvège ou Allemagne). La proportion d’enfants âgés de 12 mois en 2007 ayant reçu une PV (3 doses) s’élevait à 80,6 % versus 73,5 % en 2006 ; celle des enfants âgés de 6 mois nés en 2008 ayant reçu la PV à 2 doses était estimée à 84,6 %. L’évaluation de l’impact de la vaccination PCV-7 sur les IIP en France (figure 6, p. 8) s’appuie sur les données 2008 (8) issues du réseau Epibac (incidences globales) et le croisement des données des réseaux Epibac et CNRP/ORP (incidences spécifiques par sérotypes vaccinaux [SV] et non vaccinaux [SNV] ; suivi de la sensibilité aux anti biotiques)(9). Elles comparent deux périodes, l’une prévaccinale (2001/2002), l’autre postvaccinale (2008). Entre 1998 et 2008, 20,5 % (933/4 562 cas) des méningites à pneumocoque sont survenues chez des enfants < 2 ans (réseau Epibac). Entre 2007 et 2008, l’incidence des IIP a augmenté significativement (12,7 à 13,4/105), elle était plus élevée chez les enfants < 2 ans (23,3 cas /105) et chez les adultes > 64 ans (30,8 cas/105). Avant la période vaccinale (années 1998 à 2002), on notait déjà une diminution de 8,7 % de l’incidence des IIP chez les enfants < 2 ans et une augmentation de 11,9 % chez les 2-64 ans (de 4,5 à 5,1 cas /105), avec une tendance similaire chez les plus de 64 ans. En France, entre les périodes 2001/02 et 2008, tous âges confondus, les variations d’incidence des IIP sont significatives : augmentation globale de 14 % (de 9,2 à 10,4 cas/105) ; baisse de 50,6 % des IIP à SV et augmentation de 75,6 % des IIP à SNV (figure 1, p. 6). L’incidence des méningites à pneumocoques est stable (0,9/105) ; celle des bactériémies croît significativement (+ 8,3 %). Dans la population cible de la vaccination – enfants de 0 à 23 mois –, entre les deux périodes, l’incidence globale des IIP a diminué significativement de 30 % (29,8 à 20,9/105), celle des méningites de 25,7 % (8,0 à 6,0/105) et celle des bactériémies de 31,6 % (21,8 à 14,9/105). L’incidence des méningites et des bactériémies à SV a baissé respectivement de 78,1 % et de 85,2 %, tandis que les méningites et des bactériémies à SNV ont progressé de 94,7 % et de 82 %. Entre 2005/2006 et 2007, l’incidence des méningites se stabilise à 6 cas/105, aussi bien à SV (1,3 et 1,2 /105) qu’à SNV (4,7/105). La couverture sérotypique du PCV7 est passée pour les souches isolées de méningites et de bactériémies de 69 % et 67 % à respectivement 20 % et 14,6 % en 2007. Dans les autres tranches d’âge, sur les deux périodes, l’incidence des IIP augmente chez les 2-4 ans et progresse de 14 % chez les 2- 64 ans (de 5,0 à 5,7/105), avec diminution des IIP à SV de 43 % (de 2,4 à 1,4/105) et augmentation des IIP à SNV de 65 % (de 2,6 à 4,3/105). Chez les plus de 64 ans, la progression est de 8 % (de 28,2 à 30,4/105), avec baisse des IIP à SV (15,4 à 8,7/105) et hausse des IIP à SNV (12,8 à 21,7/105). Chez les 16-64 ans, le TI des bactériémies a augmenté de 6,9 à 7,5/105 (entre 2007 et 2008 ; non constaté dans les autres tranches d’âge).   Figure 5. Données InVS ; rapport du 31 mai 2010. Conclusion L’objectif principal de la vaccination de diminution (-30 %) globale des IIP, incluant méningites et bactériémies, est rempli chez les enfants de 0 à 23 mois, grâce à la baisse, de l’ordre de 80 %, des IIP à sérotypes vaccinaux. La réduction de 43 % de l’incidence des IIP à SV chez les 2-64 ans et les plus de 64 ans correspond à l’effet indirect « gratuit » de la vaccination, décrit dans tous les pays ayant introduit la vaccination PCV7 en routine ; il résulte de la diminution du portage des souches vaccinales chez les enfants vaccinés avec réduction de leur transmission. L’effet de la vaccination est atténué par l’émergence de sérotypes non vaccinaux de remplacement avec augmentation de l’incidence des IIP à SNV concernant toutes les tranches d’âge (le sérotype 19A représente un tiers de ces cas, souvent résistant ou multi-R aux antibiotiques), probablement sous la pression de sélection exercée par la vaccination. Ce phénomène, observé dans presque tous les pays, ne remet pas en question la vaccination même s’il en atténue le bénéfice. En juin 2010, le vaccin antipneumococcique 13-valent, comportant 6 valences supplémentaires (1, 3, 5, 6A, 7F, 19A), a remplacé le PCV 7. Le calendrier vaccinal est inchangé. Une dose de PCV13 est recommandée dans la deuxième année de vie de tous les enfants ayant bénéficié du schéma vaccinal complet par PCV7(10). La surveillance épidémiologique rigoureuse sera poursuivie.  Figure 6. Incidence des infections invasives, méningites et bactériémies, à pneumocoques en 2008, par tranche d’âge, en France (données Epibac).  

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