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Gastro-entérologie

Publié le 20 mai 2008Lecture 8 min

Lymphadénite mésentérique ?… erreur de calcul

D. ARMENGAUD, CHI, Poissy/Saint-Germain-en-Laye
Caroline, fillette de 10 ans1/2, se plaint de douleurs abdominales depuis 24-48 heures, sans caractéristiques bien particulières, s’accompagnant de vomissements intermittents, paraissant bilieux. Devant ce tableau, ses parents la conduisent aux urgences.
Histoire clinique Caroline est l’aînée d’une fratrie de deux (un frère de 9 ans) et n’a pas d’antécédents particuliers en dehors d’une brève hospitalisation à l’âge de 5 ans pour un syndrome méningé dont l’évolution a été favorable sous simple traitement antipyrétique (PL non réalisée). À l’admission aux urgences, elle présente une douleur de la fosse iliaque droite sans défense. Il  n’y a pas de fièvre et le reste de l’examen clinique est normal. La bandelette urinaire est négative. L’échographie (figures 1 et 2) ne retrouve pas de signes en faveur d’une appendicite, mais conclut à une adénolymphite mésentérique ; l’enfant est alors rendue à sa famille avec un traitement symptomatique antalgique.   Figure 1. Première échographie abdominale. Absence de signe en faveur d’une appendicite ; présence de ganglions mésentériques  (A et B). Figure 2. Première échographie abdominale. Rein droit. Après une amélioration de 48 heures et une disparition des vomissements, ceux-ci reprennent de plus belle, et de nouveau bilieux. Caroline est reconduite aux urgences. Elle est en bon état général, apyrétique (36°5), le poids est stable (32 kg), sans signes de déshydratation. La fréquence cardiaque est de 82/min, la pression artérielle à 112/ 70 mmHg. L’auscultation cardio-pulmonaire est normale. La  palpation de l’abdomen est rassurante : il n’y a pas de douleur provoquée, pas de masse palpable, ni hépato-splénomégalie, ni globe vésical ni douleurs lombaires. Le reste de l’examen est sans particularité. Un bilan biologique est prélevé et une nouvelle échographie (figure 3) est demandée.   Figure 3. Seconde échographie abdominale rénale. Examens biologiques • Hémogramme  – Hb : 14,1 g/100 ml  – GR : 4 960 000/mm3; VGM 100 µ3   – GB : 14 320/mm3 (81 % de PNN)  – Plaquettes : 352 000/mm3 • Glycémie :  6,4 mmol/l • Ionogramme sanguin (mmol/l) :  Na : 136 ; K : 4,5 ; bicar : 24 ; urée : 5,7 • Protides : 75 g/l • BU : absence de protéinurie • CRP : 0,3 mg/l Petit lexique de la cristallurie • Cristaux « communs » – Weddellite : oxalate de calcium dihydraté, calcium dépendant (calciurie > 3,8 mmol/l) souvent observé chez les sujets normaux ; – Whewellite : oxalate de calcium monohydraté, plutôt oxalodépendant (favorisé par une hyperoxalurie), rarement trouvé chez les sujets normaux et plus souvent associé à la maladie lithiasique ; – Acide urique : sous forme dihydratée et dépendante du pH ; en urine acide sans forcément hyperuricurie ; – Phosphate de calcium : fréquent, sous plusieurs formes minérales et souvent associé à des urines alcalines et à une hypercalciurie ; – Struvite : phosphates ammoniaco-magnésiens. • Cristaux « métaboliques » – Calcite : carbonate de calcium anhydre, en urine peu acide et associé à de forte concentration en bicarbonates ; – Cystine : caractéristique d’une cystinurie-lysinurie ; – 2,8 dihydroxy-adénine : très rare (déficit en phosphoribosyl transférase) ; – Acide urique : sous forme d’urates amorphes complexes, associés à une hyperuricémie-uricurie (rare chez l’enfant) . • Cristaux « médicamenteux » – Sulfaméthoxazole (chlorhydrate de N acétyl, métabolite du Bactrim®), ressemblant à des cristaux d’acide urique dihydraté ou d’autres antiseptiques urinaires ; – Amoxicilline (trihydratée) ; – Quinolone ; – Indinavir (monohydraté).   Quelles sont  vos hypothèses  diagnostiques ? • Si la survenue d’une douleur abdominale chez l’enfant est d’une grande banalité et une appendicite (trop) souvent  suspectée ou (trop) facilement éliminée, son exclusion doit conduire à reprendre la démarche diagnostique, surtout lorsqu’il s’y associe des vomissements ; leur aspect bilieux rapporté ici est l’élément le plus préoccupant de cette histoire du fait de sa seule présence, mais aussi de sa persistance. • Le caractère bilieux d’un vomissement est la traduction d’un reflux duodéno-gastrique ; il peut être banal, principalement dans trois circonstances : – une intoxication alimentaire, ou éventuellement médicamenteuse, qui aboutit de manière « salvatrice » à l’évacuation du contenu gastrique… et un peu au-delà du fait des efforts de vomissements souvent importants (l’arrivée de bile vient  « conclure ») ; – une hypertension intra-crânienne, dont les signes neurologiques associés (troubles oculo-moteurs, augmentation du PC) doivent être recherchés ; – une cétose de jeûne qui survient de façon assez banale  dans le cadre de troubles digestifs de l’enfant (gastro-entérite) et s’inscrit dans une boucle auto-entretenue : douleurs abdominales → vomissements →  jeûne prolongé →  cétose →  douleurs abdominales... Encore faut-il ne pas porter ce diagnostic par excès sur une simple perception d’une haleine caractéristique ; on vérifiera par la bandelette urinaire la présence de corps cétoniques, mais aussi l’absence de toute glycosurie ! La réhydratation sucrée orale, ou par une courte perfusion veineuse périphérique, permet en quelques heures de reprendre l’alimentation et de sortir de cette impasse. La persistance sous perfusion de ces vomissements au-delà de quelques heures doit faire reconsidérer le diagnostic et rechercher d’éventuelles anomalies biologiques pouvant évoquer la décompensation d’une maladie métabolique. • La présence de vomissements bilieux est en faveur d’une occlusion « haute », à ventre plat et peut, en l’absence de contexte infectieux ou d’anomalie à la palpation, faire évoquer une occlusion sur bride (naturelle ou post-opératoire) ou un volvulus. L’échographie est en général un élément d’orientation important. • Si la cause n’est pas à l’évidence digestive, il faut rechercher ailleurs, et évoquer une occlusion réflexe : – chez le garçon, une hernie étranglée ou la torsion d’un testicule (en général au premier plan) ou d’une hydatide ou d’un kyste du cordon ; – chez la fille, une hernie ovarienne palpée souvent au niveau d’une grande lèvre ou une torsion d’annexe, qui à cet âge survient sur un ovaire dystrophique et augmenté de volume ; – une obstruction sur les voies urinaires (syndrome de la jonction obstructif), que  pourrait provoquer une lithiase rénale ; sa mise en évidence directe est difficile à l’ASP et à l’échographie. Cependant, les signes indirects d’une distension d’amont sont précieux. Ils sont habituellement présents, comme ici à droite (écho 1 : asymétrie des cavités hautes dès la première échographie, figure 2 ; écho 2, figure 3), avec plus rarement une mise en évidence directe du calcul ou indirecte (cône d’ombre). L’uroscanner réalisé à la suite de l’échographie montre une asymétrie de sécrétion – qui se serait jadis traduit par « un rein muet » à droite à l’UIV – et visualisation seulement de l’uretère gauche tout au long des coupes et apparition d’un « objet brillant identifié »… comme un calcul sur une seule coupe à droite non loin de la jonction urétéro-vésicale. Commentaire • Si la survenue d’une « colique néphrétique » est d’une grande banalité aux urgences, côté adultes, elle n’est pas si habituelle chez l’enfant et n’est en général pas évoquée d’emblée devant un syndrome douloureux abdominal. Le plus souvent, cette lithiase est « accidentelle » ; elle est rarement le fait d’une maladie métabolique déjà identifiée, dont la lithiase ne serait qu’un avatar évolutif. • Il est toutefois important d’essayer de la caractériser et, plus que le tamisage des urines à la re-cherche d’un petit caillou, c’est désormais l’étude de la cristallurie qui, réalisée dans des conditions optimales, permet d’en déterminer l’origine ; elle orientera la poursuite des explorations si le calcul est « atypique » ou con-duira à se contenter des conseils habituels de prévention des facteurs de risque (déshydratation, apports hydriques insuffisants, voyages) qui aboutissent à la cristallisation d’urines naturellement sursaturées. Évolution Le traitement de l’épisode lithiasique passe par l’hyperhydratation, la prescription conjointe d’antalgiques de classe II et d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, ce qui aboutit le plus souvent à l’expulsion – rarement observée – d’un calcul qui aura commencé sa dissolution « in vivo ». Ce fut le cas dans l’histoire présente, sans qu’il soit besoin de recourir à une lithotripsie. L’étude de la cristallurie a permis d’identifier des cristaux de weddellite et de whewellite  (voir encadré) et de ne pas pousser plus loin les investigations dans la mesure ou le bilan phosphocalcique était dans l’intervalle revenu normal. 

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