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Nutrition

Publié le 24 aoû 2009Lecture 7 min

Les apports en graisses chez le nourrisson

J.-P. GIRARDET, Hôpital d’Enfants, Armand-Trousseau, Paris

Les graisses alimentaires constituent chez le nourrisson une source importante d’énergie, mais également une source majeure d’acides gras essentiels et de leurs dérivés à longues chaînes, nécessaires au développement cérébral et à la maturation neurosensorielle.

 
Les graisses comme substrat énergétique Le contenu en graisse de l’alimentation est un déterminant important de sa densité énergétique et donc de sa capacité à couvrir les besoins énergétiques. Or, la vitesse de croissance élevée qui caractérise la première année de la vie rend compte de l’importance des besoins énergétiques propres à cet âge. Ces derniers ne peuvent être couverts que grâce à des apports lipidiques atteignant 45 à 50 % de la ration énergétique, c’est-à-dire nettement plus importants que ceux qui sont ultérieurement recommandés chez le grand enfant. Dans le lait maternel, qui constitue la référence pour les enfants jusqu’à l’âge de 6 mois, la teneur en lipides est en moyenne de 35 g/l pour une valeur calorique totale d’environ 67 kcal/100 ml pour le lait mature, soit 47 % du contenu énergétique (1). Les préparations pour nourrissons (laits 1er âge) fournissent également en moyenne la même proportion d’énergie sous forme de lipides (2). Après la période de l’alimentation lactée exclusive (c’est-à-dire à partir de l’âge de 4-6 mois), il est généralement admis que l’apport lipidique ne devrait pas être limité, au moins jusqu’à l’âge de 2 ans (3). Or, la diminution progressive de la consommation de lait qui accompagne la diversification alimentaire ne facilite pas le maintien d’un apport lipidique élevé. De fait, l’enquête de consommation alimentaire de M. Fantino et E. Gourmet effectuée en 2005 chez 706 enfants français âgés de 1 à 36 mois montre qu’à partir de l’âge de 6 mois, et jusqu’à l’âge de 3 ans, la contribution des lipides à l’apport énergétique ne représente plus qu’environ 33 % (4). Elle montre de plus qu’après 1 an le quart de la population reçoit des apports lipidiques inférieurs à 30 % des apports énergétiques totaux. Un quart des enfants entre 1 et 2 ans reçoit des apports lipidiques inférieurs à 30 % des apports énergétiques totaux. En pratique, il convient de prendre le relais de l’allaitement maternel ou des laits 1er âge par des préparations de suite (laits 2e âge), puis à partir de 10-12 mois par des laits de croissance dont le contenu en graisse reste élevé (2). Il convient également de maintenir des apports lactés de 500 ml par jour jusqu’à la fin de la première année, puis de 300 ml par jour jusqu’à 3 ans. Enfin, en cas d’interruption intempestive du lait 2e âge ou du lait de croissance, il est recommandé de prendre le relais par du lait de vache entier plutôt que par du lait demiécrémé.   Les graisses comme source d’acides gras essentiels Les graisses alimentaires doivent également couvrir les besoins en acides gras polyinsaturés (AGPI) que sont les deux acides gras essentiels, l’acide linoléique (AL, 18-2 n-6) et l’acide α linolénique (AAL, 18-2 n-3), mais aussi leurs dérivés à longues chaînes (AGPILC), notamment l’acide arachidonique (AA, C20 : 4 n-6) et surtout l’acide docosahexaénoïque (DHA, C22 : 6 n-3). Ce dernier est en effet un constituant important des membranes cellulaires des neurones et des cellules photoréceptrices de la rétine et a un rôle démontré dans les processus de maturation cérébrale et rétinienne. L’acide docosahexaénoïque a un rôle démontré dans les processus de maturation cérébrale et rétinienne.   Les apports conseillés d’acide linoléique pour les nourrissons à terme sont de 2 à 5 % de l’apport énergétique total (AET), avec un rapport AL/AAL de 4 à 10 ; ils sont de 0,1 à 0,25 % de l’AET pour l’acide arachidonique et de 0,1 à 0,4 % pour l’acide docosahexaénoïque. Ces recommandations demanderont cependant à être précisées, car elles reposent essentiellement sur les teneurs en acides gras polyinsaturés du lait maternel dont on connaît la variabilité, ces dernières dépendant de la composition en acides gras de l’alimentation de la femme allaitante (5).     Les nouveau-nés prématurés ont un risque particulièrement important de carence en AGIP. En effet, ils n’ont pas bénéficié de l’apport maternel qui se produit principalement pendant le dernier trimestre de la grossesse. Ce déficit est majoré par l’immaturité des processus d’élongation et surtout de désaturation qui permettent la synthèse des AGPI-LC à partir des deux acides gras essentiels. Cela a conduit à un consensus sur la nécessité d’une supplémentation spécifique et équilibrée en acide arachidonique et en DHA des préparations pour prématurés dont les effets bénéfiques sur le développement neurosensoriel sont largement admis. Les nouveau-nés prématurés ont un risque important de carence en acides gras polyinsaturés.     Des incertitudes persistent sur l’opportunité d’enrichir en AGPI-LC La tendance actuelle est de recommander la supplémentation en AGPI-LC des préparations pour nourrissons et des préparations de suite. Les laits industriels pour les nourrissons nés à terme et non allaités. En effet, la réglementation actuelle impose un enrichissement en acide linolénique et en acide α linolénique de ces préparations (2), et les capacités enzymatiques de synthèse des AGPI-LC à partir de ces précurseurs sont développées chez les enfants à terme. Cette synthèse est cependant probablement insuffisante pour couvrir les besoins en acide arachidonique et DHA au cours de la première année. En effet, les nourrissons alimentés avec un lait non supplémenté en AGPI-LC ont une teneur inférieure en DHA membranaire par rapport aux enfants allaités. De plus, les études de supplémentation ont montré une meilleure maturation visuelle à 2 et 4 mois chez les nourrissons à terme ayant reçu un lait 1er âge supplémenté par rapport aux nourrissons ayant reçu un lait non supplémenté (6) alors qu’elles ont donné des résultats plus hétérogènes en ce qui concerne le développement neurologique (7). La tendance actuelle est donc de recommander la supplémentation en AGPI-LC des préparations pour nourrissons et des préparations de suite, même s’il persiste des interrogations sur les apports optimaux et sur l’équilibre nécessaire entre chacune des deux familles n-6 et n-3.     Après l’âge de 6 mois, la baisse de la proportion de lipides dans l’alimentation des enfants français pose la question de l’adéquation de leurs apports en AGPI(4). Cependant, à cet âge les nourrissons ont des capacités de synthèse suffisantes des AGPI-LC à partir de leurs précurseurs. Aussi suffit-il de leur fournir des apports alimentaires en AL et AAL identiques à ceux de l’adulte, soit respectivement plus de 2 % et de 0,4 % de l’AET(5). À cet égard, l’enquête alimentaire de M. Fantino a révélé que les enfants de tous les sous-groupes d’âge entre 6 et 36 mois avaient des apports en AL supérieurs ou égaux à ces recommandations, mais que les apports en AAL diminuaient progressivement avec l’âge pour devenir insuffisants chez une forte proportion d’enfants à partir de 30 mois(4). Cela justifie de poursuivre jusqu’à 3 ans l’utilisation des laits de croissance enrichis en acides gras essentiels et de proposer régulièrement aux enfants des aliments riches en acides gras n-3 comme le poisson.  

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