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Neurologie

Publié le 15 jan 2008Lecture 9 min

Le pédiatre face aux maladies neuromusculaires : quand y penser ? à laquelle penser ? comment procéder ?

M. MAYER - Hôpital Armand Trousseau, Paris
Si les maladies neuromusculaires se révèlent à tous les âges de la vie, bon nombre d’entre elles s’expriment dans l’enfance, voire dès la naissance, et le pédiatre se retrouve donc en 1re ligne à l’époque des premiers symptômes. Elles comprennent les neuropathies périphériques, les blocs neuromusculaires, les myopathies. Nous n’envisagerons que les atteintes constitutionnelles, c’est-à-dire génétiques, les atteintes acquises, inflammatoires et toxiques, ayant une présentation clinique et des implications thérapeutiques très différentes.
Les atteintes neuromusculaires induisent un déficit de la force musculaire : ce symptôme leur est commun et spécifique. Les rétractions articulaires en mauvaise position peuvent cependant être le signe d’appel qui amène à consulter, car elles sont source d’une gêne fonctionnelle plus que le déficit lui-même : elles sont liées à l’hypoactivité du système musculotendineux et au fait que le déficit affecte de façon inhomogène les différents groupes musculaires, ce qui déséquilibre les articulations. Évoquer une atteinte neuromusculaire expose à des difficultés variables selon l’âge, lequel constitue aussi un élément déterminant du diagnostic étiologique. Le déficit de la force musculaire est le symptôme commun et spécifique des affections neuromusculaires.   Diagnostic chez l’enfant de moins de 2 ans La sémiologie est dominée par une hypotonie, déficitaire et diffuse, affectant l’axe et les membres. Le nourrisson parvient difficilement à établir ses acquisitions posturales : tenue de tête, tenue assise, mise en position assise, station debout, mise en position debout, marche. À l’inverse d’un infirme moteur cérébral, un enfant avec troubles neuromusculaires tient debout et marche souvent avant de pouvoir s’asseoir et se mettre debout car ces fonctions sont très consommatrices de force musculaire. Se mettre assis et se mettre debout sont difficiles pour un enfant avec atteinte neuromusculaire. La force musculaire (FM) de l’enfant est appréciée par : – l’observation de ses attitudes : membres immobiles dans le plan du lit (position en batracien en position allongée, cuisses dans le plan du lit en position assise) ; – l’observation de sa gesticulation spontanée : rare, peu vigoureuse, difficile contre la pesanteur ; l’enfant regarde avec avidité mais n’atteint ni ne tient l’objet tendu.Les paires crâniennes sont explorées par l’inspection de la mimique, de la motricité oculaire et de la déglutition. L’écoute attentive des parents décrivant le comportement moteur de l’enfant dans le vécu quotidien, l’inspection des attitudes de l’enfant et de sa gesticulation spontanée constituent l’essentiel de l’examen. L’examen précise si la FM s’exerce ou non contre résistance, ou du moins contre la pesanteur : – en mettant l’enfant sur le ventre sur la table puis au bord de la table, jambes pendantes, sont étudiés les extenseurs rachidiens, les fessiers, les ischiojambiers ; – en décubitus dorsal : des fléchisseurs de nuque de qualité permettent à l’enfant de soulever la tête ; les abdominaux et fléchisseurs de hanches et de genoux lui permettent de soulever les fesses du plan du lit, lorsqu’on tient ses chevilles, jambes tendues au zénith ; – le tiré-assis apprécie les muscles du cou : la tête de l’enfant neuromusculaire décolle tardivement du lit, s’effondre dès la moindre inclinaison, est mal freinée au recouchage ; – lors de la mise en supporting, il ne pousse pas sur les pieds, n’étend ni les genoux, ni les hanches. L’amyotrophie n’est pas toujours très facile à détecter chez le nourrisson et l’aréflexie pas toujours facile à affirmer. Les désaxations ostéo-articulaires sont congénitales (luxation de hanche, pied-bot, main-bote, arthrogrypose) ou progressives (pied valgus ou pied-plat raide, plus fréquents, à cet âge que le pied creux interne ou pied convexe) ; au niveau du rachis, on recherche une cyphose d’effondrement à grand rayon ou une raideur rachidienne ; une scoliose paralytique est rare à cet âge.   Diagnostic chez l’enfant de plus de 2 ans Le déficit de la force musculaire se révèle par une fatigabilité à la station debout prolongée, à la marche, par des chutes fréquentes, par une difficulté à courir, à se relever du sol ou d’une chaise, à monter les marches, au cours des gestes habituels de la vie quotidienne, à effectuer une activité bras levés et à porter des objets un peu lourds. On étudie la marche, la station debout et le saut bi- et monopodal. Une protrusion abdominale et une hyperlordose traduisent le déficit de la sangle abdominale et des lombes, une rétraction des fléchisseurs de hanches et des TFL. L’impossibilité de la marche sur les talons traduit un déficit de la loge antéro-externe des jambes typique des neuropathies périphériques. Un relevé du sol en manœuvre de Gowers et une difficulté au relevé répété à genoux dressé à partir de la position assise sur les talons traduisent le déficit de la ceinture pelvienne. Un déficit pelvien et abdominal conduit l’enfant à attraper ses cuisses pour se redresser du décubitus et un déficit axial de la nuque ou des abdominaux l’oblige à se tourner de côté. Un déficit des mains diminue la résistance de sa pince pouce-index. Un déficit scapulaire entraîne un décollement des omoplates à la manœuvre d’antépulsion contrariée des épaules, une incapacité à soulever son poids lorsqu’on le maintient sous les humérus. L’amyotrophie s’associe à une hypertrophie dans certains secteurs au cours de certaines dystrophies musculaires, mais parfois aussi au cours d’une amyotrophie spinale de type III. Les réflexes ostéotendineux sont diminués ou abolis. Des anomalies orthopédiques progressives sont parfois le principal motif de consultation : rétraction des triceps et des TFL, déformations en pieds creux internes (plus rarement pieds plats raides voire convexes), luxation ou du moins une excentration de hanche, scoliose ou dos raide. Une fois reconnue ou suspecté le caractère « périphérique » de l’atteinte, le reste de l’interrogatoire et de l’examen clinique étayent le diagnostic. La sémiologie Une atteinte des racines et du tronc oriente vers une affection de la corne antérieure ou des muscles, une atteinte distale vers celle des nerfs. Un aplatissement antéropostérieur du thorax signe l’atteinte diffuse des muscles respiratoires des myopathies ; un enfoncement en coup de hache sous-mamelonnaire, avec évasement en auvent des basses côtes et déformation en proue de navire, traduit le respect relatif du diaphragme par rapport aux intercostaux, des amyotrophies spinales. Une amimie ou une atteinte oculomotrice oriente vers une atteinte musculaire ou, en cas de variation diurne, vers un bloc neuromusculaire. Les réflexes sont plus rapidement abolis dans les neuropathies ; leur abolition en distal est en faveur d’une atteinte des nerfs, celle en proximal d’une atteinte spinale ou musculaire. Des fasciculations signent une atteinte de la corne antérieure. Une difficulté de décontraction traduit une myotonie appartenant à certains dysfonctionnements musculaires. L’existence de crampes ou de myalgies sont en faveur d’une atteinte musculaire, des troubles vasomoteurs et sensitifs d’une neuropathie. L’abolition des ROT en distal est en faveur d’une atteinte des nerfs, celle en proximal d’une atteinte spinale ou musculaire. Autres données de l’interrogatoire Quand le déficit est-il apparu ? Est-il congénital, voire anténatal (qualité des mouvements fœtaux, hydramnios)  ? Y a-t-il eu retard, stagnation ou régression des acquisitions motrices ? Existe-t-il une atteinte centrale associée ? On recherchera une consanguinité parentale et des cas semblables dans la famille. Les principales atteintes neuromusculaires constitutionnelles sont reconnues dès ce moment. Principales atteintes constitutionnelles   La clinique signe d’emblée une amyotrophie spinale antérieure (maladie de Werdnig-Hoffmann ou ASA types I et II, ou ASA III), une myopathie de Steinert ou une myopathie facio-scapulo-humérale (FSH). La biologie moléculaire est accessible de 1re intention et conduit donc d’emblée à la consultation hospitalière spécialisée.   Le tableau permet simplement d’orienter vers l’un des trois grands groupes génériques : • Le risque vital encouru lors d’un bloc neuromusculaire impose l’hospitalisation immédiate pour la confirmation du diagnostic par électrophysiologie et test thérapeutique, pour l’identifi-cation étiologique par biochimie ou biologie moléculaire et pour la mise en route du traitement ; • Le nerf est incriminé parce que l’atteinte est distale : l’ex- ploration électrophysiologique confirme la neuropathie. La classification électrique et la détermination du mode de transmission (exploration électrophysiologique des parents obligatoire) permettent de conduire la stratégie d’étude en biologie moléculaire. En l’absence de diagnostic moléculaire, l’indication (rare) de la biopsie neuromusculaire dépend du phénotype clinique et électrique ; • La clinique est un déficit proximal ou diffus, le plus simple est de faire dosage de la CPK de 1re intention : – la CPK est normale : une consultation neuropédiatrique est prudente avant de poursuivre car ici le diagnostic différentiel est le plus délicat (myopathies, atteintes de la corne antérieure, affections extraneurologiques) ; – la CPK élevée : il s’agit d’une dystrophie musculaire. Elle sera identifiée par biopsie musculaire avec étude en immuno-histochimie et en western-blot des protéines actuellement connues. L’identification de l’anomalie génique complète le diagnostic dans un certain nombre de cas.            En pratique, on retiendra   Le pédiatre ne doit pas prendre de retard pour penser à une maladie neuromusculaire (affection génétique), mais ne doit pas l’évoquer à tort (hypothèse angoissante).   Les atteintes neuromusculaires induisent un déficit de la force musculaire et des rétractions articulaires en mauvaise position. Leur diagnostic expose à des difficultés variables selon l’âge, lequel constitue également un élément déterminant du diagnostic étiologique.   L’écoute attentive des parents décrivant le comportement moteur de l’enfant dans le vécu quotidien, l’inspection des attitudes de l’enfant et de sa gesticulation spontanée constituent l’essentiel de l’examen.   Chez l’enfant de moins de 2 ans, le déficit induit un retard postural par hypotonie diffuse et aréflectique ; chez le plus grand, il entraîne une difficulté à la marche, à la course, aux activités bras levés, au graphisme.   L’histoire, la localisation du déficit et, au besoin, un dosage de CPK, conduisent la plupart du temps d’emblée à la forte présomption d’une maladie neuromusculaire précise.   Le pédiatre doit alors annoncer la nécessité d’une consultation neuropédiatrique et orienter l’enfant tout en restant impliqué dans sa prise en charge qui sera lourde le plus souvent.      

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