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Pathologies respiratoires

Publié le 07 fév 2011Lecture 7 min

La « success story » des surfactants exogènes a 30 ans

H. WALTI, Directeur universitaire et chef hospitalier du département de Pédiatrie de la Faculté de Médecine et des Sciences de la Santé de l’Université de Sherbrooke, Québec (Canada)

Dans les années 80, paraît dans le Lancet un article du Japonais Tetsuro Fujiwara rapportant une étude pilote qui portait sur l’efficacité immédiate d’un surfactant naturel modifié d’origine bovine chez 10 nouveau-nés prématurés avec une maladie des membranes hyalines (MMH). À la suite, paraît une série d’essais randomisés et contrôlés qui assoient les bases du traitement de la MMH par les surfactants exogènes. Ce traitement a transformé le pronostic vital et la morbidité de cette détresse respiratoire, qui tuait un enfant prématuré sur deux, et par là même il a abaissé la mortalité néonatale dans les pays développés. 

 
Un peu d’histoire… C’est le physiologiste allemand Kurt von Neergaard qui en 1929 a mis en évidence l’importance des phénomènes tensioactifs dans le maintien de la compliance et de l’hystéresis pulmonaire. Mais, si déjà il évoque l’importance de ce phénomène dans l’établissement de la capacité résiduelle fonctionnelle chez le nouveauné, il faut attendre 1947 et les travaux de Peter Gruenwald, un pathologiste new-yorkais, pour faire le lien entre la présence d’une « substance tensioactive» dans le poumon et l’atélectasie pulmonaire retrouvée chez des nouveau-nés décédés de la maladie des membranes hyalines (MMH). Cette « substance tensioactive », le surfactant pulmonaire, sera identifiée simultanément de chaque côté de l’Atlantique au début des années 50. En effet, Richard Pattle, un physicien travaillant pour le ministère de la Défense du Royaume-Uni et John Clements, un physiologiste travaillant pour l’armée américaine dans le Maryland avec l’aide du chimiste canadien Chris Macklin, viennent à la conclusion que la stabilité des alvéoles pulmonaires est dépendante de l’activité d’un film tensioactif recouvrant ces alvéoles. Ils spéculent que son absence est responsable des difficultés respiratoires des nouveaunés prématurés. L’hypothèse sera démontrée et publiée en 1959 par Mary Ellen Avery qui dans le laboratoire de Jery Mead à Boston et sous la supervision de J. Clements, met en évidence en étudiant la tension de surface d’extrait de poumon de nouveau-nés décédés, que la MMH était la conséquence d’un déficit ou d’un retard d’apparition d’une substance tensioactive capable de maintenir une très faible tension de surface quand le volume pulmonaire diminue. Tout aurait pu en rester là, si en 1963, Patrick, fils du président J.F. Kennedy, n’était pas décédé d’une MMH, mettant en évidence notre incapacité à prendre en charge efficacement cette maladie. Ce décès médiatisé a renforcé la recherche d’une thérapeutique efficace. En 1964 et 1967, le Canadien J. Robillard puis J. Chu de Singapour publient les deux premiers essais thérapeutiques d’un surfactant synthétique constitué de dipalmitoyl phosphatidylcholine (DPPC), le principal phospholipide du surfactant administré par nébulisation. Ces deux essais aux résultats négatifs ont fait douter du bien-fondé de la théorie du déficit primaire en surfactant comme cause de la MMH, mais ont cependant permis de relancer les études sur les relations entre la structure et la fonction des surfactants ; ils ont en outre permis d’expliciter l’importance des protéines spécifiques du surfactant et d’autres phospholipides (le phosphatidylglycérol [PG] notamment) pour l’activité tensioactive in vivo du surfactant. Tout aurait pu en rester là, si en 1963, Patrick, fils du président J.F. Kennedy, n’était pas décédé d’une MMH. En effet, c’est dans les années 70 que différents groupes dans le monde – B. Robertson et T. Curstedt en Suède, A. Bangham, C. Morley et H. Halliday au Royaume-Uni, J. Clements, M. Hallman, L. Gluck ,TA. Merritt et F. Adams aux États-Unis – ont préparé la voie pour la publication en 1980 dans le Lancet par le Japonais T. Fujiwara d’une étude pilote qui portait sur l’efficacité immédiate d’un surfactant naturel modifié d’origine bovine chez dix nouveau-nés prématurés avec une MMH. Cette publication séminale a permis la réalisation d’un grand nombre d’essais randomisés et contrôlés (ERC), qui ont posé les bases cliniques de l’utilisation actuelle des surfactants exogènes.   Des essais cliniques randomisés contrôlés à la pratique clinique Il est reconnu que l’étude des surfactants exogènes en néonatologie à été un modèle de développement d’une nouvelle thérapeutique. La mise en place des ERC et l’analyse des données par les techniques les plus sophistiquées, notamment les méta-analyses, ont permis d’introduire les surfactants en pratique clinique dès le début des années 90 et d’en faire avec la corticothérapie anténatale une des premières thérapeutiques en médecine périnatale, dont l’utilisation était basée sur les preuves. Les principaux gains ont porté sur une réduction de la mortalité (figure) et une diminution de l’incidence des pneumothorax. Une revue exhaustive des principales recommandations actuelles de l’utilisation des surfactants exogènes dépasse le cadre de cet article.   Évolution de la mortalité due au syndrome de détresse respiratoire néonatal (MMH) au Canada avant et après l’introduction des surfactants exogènes dans les années 90. Cependant, on peut préciser que : – tous les enfants qui présentent ou ont un grand risque de présenter une MMH doivent bénéficier d’un traitement par un surfactant naturel ; – la prophylaxie par le surfactant (dans les 15 premières minutes après la naissance) est indiquée pour les nouveau-nés de moins de 26 semaines de gestation, ou les prématurés qui requièrent une intubation pour une stabilisation en salle de naissance ; – le surfactant doit être administré précocement à tous les nouveau- nés non traités au préalable et qui présentent une MMH ; – une extubation immédiate ou précoce après le traitement par surfactant et le recours à l’utilisation d’un support respiratoire non invasif devrait être envisagé si le nouveau-né est par ailleurs stable ; – une seconde, et parfois une troisième dose de surfactant, doit être administrée s’il y a des signes que la MMH persiste, se traduisant par un besoin d’oxygène ou de ventilation mécanique. Les surfactants exogènes sont devenus avec la corticothérapie anténatale une des premières thérapeutiques de médecine périnatale. Conclusion On peut retenir plusieurs leçons de cette véritable « success story » de la médecine néonatale. La première est l’importance de la recherche en biologie du développement dans l’avancée des sciences cliniques pédiatriques chère à nos maîtres, Pierre Royer et Alexandre Minkowski. La seconde porte sur l’absolue nécessité de l’interdisciplinarité en médecine bien mise en évidence par le rôle des physiologistes, pathologistes, chimistes, biophysiciens, statisticiens, industriels du médicament, cliniciens et, parfois même politiciens, dans la découverte, la mise au point et la diffusion des surfactants exogènes. Enfin, la troisième est de reconnaître que certains hommes comme le pathologiste suédois Bengt Robertson (1935-2008), pionnier et leader de la recherche sur les surfactants exogènes, ont le talent et le génie de rassembler contre vents et marées d’autres hommes autour d’une idée pour en faire jaillir le progrès. Trente ans après, si les surfactants exogènes font maintenant partie de la prévention et du traitement de routine de la MMH, il reste cependant beaucoup à faire, que l’on pense par exemple à la mise au point de la nouvelle génération des surfactants synthétiques, l’utilisation des surfactants et les ventilations non invasives, ou encore à l’utilisation des surfactants dans d’autres pathologies respiratoires néonatales que la MMH ou dans les détresses respiratoires aiguës de l’enfant et de l’adulte.  

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