Publié le 28 déc 2009Lecture 5 min
La réponse immunitaire du nouveau-né en quelques exemples
J.-L. STEPHAN CHU de Saint-Étienne
La réponse immunitaire de l’enfant à un âge précoce de la vie est de mauvaise qualité. Fonction humorale médiocre en termes d’anticorps synthétisés et de durée d’action, inhibée éventuellement par les anticorps maternels, cytotoxicité et production d’interféron gamma limitée, sont autant d’obstacles à la pratique de la vaccination du très jeune enfant.
Les nouveau-nés sont protégés par transmission passive d’anticorps d’origine maternelle. La combinaison de l’immaturité du système immunitaire et le caractère temporaire de la protection maternelle constituent une fenêtre d’opportunité pour les infections : ni le taux d’anticorps maternels, ni la production endogène d’anticorps ne sont suffisamment importants pendant cette période « d’opportunité » pour prévenir les infections. Transfert passif des IgG et IgE maternelles Le transfert passif d’anticorps maternels se produit via le placenta après le 1er trimestre de la grossesse jusqu’au terme, mais essentiellement après la 32e semaine et concerne surtout les IgG d’isotype IgG 1. Le transfert est modifié par le paludisme, l’infection VIH qui modifie l’intégrité du placenta et la quantité d’immunoglobines maternelles circulantes par un effet de compétition vis-à-vis des récepteurs aux immunoglobulines sur les récepteurs FcRn (neonatal Fc receptor) exprimés par le syncitiotrophoblaste placentaire. Le transport des immunoglobulines d’origine maternelle dépend des isotypes : les IgG 1 et les IgG 4 sont transférées de façon plus efficiente au foetus que les IgG 2 ou les IgG 3. Bien que les cellules du placenta régulent l’isotype, la quantité et le timing du transfert des anticorps, ce dernier dépend de la quantité d’anticorps circulants chez la femme enceinte. La modification de ce taux ou l’administration d’immunoglobulines à la femme enceinte modifie directement l’acquisition des anticorps chez le foetus. Ces anticorps ne jouent pas simplement un rôle passif dans l’immunité du nouveau-né, ils « dirigent » également le développement de son système immunitaire. À la naissance, le taux d’IgG du nourrisson est un peu plus élevé que celui de sa mère. Cela lui confère une protection temporaire puisque la demi-vie des immunoglobulines d’origine maternelle chez l’enfant est approximativement de 30 à 50 jours. Puis, le taux d’IgG décline, et, pratiquement la moitié des immunoglobulines maternelles ont disparu après 3 mois. Le système digestif foetal exprime des récepteurs aux immunoglobulines IgE après 16 semaines de gestation, et le liquide amniotique contient des IgE intactes, qui sont probablement dérivées de la circulation maternelle. Ainsi, les IgE maternelles peuvent être acquises par le foetus par l’ingestion de liquide amniotique, mécanisme probablement ancien pour protéger l’enfant des infections parasitaires dans des régions endémiques. Par ailleurs, l’interaction des IgG maternelles et des IgE peut moduler l’auto-immunité néonatale. Le taux d’IgE à la naissance est corrélé au risque de développer une maladie atopique, mais la protection de l’atopie est vérifiée chez les nouveaunés qui présentent des anticorps IgG anti-IgE en provenance de la circulation maternelle. Transfert d’immunoglobulines via l’allaitement maternel Pour augmenter le répertoire des immunoglobulines, le nouveauné reçoit aussi des anticorps maternels par le biais de l’ingestion de lait maternel, qui procure des quantités substantielles d’IgA, d’IgM et de sous-classes d’IgG. Le colostrum contient des titres élevés d’IgA, probablement pour favoriser une immunité muqueuse. Le passage gastrointestinal du lait maternel n’entraîne pas de protéolyse des immunoglobulines. Les IgA anti- Escherichia coli, acquises via le colostrum, peuvent être trouvées intactes dans les matières fécales des enfants nourris au sein. Les immunoglobulines contenues dans le lait peuvent être transférées dans la circulation néonatale. Les cellules intestinales humaines expriment les FcRn, ce qui suggère un mécanisme pour l’acquisition d’IgG à partir de source gastro- intestinale. Ces anticorps n’ont pas toujours un rôle physiologique et peuvent conduire à une maladie foetale néonatale ou à une pathologie auto-immune. Chez le très jeune enfant, les IgG produites en réponse à la plupart des antigènes T-dépendants, lors d’infections naturelles ou de la vaccination, déclinent rapidement pour disparaître. Dans un modèle de vaccination chez la souris et de transfert adoptif, C.A. Siegrist et coll. (Genève) ont montré que le pool des plasmoblastes après immunisation ne peut s’établir au contact de la moelle osseuse et des cellules stromales, tandis qu’un stroma adulte permet l’établissement de ces cellules synthétisant les anticorps. Réponse antipolysaccharidique aux anticorps Les antigènes polysaccharidiques sont utilisés pour fabriquer les vaccins élaborés à partir des composantes des capsules des différentes souches pathogènes contre lesquelles le vaccin doit agir. Les antigènes polysaccharidiques des capsules de pathogènes tels que Streptococcus pneumoniæ, Hæmophilus influenzæ de type b (Hib) ou Neisseria meningitidis, sont capables d’activer les lymphocytes B, CD5 + et les populations B de la zone marginale de la rate (« B mémoires naturels ») en l’absence de lymphocytes T (antigènes Tindépendants). Mais les très jeunes enfants ne répondent pas aux vaccins polysaccharidiques (très faibles taux d’IgG 2, immaturité splénique notamment). L’utilisation de vaccins polysaccharidiques (PS) conjugués à une protéine telle que l’anatoxine tétanique permet de contourner ces difficultés. Le vaccin conjugué Hib, très efficace, a permis aujourd’hui l’éradication des méningites à Hib chez le nourrisson. Le vaccin heptavalent antipneumoccique et antiméningocoque utilise la même stratégie.
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