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Comportement

Publié le 09 oct 2008Lecture 10 min

La précocité intellectuelle, faut-il en faire une maladie ? L’enfant précoce : un enfant pas tout à fait comme les autres

O. REVOL*, C. LASSALLE°, A. HENRY°, M.-C. ASTIER*, A. BERTHIER* * Psychiatres, ° pédiatres - HCL, Hôpital neurologique Pinel, Lyon

Quelle que soit sa dénomination, l’enfant à haut potentiel intellectuel (HPI) va rapidement s’imposer comme un enfant différent, avec ses points forts et ses points faibles. Une bonne compréhension de son profil spécifique  permet d’anticiper la survenue de difficultés scolaires, familiales ou sociales. La majorité des troubles sont liés au décalage. Théorisé par Terrassier sous le terme de « dyssynchronie », ce décalage affecte l’enfant dans tous les domaines de son développement (intellectuel versus affectif, verbal versus moteur…) et dans les relations avec ses pairs.

 
« Il me fallut longtemps pour comprendre d’où il venait ; ce petit prince qui me posait beaucoup de questions ne semblait jamais entendre les miennes… » (Le Petit Prince, Saint-Exupery) La précocité intellectuelle est définie par des compétences intellectuelles supérieures à celles des enfants de la même classe d’âge, objectivées par un quotient intellectuel (QI) supérieur à 130. Les caractéristiques de  l’enfant dit « précoce » ne se  limitent pas à cette notion quantitative. Le terme même d’enfant intellectuellement précoce, longtemps privilégié par la littérature francophone, est sujet à discussion. Il laisse entendre que, à  l’instar du développement  staturopondéral, l’avance intellectuelle s’atténue avec le temps, ce que contredisent les études récentes. Si les auteurs anglophones lui préfèrent logiquement celui de gifted (« doué »), insistant sur la notion de « don », un consensus semble se dégager  en Europe autour de la notion d’enfant à haut potentiel intellectuel (HPI).   Un enfant en décalage Nous aborderons les différences des enfants HPI en suivant un ordre chronologique. Nous distinguerons les comportements particuliers des nourrissons précoces, les difficultés qui peuvent apparaître lors de l’entrée à l’école, puis celles qui vont jalonner toute la scolarité, jusqu’au profil spécifique des adolescents précoces.   Un nourrisson particulièrement éveillé Dès la naissance, le nouveau-né peut montrer des aptitudes particulières. Les parents décrivent une extrême curiosité, une très grande sensibilité, un besoin constant de communiquer, une hypervigilance qui se manifeste par un regard sans cesse en mouvement. Les réactions du bébé sont volontiers excessives, avec une insomnie d’endormissement quasi pathognomonique. L’ensemble du comportement de l’enfant semble préfigurer le besoin incessant de contrôle et de maîtrise qui l’accompagnera d’ailleurs tout au long de sa vie.   Une petite enfance accélérée L’acquisition du langage est souvent précoce (les premiers mots peuvent précéder les premiers pas), et permet à l’enfant d’exprimer rapidement ses exigences, son refus des contraintes et son intolérance aux frustrations. Cette tendance à argumenter peut être rapidement déstabilisante pour de jeunes parents. L’entrée en maternelle, très attendue, peut être rapidement décevante pour un enfant qui ne retrouvera pas chez ses camarades la même aisance verbale, ni les mêmes centres d’intérêt. Ses passions pour la paléontologie, les planètes ou l’Égypte ancienne risquent de laisser l’enfant doué sur sa faim et de commencer à le marginaliser. L’école qui ne nourrit pas suffisamment sa soif de savoir et surtout de tout comprendre (les limites et l’origine de la vie, de l’espace, etc.), devient vite ennuyeuse. L’un des problèmes majeurs que rencontre l’enfant intelligent est la difficulté à accepter l’ennui. L’effet « loupe » de l’avance intellectuelle est responsable de questionnements anxieux particulièrement envahissants lorsque l’espace psychique est trop disponible, c’est-à-dire pas assez stimulé. Ainsi, dès l’âge de 3 ans, un motif fréquent de consultation est le refus de se rendre à l’école, d’accepter la séparation d’avec sa mère, et la journée de maternelle risque d’être gâchée par les pleurs. Attribués à tort à l’immaturité, ces comportements disparaissent le plus souvent après un saut de classe ou une adaptation de l’enseignant. Ses passions  pour la paléontologie,  les planètes  ou l’Égypte ancienne risquent de laisser l’enfant doué  sur sa faim  et de commencer  à le marginaliser. Parallèlement, les parents sont souvent désemparés face aux questionnements incessants et à l’argumentation quasi systématique qui mettent à mal leurs principes éducatifs. C’est pourtant à cette période qu’un certain nombre de règles simples, que nous aborderons par la suite, permettent d’éviter l’enkystement des difficultés.   Petits enfants, petits soucis ! L’entrée en primaire s’accompagne d’autres complications, en particulier lorsque l’enfant HPI rencontre des difficultés graphiques. S’il a acquis la lecture le plus souvent seul et aisément, il n’en va pas de même pour l’écriture. Le geste graphique n’est pas aussi rapide que la pensée, surtout chez les garçons, ce qui est particulièrement frustrant pour un enfant habitué jusque-là à des acquisitions faciles et gratifiantes. La tentation de désinvestir son point faible est compréhensible. Si l’enseignant perçoit cette sensibilité et qu’il privilégie l’oral, le retentissement sera mineur et le CP se passera sans encombre. À l’inverse, un excès d’insistance sur l’écrit pourrait conduire à un blocage et à un évitement scolaire. L’entrée en primaire s’accompagne assez souvent de difficultés graphiques. À cette période, les relations sociales ne sont pas forcément simples. Mal compris par ses camarades, l’enfant risque de s’isoler, de préférer la compagnie des adultes, et ce d’autant plus que ses compétences psychomotrices souvent en retrait ne facilitent pas l’intégration dans la cour de récréation. C’est en général à la fin du primaire que l’enfant commence à ressentir sa différence, parfois illustrée par des propos éloquents  (« J’ai l’impression d’être un mutant »).   Une adolescence précoce et ultrasensible L’adolescence est certainement la période la plus compliquée. Le besoin de maîtrise de l’enfant HPI s’accommode mal des modifications corporelles, cognitives et affectives qu’il doit subir passivement. Dans le même temps, il revendique de plus en plus fort l’accès à l’autonomie vis-à-vis de ses parents, mais sans pouvoir bénéficier de l’étayage d’un groupe social qui a tendance à le rejeter. Confiné dans un no man’s land inquiétant, plus que jamais décalé, le jeune surdoué évoque volontiers son désenchantement, qui ressemble au spleen décrit par les auteurs romantiques (« À quoi bon ? »). Il est frappant de constater que les manifestations adolescentes (opposition, refus des consignes et les contraintes, variabilité de l’humeur, etc.) surviennent bien avant les transformations pubertaires. Dès 8 ou 9 ans, le petit surdoué adopte des comportements « adolescents » qui achèvent de désemparer son entourage. La classe de cinquième est classiquement la plus difficile, en tout cas celle où le décalage est le plus frappant. C’est à cet instant que des conseils sont souvent nécessaires pour éviter les malentendus. Dès 8 ou 9 ans, le petit surdoué adopte  des comportements  « adolescents »  qui achèvent  de désemparer son entourage.   Profils différents, éducation différente ? L’enfant HPI désempare parents et éducateurs. Son profil particulier réclame des aménagements éducatifs et surtout pédagogiques. Pourtant, le challenge est le même que pour les enfants standards : parvenir à l’autonomie, pas trop vite, juste à temps, sans souffrances... Les adaptations familiales et scolaires doivent répondre à des enjeux différents.   À la maison Premiers témoins de la précocité, les parents sont rapidement débordés, surtout s’il s’agit de l’aîné. Mi-fascinés, mi-agacés, ils risquent d’en oublier leurs principes éducatifs. Il importe de leur rappeler rapidement cet adage : « Les enfants surdoués sont des enfants pas tout à fait comme les autres, mais comme les autres, ce sont des enfants... » Et nous pouvons même ajouter : « Et plus encore que les autres, ils ont besoin de cadres et de limites... » Car l’extrême sensibilité, les grandes capacités d’empathie (sentir ce que l’autre ressent) et la vivacité sont une source d’anxiété massive que seul un cadre ferme et bienveillant peut contenir. Des conseils simples permettent d’éviter les malentendus et de prévenir les futurs conflits : pas d’argumentation (même si cela paraît dommage), pas de négociations (même s’il en a les compétences). Juste des règles de vie clairement définies, avec un rythme structuré (sommeil, alimentation... ), qui rassurent les enfants, en particulier les plus vulnérables (« des parents rassurés, c’est rassurant »). Évoquer la métaphore « végétale » de la précocité et les dégâts potentiels pour le fruit à venir d’une floraison trop rapide, avant les premières gelées, permet d’imaginer le risque que représentent les premières déconvenues (familiales, scolaires, humaines ...), à un âge où la maturité psychique se situe en deçà de l’âge civil et intellectuel. Plus encore que les autres, ils ont besoin de cadres et de limites... À l’école La reconnaissance de la différence est essentielle et doit déboucher impérativement sur des aménagements, qui sont d’ailleurs reconnus depuis peu par l’Éducation nationale. Les enfants HPI sont identifiés comme ayant des besoins spécifiques, au même titre que les enfants dyslexiques ou hyperactifs. Différentes mesures ayant fait la preuve de leur efficacité aux États-Unis peuvent être proposées (compactage, différenciation, approfondissement, etc.). Si l’école idéale reste celle de son village ou de son quartier (pour qu’il conserve des camarades de proximité), le recours à des classes différenciées se pose lorsque l’enfant est en souffrance ou en échec. Certains collèges sensibilisés à la précocité proposent des dispositifs adaptés, avec possibilité d’internat, particulièrement bienvenu en cas de crise familiale. Les parents peuvent s’adresser aux associations de parents d’enfants HPI pour connaître les établissements les plus proches de leur domicile. Le recours à des classes différenciées se pose lorsque l’enfant est en souffrance ou en échec. Conclusion L’enfant précoce n’est ni mieux ni moins bien que les autres. Il est juste différent. On doit tenir compte de ses besoins spécifiques, à la fois sur le plan intellectuel, mais aussi sur le plan affectif. Le recours à une aide psychologique n’est indiqué qu’en cas de souffrance de l’enfant ou de l’entourage. La plupart des enfants HPI vont bien, surtout s’ils ont été rapidement repérés et compris. Pas de quoi en faire une maladie ! Il suffit souvent de leur laisser le temps…         L’enfant à haut potentiel intellectuel dans tous ses états • Poins forts – langage précoce – fulgurance de la pensée – humour – mémoire vive – intuition – empathie • Points faibles – difficultés psychomotrices et graphiques – refus des consignes et des contraintes – faible tolérance à l’échec – hypersensibilité – anxiété Adresses utiles • AFEP Association Française pour les Enfants Précoces 13, bis rue Albert-Joly  78110 Le Vésinet Tél. : 01 34 80 03 90 www.afep.asso.fr • ANPEIP Association Nationale Pour les Enfants Intellectuellement Précoces 7, rue de Providence  06300 Nice Tél. : 04 93 92 10 53 www.anpeip.org • AE-HPI Association pour l’épanouissement des Enfants à Haut Potentiel Intellectuel BP 35  78172 La Celle-Saint-Cloud cedex  Tél. : 01 30 82 49 23 www.ae-hpi.com                             

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