publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Pédiatrie générale

Publié le 02 nov 2008Lecture 10 min

L’enfant trop maigre

C. MAURAGE, CHU Hôpital Clocheville, Tours

Paradoxalement alors que le problème de surpoids est devenu un problème de santé publique numéro un, le médecin pédiatre reste très sollicité pour donner un avis sur un aspect de maigreur qui, le plus souvent, ne débouche que sur de la réassurance. Est-on obnubilé par le risque de méconnaître une pathologie organique et de se le voir reprocher, ou de trop laisser évoluer une anorexie ? Finalement être maigre dans un monde de gros deviendrait-il encore moins tolérable ? Ne dit-on pas d’un enfant trop gros qu’il se porte bien ?

 
Définition du handicap Les insuffisances pondérales sont un des motifs fréquents de consultation pédiatrique et l’inquiétude familiale ou médicale n’est proportionnelle ni au degré de maigreur ni à l’IMC des parents. Le plus souvent, on va consulter pour un enfant dont le poids est voisin de – 2 DS, parfois pour une cassure de courbe de poids, plus rarement pour des signes de dénutrition. Savoir qui s’inquiète — la mère, l’entourage familial, la crèche, le médecin, voire l’enfant quand il est plus âgé ? — et l’indiquer dans le carnet est fondamental. Avant toute réflexion et au décours de l’examen à la recherche de signes de maigreur et d’amaigrissement (fonte des réserves visibles aux racines des membres et à l’abdomen pour les grands ; fonte des muscles des fesses pour les petits), il convient de reconstituer la courbe de croissance en poids et en taille et d’y noter celles des parents. Il n’est pas rare alors de s’entendre répondre « à son âge j’étais comme lui […] ». Il est utile de s’enquérir de qui s’inquiète de la maigreur de l’enfant.   Le problème est-il fonction de l’âge ? OUI mais tout se nuance On est amené à répondre à l’inquiétude familiale à tout âge, mais c’est plus particulièrement à trois âges clés que le problème se pose : le nourrisson de 8 à 20 mois, l’adolescent prépubère ou débutant sa puberté, c’est-à-dire aux âges de croissance rapide, mais aussi chez l’enfant qui rentre en CP (voire ente 4 à 7 ans). Dans ce dernier cas de figure, on est à l’âge où on doit être maigre, mais actuellement, du fait du rebond précoce d’adiposité, les enfants à + 2DS apparaissent « normaux » et seront en surpoids après 7 ans. Il est facile par l’analyse des courbes de rassurer les parents et de montrer qu’une relative maigreur à cet âge est normal. Cependant, s’il est vrai qu’entre 4 et 7ans on doit être maigre, il faut reconnaître qu’être différent est parfois mal vu ou mal compris, notamment dans une famille dont l’IMC moyen est au dessus de + 2DS, ou dans une classe où l’on vous regarde comme le « pauvre » maigrichon, voire un malade. On peut rappeler, courbe à l’appui, qu’à cet âge il faut être à l’IMC le plus bas et qu’il est habituel de bien voir les côtes d’un enfant de CP. Ces enfants peuvent avoir bon appétit, on les soupçonne alors de ne pas digérer, ou au contraire de porter peu d’intérêt aux repas, ne mangeant que ce qu’ils affectionnent le plus. Un des parents, voire les deux se reconnaîtront, et la consultation pourrait se résumer à « les chiens ne font pas des chats ». C’est pourtant peut-être l’occasion d’aborder un souci intrafamilial, une réaction négative culpabilisante d’une grand-mère…, ou de s’intéresser à une autre pathologie bénigne transitoire, banale à cet âge, comme une anémie ferriprive ou des infections ORL à répétition. C’est en aidant les parents à prendre conscience que ces enfants ont une résistance et une activité normales, avec des phases de récupération après des « coups de pompe » normaux, qu’on parviendra à les rassurer et à dispenser l’enfant d’explorations inutiles, bien sûr si la croissance en taille est et reste régulière, point qu’on surveillera. C’est seulement si les signes associés se prolongent ou que la vitesse de croissance en taille ralentit qu’il conviendra de les explorer comme les enfants en croissances rapides. Si la croissance en taille est régulière, il faut rassurer les parents et dispenser l’enfant d’explorations inutiles.   Replacer la prise de poids dans la dynamique de la croissance et l’état général apprécié  au quotidien Avant un an, le poids est surveillé le plus souvent mensuellement, car il est un des critères de bonne santé. Les besoins, l’appétit sont variables d’un enfant à l’autre et l’examen de la croissance permet de voir si l’enfant couvre ces besoins. On ne se rend pas compte, parfois, qu’un enfant ne grossit pas ; cependant, au quotidien d’autres signes comme la vitalité, la fatigabilité et le visage ou les vêtements permettent de voir si un enfant maigrit, et surtout si d’autres aspect du comportement de l’enfant se modifient.   Un bébé peut-il être maigre sans être malade ? Dans les premiers mois le bébé grossit et grandit très vite, mais il peut arriver que sa prise de poids paraisse insuffisante, en particulier quand il est nourri au sein. Il faut se garder de le comparer aux bébés surnourris aux laits artificiels, dont ils consomment de grande quantité par plaisir d’être dans le bras ou pour le confort des succions qui calment les coliques. Si l’examen clinique et la bandelette urinaire sont normales, il faut juste encourager la mère à réveiller temporairement son bébé, et lui montrer que son enfant va bien et grandit, et qu’en 2 à 3 jours il va reprendre une courbe ascendante. Et souvenons-nous que les courbes de nourrissons au lait artificiel sont devenues trop belles, même si elles font la joie des mères, et donc des accoucheurs heureux pour leur maternité, et peut-être aussi des industriels…   Pourquoi la prise de poids ralentit-elle chez l’enfant de 8 à 20 mois ? Tout va bien, et un jour la balance déçoit, alors qu’on était habitué à voir une prise de poids qui satisfaisait tout le monde. Vers un an, les besoins se stabilisent car la croissance ralentit, tandis que l’activité et donc les dépenses augmentent. De façon physiologique, des fluctuations de croissance peuvent se voir selon l'âge, expliquées par la diversification alimentaire, l'acquisition de la marche et l'adaptation progressive de l'enfant au morphotype familial. On voit d’autant plus ces enfants en consultation qu’ils ont des signes associés : colite bénigne, petit appétit, voire néophobie, régurgitations ou plaintes somatiques comme une fatigue ou des douleurs abdominales. Une écoute de la demande et une réassurance des parents sur la normalité de l’examen et de la courbe de taille, éventuellement une réévaluation à distance permettent de régler le problème et de lever la pression de l’entourage. À cet âge, un repas est souvent une épreuve qui demande une concentration trop prolongée sur une seule activité et n’est plus toujours un « plaisir » partagé comme la mère le croit ou l’attend encore. De plus, c’est l’âge où surviennent souvent des infections intercurrentes pour lesquelles l’enfant malade va utiliser ses réserves. Reste à s’interroger sur une éventuelle trop grande fréquence de ces infections. Toutes ces questions se posent d’autant plus fréquemment que les enfants ont des antécédents périnataux et surtout un petit poids de naissance, ou qu’ils sont nés prématurés. On peut alors attendre pour explorer et surveiller la taille, l’essentiel étant de détendre l’atmosphère des repas. Les enfants hypotrophes sont très souvent adressés en consultation pédiatrique. Ces enfants qui sont sur la courbe des – 2 DS ont un développement pondéral plus lent et un moindre appétit, ce qui inquiète inéluctablement parents et professionnels. L'important est ici une croissance staturo-pondérale régulière dans un même couloir sur le long terme. Dans le cas d'un RCIU, l'absence de rattrapage à 3 ans peut faire discuter un traitement par hormone de croissance. Une erreur de poids peut parfois survenir, et il faut alors du temps pour faire admettre que l’enfant n’a pas perdu le ou les kilos que l’on l’annonçait. Parfois, la maigreur est franche et on note des signes d’amaigrissement authentifiant que ce n’est pas une erreur de poids. Si l’amaigrissement est cliniquement confirmé, il est utile de savoir qu’il existe un décalage entre la cassure organique du poids et le retentissement sur la taille, qui va de quelques semaines à quelques mois selon l'âge. La cassure de courbe de poids ne peut être considérée comme non organique sur ce critère qu'avec un recul suffisant, justifiant un suivi en consultation et un bilan de débrouillage avec dosage des transglutaminases. La tumeur diencéphalique (ou syndrome de Russel) est la seule pathologie entraînant une dénutrition majeure, mais avec une taille préservée et un éveil excellent ; il faut savoir y penser pour demander une imagerie cérébrale. Cependant, toute pathologie chronique s'accompagne d'un retentissement pondéral, mais on peut trouver des éléments d’orientation : tristesse, ballonnement et diarrhée dans la maladie cœliaque ; infection chronique et mal digestion dans la mucoviscidose ; baisse d’appétit et pertes excessives dans l’atteinte rénale, associées à des efforts physiques dans les obstructions hautes ou cardiopathies. En l'absence d'orientation, un examen clinique attentif et un bilan de débrouillage minimal permettent souvent de s'orienter de façon décisive. Toute pathologie chronique s'accompagne d'un retentissement pondéral.   De quoi manque un individu anormalement maigre ? La maigreur répond à priori à un manque de calories, mais il ne faut pas méconnaître les autres carences et savoir les chercher. Il peut exister un manque d’apports s’expliquant par des problèmes de digestion ou de malabsorption, à moins qu’il ne s’agisse d’un manque de bicarbonate, d’eau, de sel, ou plus rarement d’oxygène (hypoxie ou anomalie mitochondriale). C’est donc une analyse successive des entrées et pertes, des déséquilibres biologiques, qui permettra d’avancer dans la compréhension des causes et entreprendre une thérapeutique.   L’adolescence : un âge où l’anorexie pose le problème d’une éventuelle origine mentale Quand on est conduit à voir un ou une adolescente maigre, la première question qui se pose et qui sous-tend l’inquiétude parentale est celle de la cause : psychologique ou organique ? Là aussi, il est indispensable de regarder la courbe de croissance et son allure en replaçant le poids actuel, le stade pubertaire et la vitesse de croissance staturale. L’adolescent est-il maigre de façon régulière (maigreur familiale) ou amaigri ? Dès lors est-ce volontaire ? Dans ce cas, le reconnaît-il, s’en inquiète-t-il ou le nie-t-il ? Si l’adolescent(e) ne se voit pas maigre, il faut demander si il (elle) fait de la cuisine aux autres membres de la famille, s’il garde une activité physique intense, ce qui orienterait vers une anorexie mentale. En cas de doute on vérifiera par un bilan sanguin la NFS, le VGM, les plaquettes, la VS, qui seront alors normales, tandis qu’un taux de cholestérol paradoxalement élevé est très évocateur (par hypothyroïdie centrale). S’il existe une anomalie associée, un syndrome inflammatoire ou une anémie, ou si sa maigreur inquiète l’adolescent, « inquiétez » vous avec lui. Il faut alors chercher une explication à l’anorexie ou à des pertes anormales, dont une des premières est le syndrome inflammatoire. Les mécanismes sont souvent intriqués : anorexie et pertes digestives dans la maladie cœliaque ; inflammation, exsudation et malabsorption dans la maladie de Crohn ; surinfection respiratoire et mal digestion dans la mucoviscidose ; anorexie et douleurs de l’ulcère gastrique ; cytolyse et inflammation de l’hépatite auto-immune… En l’absence de signes biologiques et selon le contexte, il faut aussi savoir évoquer un syndrome dépressif, y compris réactionnel à une situation médico-psychosociale difficile.                         

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 8 sur 22

Vidéo sur le même thème