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Comportement

Publié le 27 nov 2008Lecture 14 min

L’adolescent agité : comment déjouer les pièges ?

G. PICHEROT*, P. DUVERGER**, L. DRENO***, G. CHAMPION**** * Clinique médicale pédiatrique et urgences pédiatriques - CHU Nantes ** Service de Pédopsychiatrie - CHU Angers *** Unité de Pédopsychiatrie universitaire - CHU Nantes **** Urgences Pédiatriques -

L’agitation est un motif d’admission aux urgences pédiatriques rare mais en constante augmentation. Il s’agit d’un symptôme non spécifique, qui doit toujours faire rechercher une étiologie organique ou une cause psychologique. L’agitation est une situation d’urgence parfois source de confusion et de pièges qui sont de plusieurs types : sous-estimation de sa fréquence, erreurs diagnostiques, inadaptation des prises en charge. Cette pathologie plutôt nouvelle pour les unités d’urgences pédiatriques impose une adaptation de l’accueil.

L' agitation est un symptôme non spécifique. Ce trouble du comportement se traduit par une perte de contrôle verbal ou moteur. L’association à la violence entraîne le recours aux urgences, plus souvent en raison de la mise en danger de l’enfant lui-même par auto-agression que celle de l’entourage. L’enfant est amené aux urgences car les structures habituelles familiales et éducatives sont dépassées. Pour les services d’urgences pédiatriques médicochirurgicales la confrontation à la violence incontrôlable des enfants est une expérience très difficile.   Premier piège : penser que cette pathologie n’existe pas L’épidémiologie de la violence des enfants aux urgences n’est pas connue de manière précise. Mackin, dans une étude réalisée sur une population d’internes en pédiatrie, signale que 91 % ont eu à affronter une situation de violence. Ils s’agissait le plus souvent de violence des parents mais aussi de violence des grands enfants et adolescents. Dans 25 % des cas, les adolescents qui ont recours aux urgences psychiatriques sont violents, mais il s’agit d’une situation très spécifique. Le développement de la violence constaté dans la vie courante a peut-être pour corollaire une augmentation des situations de violence aux urgences pédiatriques. Deux études faites aux urgences pédiatriques de Nantes et Angers semblent le confirmer, notant des augmentations nettes de ce motif d’admission. Les garçons semblent plus fréquemment en cause. L’âge moyen était de 13 ans ; 70 % des adolescents admis pour ce motif avaient déjà un suivi psychologique ; 60 % vivaient dans un foyer éducatif ; 80 % étaient calmes à l’arrivée, ne nécessitant pas de traitement médicamenteux d’urgence.   Circonstances et contexte de survenue L’agitation et la violence surviennent le plus souvent chez un enfant connu pour des troubles du comportement chronique. La crise aiguë sans antécédent est possible mais rare, et plus souvent événementielle. Un élément déclenchant peut parfois être identifié sur ce terrain : violence subie ou maltraitance, intoxication ou mauvaise tolérance médicamenteuse, séparation ou déception… On distingues deux principaux contextes de survenue d’agitation chez l’enfant ou l’adolescent suscitant une prise en charge par les urgences. Soit l’enfant vit dans sa famille, où il se sent menacé, la crainte venant d’un comportement inhabituel ou d’un risque intolérable. Soit, la demande de prise en charge vient des secteurs éducatifs pour des enfants souvent en internat en crise aiguë d’agitation ou de violence. Le conflit dans ce cadre n’est pas récent. Les éducateurs se sentent débordés ou dévalorisés et ont recours aux urgences « par manque de réponse psychiatrique ». L’agitation et la violence surviennent le plus souvent chez un enfant connu pour des troubles du comportement chronique. Pièges diagnostiques Pièges somatiques L’agitation est souvent présentée comme un piège diagnostique. L’élimination d’une étiologie somatique et toxique doit être une préoccupation constante même si l’analyse clinique fine ainsi que l’interprétation du contexte et des antécédents permettent le plus souvent d’éviter les erreurs. Le piège, chez l’enfant, est de se fixer uniquement sur les situations sociales et psychologiques. On ne doit pas perdre de vue l’accueil médicochirurgical et garder les réflexes de l’examen clinique complet et de l’évaluation des constantes. La méfiance d’une étiologie somatique sera renforcée devant : – certaines présentations cliniques : formes délirantes ou confuses ; – le jeune âge de l’enfant ; – l’existence d’une hyperthermie ; – l’absence de contexte psychosocial antérieur ; – l’existence d’anomalie de l’examen somatique. La recherche de toxiques doit être systématique chez l’adolescent admis pour agitation. « Situations somatiques » pouvant s’accompagner d’agitation incontrôlable et parfois de violence • Affections neurologiques. • Troubles métaboliques : hypoglycémie, hypernatrémie. • Hyperthermie, douleur intense peuvent aussi s’accompagner de violence ou d’agitation (vigilance sur la reconnaissance de signes douloureux chez l’enfant privé de langage par un handicap). • Certaines pathologies « malformatives » (crises d’agitation à l’adolescence) : syndrome de Smith-Magenis, syndrome d’alcoolisme foetal. • Médicaments pouvant entraîner agitation et parfois violence : psychotropes (antidépresseurs, benzodiazépines), antiépileptiques, neuroleptiques, théophylline, salbutamol, corticoïdes. • Toxiques non médicamenteux à l’origine de troubles du comportement aigus : – l’alcool entraîne une désinhibition et une agitation parfois violente ; – les stupéfiants : beaucoup peuvent entraîner des accès d’agitation. Les phases de sevrage, mais aussi les mélanges de substances peuvent s’accompagner de confusions et d’agitation ; – l’intoxication à l’oxyde de carbone. Pièges psychiatriques Il existe des pièges psychiatriques qui doivent être reconnus au même titre que les pièges somatiques.     L’agitation souvent associée à l’agressivité du jeune révèle fréquemment un état dépressif. Plus l’enfant est jeune, plus la dépression peut se présenter sous la forme d’un état d’agitation, parfois pseudomaniaque avec une instabilité et une fluctuation de l’humeur.   Elle survient souvent dans un contexte de carences éducatives plus ou moins connues, avec des troubles des conduites repérées.   Elle révèle parfois un contexte suicidaire, non révélé par le jeune, soit parce que les conséquences de son passage à l’acte sont minimes (blessure superficielle ou dose médicamenteuse absorbée très faible, non toxique), soit parce que les parents ne souhaitent pas aborder les conflits et difficultés.   Elle peut aussi accompagner une situation de maltraitance ou de sévices sexuels ou masqués et indicibles, occultés et impensables.   L’agitation et les manifestations réactionnelles (séparation, contexte d’adoption) peuvent être associées aux pathologies névrotiques (phobiques, obsessionnelles).   L’agitation et les troubles de la personnalité sont parfois liés à des processus psychotiques. L’agitation souvent associée à l’agressivité du jeune révèle fréquemment un état dépressif. L’ensemble de ces situations rappelle que les pièges tant somatiques que psychiatriques tendus aux urgences sont multiples. Des réponses précoces, rapides, simples et crédibles sont nécessaires. Elles doivent s’inscrire dans la continuité des soins et dans un dispositif pensé et fonctionnel, afin d’éviter les courts-circuits et les raccourcis si fréquents dans le temps de l’urgence. Il y a danger à répondre aux passages à l’acte des adolescents par des passages à l’acte des soignants. L’agitation chez l’enfant et l’adolescent est le plus souvent relationnelle, c’est-à-dire dépendant de l’attitude de l’entourage. Or, l’agitation induit toujours des sentiments de dangerosité et d’angoisse chez l’entourage (lesquels, en retour peuvent majorer l’agitation du jeune). Ainsi, il s’agit de viser un apaisement, non un silence. Une liberté, non une contention. Un projet de soin, non une anesthésie. L’agitation est toujours le signe d’une détresse qu’il s’agit de décoder. La formation des équipes est indispensable. Il y a danger à répondre aux passages à l’acte des adolescents par des passages à l’acte des soignants. Prise en charge de l’agitation Examen clinique et examens complémentaires L’approche clinique de l’enfant est souvent difficile dans un climat d’excitation et d’angoisse. L’entretien avec la famille permet de repérer les circonstances de déclenchement, l’histoire récente et le passé de l’enfant. L’examen clinique avec appréciation des constantes vitales ne doit pas être oublié, mais il dépend de la possibilité de contact avec l’enfant. L’approche clinique permet le plus souvent d’évoquer une étiologie organique. Les examens complémentaires sont parfois nécessaires. Leur pratique est difficile et, souvent, aggrave l’état de l’enfant. Certains ne seront possibles qu’après sédation. En aucun cas, ils ne seront pratiqués sans analyse de l’anamnèse et de la clinique. La liste des examens complémentaires possibles et parfois nécessaires est peu différente chez l’enfant et chez l’adulte : bilan métabolique simple (glycémie, ionogramme sanguin, amoniémie), recherche de toxiques, alcoolémie, électroencéphalogramme (rarement possible en urgence), tomodensitométrie (après sédation).   Les pièges de la prise en charge : les spécificités pédiatriques « Ce sont des enfants » devrait être la principale affirmation pour éviter les pièges d’une prise en charge mal adaptée. Le risque de surenchère de violence en miroir doit être maîtrisé.   Prise en charge non médicamenteuse Apaiser et contenir est souvent possible chez l’enfant sans recours médicamenteux. On exige auprès des référents de connaître l’histoire de l’enfant avant de le rencontrer (hétéro-anamnèse). Le but de la prise en charge est de surprendre par le calme de l’accueil, d’éviter les menaces, les épreuves de force, la spirale de la surenchère de la violence. Il est parfois souhaitable de proposer une activité sédative : jeu calme, repas… En dehors des rares cas de violences incoercibles, l’entretien s’effectue avec un ou deux interlocuteurs. Ces derniers se présentent et s’adressent à l’enfant en personnalisant le plus possible la relation, mais sans familiarité. Avant de rencontrer l’enfant, son histoire doit être exigée auprès des référents. Si l’enfant est hospitalisé, les intervenants initiaux poursuivent généralement la prise en charge. L’existence de service de pédopsychiatrie de liaison rend souvent possible une intervention psychologique précoce qui accompagne la démarche somatique, mais la prise en charge est avant tout globale. « Tout patient agité relève initialement d'une prise en charge médicale, elle sera dans un second temps et fonction du contexte, social, psychiatrique ou organique » (SFMU 2007). Tout doit être fait pour ne pas produire de discontinuité dans le séjour hospitalier. Dans la plupart des cas, l’enfant se calme après la mise en oeuvre de cette démarche. La contention physique prolongée n’a pas d’indication pédiatrique et elle est risquée. Le recours à une chambre d’isolement psychiatrique est exceptionnel. Les parents ou les accompagnants son également pris en charge et souvent associés à la démarche d’accueil. Il est souvent difficile en urgence d’évaluer l’importance des circonstances déclenchantes « d’environnement » ; le temps d’hospitalisation est utile et nécessaire pour faire le point et calmer l’entourage.     Thérapeutiques médicamenteuses en urgence Elles comportent également des pièges. La prescription médicamenteuse peut-être utile lorsque l’agitation est incoercible ou pour prolonger la période de calme. Elle ne doit pas être systématique. A l’inverse, il est nécessaire de ne pas prolonger ces situations douloureuses pour l’enfant et son entourage, potentiellement dangereuses pour l’enfant et les soignants. Rappelons qu’aucune thérapeutique médicamenteuse n’a fait l’objet d’étude contrôlée dans l’agitation aiguë de l’enfant. La prescription est une première étape pour pouvoir de nouveau entrer en communication avec l’enfant. Les médicaments utilisables sont souvent issus de protocoles de sédation associés à l’analgésie. Le sédatif idéal, qui n’existe pas, devrait être d’action rapide, sans effet secondaire important, d’administration simple, de durée d’action courte, utilisable en dehors du contexte de réanimation ou de soins intensifs, adapté à l’enfant et bien connu des utilisateurs. Les deux famille thérapeutiques adaptées sont les benzodiazépines et les neuroleptiques.     Les benzodiazépines ont la préférence de certaines équipes d’urgence. Le midazolam (Hypnovel®) a été utilisé chez l’enfant par voie rectale, orale ou nasale. La dose rectale utilisée est de 0,2 à 0,4 mg/kg jusqu’à 5 mg dans cette indication. La posologie nasale pourrait être la même sans essai dans cette pathologie chez l’enfant. Une surveillance monitorée de 3 à 6 heures est nécessaire. Les effets adverses importants type, apnée, désaturation, bradycardie sont rares. Des effets d’agitation paradoxale sont décrits chez l’enfant comme pour toutes les benzodiazépines. Le midazolam entraîne une amnésie partielle des faits. D’autres diazépines sont utilisables et bien connues des pédiatres : diazépam (Valium®) ou clonazépam (Rivotril®).     Les neuroleptiques sédatifs sont très utiles. La cyamémazine (Tercian®) est utilisable par voie orale à la dose d’1 mg/kg, éventuellement renouvelable. Elle est aussi utilisable par voie intramusculaire à la dose de 25 mg pour les adolescents. L’AMM existe dans cette indication chez l’enfant de plus de 6 ans. Parmi les neuroleptiques « atypiques », la loxapine (Loxapac®) est parfois employée par voie intramusculaire hors AMM chez le grand enfant ou l’adolescent à la dose de 25 mg. La surveillance des enfants après administration des neuroleptiques injectables doit être hospitalière pendant une durée minimum de 12 heures. Les effets secondaires sont semblables à ceux de l’adulte. Dans l’administration urgente et transitoire, les effets les plus fréquents sont végétatifs : hypotension, tachycardie. Les phénomènes extrapyramidaux semblent plus fréquents chez l’enfant, en particulier avec la loxapine. Le risque épileptogène existe. Les contre-indications somatiques doivent être rigoureusement respectées (glaucome, insuffisance hépatique). Le problème des interactions médicamenteuses est moins fréquent que chez l’adulte, mais doit être vérifié. Comme chez l’adulte, le risque de malaise cardiaque ou de décès par trouble du rythme existe. Ce risque est plus important avec les neuroleptiques classiques et moins important, voire inexistant, avec les nouveaux neuroleptiques (« atypiques »).     Les antihistaminiques constituent le troisième groupe utilisable. Ils sont très conseillés dans le consensus nord-américain. L’hydroxyzine (Atarax®) à la dose de 1 mg/kg est un sédatif sans effet secondaire important, en dehors parfois d’un effet parodoxal, comme pour les benzodiazépines.   Les suites… L’hospitalisation est pour nous toujours nécessaire. Elle permet de surveiller l’enfant (rythme cardiaque, saturation, rythme respiratoire, tension artérielle), notamment s’il a été nécessaire d’utiliser des médicaments sédatifs. L’enfant doit être protégé des risques de récidive, de chute (s’il est sédaté), de fugue ou d’automutilation. L’hospitalisation s’effectue le plus souvent dans un service de pédiatrie. Les évaluations somatique, psychique, sociale seront alors poursuivies et un relais sera organisé. Ce temps permet une « rupture relative » du milieu habituel. Une hospitalisation en milieu pédopsychiatrique peut être nécessaire : sédation incomplète ; indication d’hospitalisation sécurisée en milieu fermé suivant l’évaluation du risque ; enfant ou adolescent porteur d’une pathologie psychiatrique lourde. Les possibilités d’hospitalisation en urgence en milieu pédopsychiatrique sont souvent très limitées. Au décours d’une hospitalisation, un travail psychologique nous paraît nécessaire avec l’équipe pédiatrique. Les violences importantes des enfants et des adolescents sont peu fréquentes dans les services d’urgences pédiatriques et les scènes peuvent être culpabilisantes pour les équipes.   Des axes préventifs… Il est souhaitable de préparer l’accueil des enfants et des adolescents adressés pour le motif d’agitation et de violence. La demande du dossier ou d’une anamnèse avant l’admission améliore la connaissance de l’enfant. La préparation et la formation des équipes à cet événement sont indispensables. Il faut tenter de mettre en place des liens personnalisés avec l’enfant ou l’adolescent dès l’admission pour éviter la transformation d’un conflit en violence. Le travail en amont paraissait difficile. Il a été pourtant initié dans quelques départements devant l’augmentation inquiétante de ce recours à l’urgence. Des groupes de réflexion ont été créés parfois à l’initiative des Maisons des Adolescents (Loire-Atlantique). Ce travail devrait permettre d’organiser une réponse plus cohérente aux situations de crises et surtout d’éviter les ruptures et les conflits d’équipes autour des demandes d’hospitalisation.   Méfiance de pièges somatiques devant • Présentations cliniques : formes délirantes ou confuses • Le jeune âge de l’enfant • L’existence d’une hyperthermie • L’absence de contexte psychosocial antérieur • L’existence d’anomalie de l’examen somatique

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