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Pédiatrie générale

Publié le 06 mai 2008Lecture 6 min

Intoxications médicamenteuses chez l’enfant : les règles de conduites

L. CHEVRET, Unité de Réanimation Pédiatrique, CHU Bicêtre

Les intoxications restent un problème fréquent en pédiatrie, constituant la deuxième cause d'accident (4,6 %), après les traumatismes (64,6 %). Les intoxications de l'enfant ont un pronostic globalement moins sévère que les intoxications de l'adulte, mais il convient de repérer rapidement les rares cas graves par l'interrogatoire et l'examen clinique.

Pour la plupart des substances, la mortalité par intoxication est actuellement très faible (inférieure à 1 %). Le plus souvent, une observation d’une durée de 6 à 12 h permet d’avoir un recul suffisant pour déterminer la gravité réelle de l’intoxication et les problèmes sont résolus dans les 24 h suivant l’exposition au toxique. Il faut cependant garder en tête que l’intoxication est un processus dynamique, entraînant parfois une symptomatologie retardée (ex. paracétamol). Épidémiologie Il n’existe pas de registre français exhaustif de recueil des intoxications médicamenteuses chez l’enfant. La distribution de ces intoxications se fait selon une répartition bimodale. Les deux pics de fréquence, 36 mois et 14 ans, correspondent respectivement à deux modes différents : ingestion accidentelle et volontaire. La prédominance est masculine en cas d’ingestion accidentelle, féminine en cas d’ingestion volontaire. L’intoxication est volontiers polymédicamenteuse en cas d’ingestion volontaire. Les principaux médicaments responsables d’intoxications graves sont ceux ayant une action sur le système nerveux central (sédatifs, hypnotiques, anticonvulsivants, antidépresseurs, morphiniques…). Seuls  0,5 à 2 % des intoxications médicamenteuses nécessitent une prise en charge en unité de réanimation pédiatrique. Les médicaments le plus souvent associés à la survenue d’un décès sont : les antidépresseurs tricycliques, les anticonvulsivants, les analgésiques et les médicaments à base de fer. Il est important aussi de bien connaître certaines intoxications rares mais potentiellement létales à faible dose chez l’enfant (tableau I). Quelques nouveaux toxiques ont émergé, notamment la buprénorphine, la méthadone, et  l’ecstasy.   Tableau 1.  Produits hautement toxiques  ß-bloquants  Clonidine  Digoxine  Inhibiteurs calciques  Isoniazide  Isopropanol  Salicylés  Sulfamides hypoglycémiants  Tricycliques     Diagnostic     Reconnaître l’intoxication n’est pas toujours facile, excepté si elle a été avouée ou observée par un tiers. Il faut de toute façon l’évoquer devant tout symptôme inexpliqué d’apparition brutale. On recherchera les critères de gravité que sont la présence d’une défaillance cardiocirculatoire, respiratoire ou neurologique ou la dangerosité potentielle du toxique. Le diagnostic d’intoxication doit être évoqué devant tout symptôme inexpliqué d’apparition brutale. • Interrogatoire de l’enfant et/ou de l’entourage Il essaie de recueillir les informations essentielles : – nature du ou des toxiques (toujours penser à l’intoxication polymédicamenteuse) ; – quantité de toxique incriminée, en considérant la dose maximale ; – heure de l’intoxication ; – dernier repas de l’enfant ; – présence de symptômes ; – mesures adoptées par les parents ou l’entourage ; – âge et poids de l’enfant ; – antécédents, en particulier cardiovasculaires ou neurologiques. • Examen clinique Il faut rapidement évaluer la situation clinique et apprécier l’état des fonctions vitales à la recherche d’une défaillance cardiocirculatoire (FC, pression artérielle, temps de recoloration cutané, diurèse), respiratoire (FR, régularité, cyanose) ou neurologique (conscience, tonus, pupilles). Il faut, par ailleurs, évaluer l’état de la bouche, l’état cutané et la température. Enfin la recherche de toxidromes (ou syndromes d’origine toxique) est intéressante, car ils représentent un ensemble de symptômes cliniques et/ou biologiques évocateurs d’une pathologie toxique (tableau 2).     • Examens complémentaires L'analyse toxicologique permet d'identifier et/ou doser le toxique ingéré afin de confirmer ou non l’hypothèse toxique, et parfois d’évaluer la gravité et de surveiller l'efficacité du traitement (en cas de relation dose-effet). Cette recherche doit être orientée et non pas exhaustive pour chaque patient. Le sang est le milieu de choix pour la recherche de toxiques. L’analyse des urines est parfois intéressante pour les médicaments ou les substances illicites, dont l’élimination sanguine est rapide en raison d’une demi-vie brève et/ou d’une forte fixation tissulaire. D’autres examens complémentaires sont utiles en fonction du toxique incriminé : radiographie pulmonaire, ECG, hémogramme, gaz du sang, bilan hépatique, ionogramme, etc. Prise en charge   Figure 1. Conduite pratique devant une intoxication de l'enfant             Symptomatique C’est la première ligne du traitement et souvent la seule prise en charge nécessaire. La rapidité de correction des détresses vitales conditionne le pronostic. Les troubles du rythme ventriculaire liés à un effet stabilisant de membrane, situation rare mais grave, seront rapidement corrigés par du lactate molaire  ou du bicarbonate de sodium 84 ‰ (+ 2g/l de Kcl) en perfusion.    Prévention de l’absorption : place de l’épuration digestive Lors d’une intoxication par ingestion, l’évacuation du toxique est toujours envisagée. En ce qui concerne les techniques d’épuration digestive, les recommandations sont précises : – au préalable, protection des voies aériennes en cas de troubles de conscience ; – il n’y a aucune preuve que les vomissements provoqués (sirop d’ipéca, apomorphine IM), apportent un bénéfice clinique. Ces procédures doivent être abandonnées. Les techniques de vomissements provoqués doivent être abandonnées. – Lavage gastrique : il doit être uniquement discuté en cas d’ingestion depuis moins d’une heure d’une quantité de toxique susceptible d’engager le pronostic vital, en tenant compte des contre-indications liées au produit (corrosif, produit volatile ou moussant). – Charbon de bois activé : administré en dose unique (1 g/kg) ou en doses multiples. Il peut être envisagé lorsqu’il suit depuis moins d’une heure l’ingestion de quantités toxiques d’une substance carbo-adsorbable. Passé ce délai, aucune donnée ne permet de confirmer ni d’infirmer l’efficacité du charbon de bois activé. L’administration de doses multiples peut être envisagée après l’ingestion de quantités de carbama-zépine, de dapsone, de phénobarbital, de quinine ou de théophylline susceptibles d’engager le pronostic vital.   Antidotes La plupart des intoxications aiguës ne nécessitent qu’un traitement symptomatique mais pour certaines, il existe des antidotes indispensables à utiliser (tableau 3).     Conclusion Les techniques d’évacuation digestive et l’utilisation d’antidotes sont recommandées dans des circonstances bien précises en complément du traitement symptomatique. La grande diversité de toxiques oblige à s’entourer de conseils auprès des CAP (tableau 4), des réanimateurs, et de posséder un ouvrage simple et complet (cf. bibliographie). De par la fréquence encore trop élevée de ces accidents, la nécessité de développer des mesures préventives et d’éduquer les familles demeure plus que jamais une priorité.       

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