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Pédiatrie générale

Publié le 02 jan 2012Lecture 9 min

Difficultés de la prise en charge des adolescents

S.NATHANSON, Hôpital A.Mignot, Le chesnay
La prise en charge médicale des adolescents peut poser de nombreux problèmes comme celui de la mise en route, de l’observance et du suivi d’un traitement. La qualité de la relation triangulaire adolescent-parents-médecin est au coeur de ce problème. Une table ronde intitulée « Refus de soin de l’adolescent : comment gérer ? », organisée dans le cadre du congrès de la SFP, s’est intéressée à cette problématique.
Comment aider l’adolescent à consentir aux soins ?1 La relation de soins est d’abord une relation de confiance dans laquelle le médecin doit faire confiance à son patient. Celui-ci doit comprendre la demande de soins et la respecter, or cela n’est pas toujours simple car les adolescents ne savent pas bien situer leur plainte. Des plaintes somatiques peuvent être d’origine psychique ou bien la localisation d’une plainte peut être farfelue. Dans cette relation, la première rencontre est primordiale. Il faudra montrer respect et intérêt pour l’adolescent, faire attention à la confidentialité et trouver la bonne distance. Concernant l’adhérence aux soins, il est important de savoir que 30 à 50 % des patients à l’adolescence ne respectent pas les prescriptions. Plus la durée du traitement est longue (maladies chroniques), la fréquence des prises élevée et la contrainte importante par rapport aux horaires des repas, moins bonne est l’adhérence aux soins. Un patient intelligent et ayant une bonne compréhension de sa maladie n’est pas plus observant. En pratique, la question de l’adhérence doit être posée de manière banale lors des consultations. Devant un refus avéré de soins, il y a des exigences qui ne pourront pas être négociées. Écouter, décoder le sens de ce refus de soins, essayer de prendre en compte les désirs et les peurs est bien sûr important. Il ne sert à rien de plaquer ses convictions ou d’essayer d’entrer dans des confrontations de pouvoir. L’estime de soi du patient est importante pour l’adhérence, c’est un élément sur lequel il va falloir travailler. Dans les situations difficiles, il peut être utile de s’aider d’un tiers, en introduisant par exemple un autre soignant (médecin d’adolescent, infirmière d’éducation). Lors de la consultation, il est important de poser des questions ouvertes, reprendre les propos de l’adolescent pour être sûr d’avoir bien compris ce qu’il dit, décrypter les ambivalences, lui faire lister les avantages et inconvénients du traitement. Il faut essayer d’accepter de manière empathique son point de vue. Des consultations pour les parents peuvent permettre de mieux comprendre le vécu de l’adolescent. Cela permet également aux parents d’accepter leur impuissance. En conclusion, il faut placer l’adolescent au centre de la prise en charge, aborder systématiquement la question de l’adhérence, travailler avec les familles et penser quand on est en difficulté à introduire un tiers.   Le positionnement des parents2 Un adolescent s’inscrit toujours dans une interaction avec ses parents, c’est pourquoi une place doit leur être faite sans que l’adolescent ne se sente trahi pour autant. Le premier entretien avec les parents permettra d’apprécier dans quel registre ils se situent : – parents copains, confidents, trop proches ; cette situation de confusion de génération peut provoquer de l’angoisse chez l’adolescent. Les parents peuvent par leur attitude banaliser et de ce fait encourager les prises de risque. L’adolescent n’a pas d’autre solution que l’escalade dans les conduites à risque, pour se cacher à lui-même et aux autres qu’il n’est pas si fort ; – parents stricts, rigides ; la marge de négociation est alors difficile ; – parents absents ; l’adolescent aura tendance à venir provoquer, pour chercher l’ultime limite. En ne donnant pas leur avis, les parents laissent leur adolescent livré à lui-même dans un état de solitude et d’impuissance. Dans la pratique, le refus de soins peut s’exprimer de différentes manières. Il y a l’adolescent intermittent : il ne sera pas ponctuel ou sera absent de certaines consultations. Une relance modérée de notre part peut lui montrer notre intérêt. Les parents ont un rôle fondamental : s’ils ne disent rien, l’adolescent l’interprétera comme une indifférence de sa part ; s’ils sont trop préoccupés, cela sera pris comme une attitude infantilisante. L’adolescent peut être absent et seule la mère se présente à la consultation pour évoquer les difficultés de son enfant resté à la maison. Le médecin peut proposer une écoute empathique, neutre, mais se doit de rappeler que son véritable interlocuteur est l’adolescent. Il doit évaluer avec la mère les éléments objectifs d’inquiétude, la dynamique familiale, quelle est la place de l’autre parent. Enfin, il cherchera les moyens pour rétablir un contact. Pour aider ces parents, il est important de créer un temps transitionnel, de repenser avec eux leurs positions parentales mises à mal, comprendre ce qui se joue. Il faut accepter la politique des petits pas, des petits objectifs et soutenir tous les progrès. Les solutions à ces situations sont à co-construire et le moment de les mettre en oeuvre est à bien réfléchir. La place du médecin est difficile dans ces situations, et il devra trouver une alchimie complexe entre une place de médiateur, de conseiller des parents, tout en affirmant qu’il est le médecin de l’adolescent. Son rôle reste celui de gardien d’objectifs médicaux.   Que dit la loi ?3 Selon la convention internationale des droits de l’enfant de 1989, l’enfant est une personne. Dans cette convention, l’article 388-1 du code civil donne à l’enfant une possibilité d’expression. L’article 388-2 lui donne la capacité juridique. Lorsque les détenteurs de l’autorité parentale ont une position qui est en contradiction avec celle de l’enfant ou de ses intérêts, l’enfant peut saisir un administrateur et venir débattre de la situation devant un magistrat. La loi du 4 mars 2002 rappelle l’ensemble des droits et des devoirs des parents dans l’intérêt de l’enfant et insiste sur la notion de respect de l’enfant. L’enfant s’exprime, a des droits et est considéré comme une personne qui a sa place dans le débat judiciaire. Dire que l’enfant est une personne implique que l’enfant a droit à l’information et que son consentement doit être systématiquement recherché, s’il est apte à exprimer sa volonté et s’il peut participer à la décision. C’est donc dire qu’il a une possibilité de refus. Le médecin peut se dispenser d’obtenir le consentement des titulaires de l’autorité parentale. Quand des décisions sont relatives à un traitement indispensable à la sauvegarde du mineur, les médecins concernés mettent tout en oeuvre pour qu’il y ait concertation, mais ils ne disposent d’aucun moyen de contrainte. Un exemple en est l’IVG que l’enfant peut faire pratiquer conformément à la loi de juillet 2009 sans autorisation parentale du moment qu’il est accompagné d’une personne majeure de son choix. L’autorité parentale vient contrebalancer cette notion d’« enfant personne ». Les parents restent maîtres du jeu. L’article 371-1 du code civil dit de l’autorité parentale qu’elle est un ensemble de droits et de devoirs ; que les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent en fonction de son degré de maturité. L’enfant est donc une personne, mais ses droits sont limités par l’autorité parentale. Cette notion d’autorité parentale va trouver sa limite dans l’administration légale. Lorsque les titulaires de l’autorité parentale ne remplissent pas leur rôle comme la loi leur recommande de le faire, un administrateur légal peut être désigné. Celui-ci va prendre en charge les intérêts de l’enfant en lieu et place des parents qui sont défaillants. La nomination peut être faite à la demande du parquet, du mineur lui-même ou bien d’office. En conclusion, la loi aide dans une certaine mesure, mais dans les situations où le pronostic est très sombre, c’est le respect de la parole de l’enfant qui doit primer.   La prise en charge globale des adolescents confiés à l’ASE4 De plus en plus d’adolescents sont confiés à l’ASE (Aide sociale à l’enfance). La plupart sont en rupture familiale et/ou ont subi des maltraitances ; il peut s’agir également de mineurs isolés étrangers. Ces enfants ont un mauvais suivi antérieur de leur état de santé. Un organisme grenoblois épidémiologique a montré en 2003 et 2009 que l’état de santé de ces enfants était moins bon que celui de la population générale. Les vaccins n’étaient pas à jour, il y avait très peu de dépistage sensoriel, l’état dentaire était souvent oublié. Treize pour cent de ces adolescents avaient une pathologie lourde, présentaient des troubles du développement d’origine psychologique ou physique. La loi du 4 mars 2002 donne quatre orientations principales en matière de santé : favoriser l’accès au soin et à la prévention ; assurer la continuité de la prise en charge ; coordonner l’action des acteurs de terrain ; avoir une cohérence dans l’interdisciplinarité. Les objectifs 2010-2014 donnent priorité à l’action de prévention individuelle, à l’éducation à la santé en matière de nutrition, sommeil et contraception. À l’ASE de Paris, des consultations médicales précoces ont été mises en place afin d’évaluer l’état de santé à l’entrée dans le dispositif et notamment la recherche de maladies transmissibles. Le lien est fait avec le médecin de proximité du lieu d’accueil. Les mineurs isolés étrangers viennent d’Afghanistan, d’Afrique sub-saharienne, du continent indien et du Maghreb. Ils peuvent présenter des pathologies telles que tuberculose, hépatite B, parasitoses, drépanocytose ou encore un psycho-traumatisme sévère du déracinement. Le principal outil mis en place au niveau de la cellule santé est le carnet de santé. Celui-ci est demandé aux parents à l’admission. Une fiche de liaison santé est établie. La transmission des informations aux professionnels est très importante et se fait avec accord de l’adolescent, ce qui permet d’éviter les ruptures de soins. L’adolescent a un dossier santé afin de classer les éléments médicaux. La confidentialité y est respectée. À la sortie du dispositif ASE, un examen médical de sortie est effectué et des liaisons sont réalisées avec tous les confrères. Au total, les problèmes de santé de ces adolescents sont fréquents, spécifiques. Il faut faciliter leur accès au soin et à la prévention, construire des réseaux partenariaux. Le carnet de santé et la fiche de liaison santé sont des outils importants.

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