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Pédiatrie générale

Publié le 05 fév 2015Lecture 7 min

Fatigue de l’enfant : un mot pour des maux

A. BOURRILLON, hôpital Robert Debré, Paris

La fatigue est un motif fréquent de consultation chez l’enfant, dans un contexte le plus souvent aigu et consécutif à une cause généralement suspectée par la famille. Elle est plus rarement prolongée et alors signe d’alerte pour l’environnement familial et scolaire.

Définition La fatigue est un phénomène le plus souvent physiologique faisant suite à une activité physique ou de concentration intellectuelle excessive et cédant facilement avec le repos. L’asthénie est un état sans cause immédiatement identifiable, caractérisé par une sensation subjective d’incapacité peu ou pas améliorée par le repos : le cycle normal activité/fatigue/repos/récupération est alors perturbé. Le terme de fatigue est cependant utilisé dans la littérature anglo-saxone dans les deux circonstances(1,2). La fatigabilité est l’apparition anormalement rapide d’une sensation de fatigue au cours de l’effort. Elle peut laisser craindre une diminution réelle du tonus musculaire susceptible d’orienter vers une anomalie neurologique évaluée par l’examen clinique.   Reconnaître la fatigue L’identification du symptôme « fatigue » varie chez l’enfant selon l’âge. Chez le nourrisson, la fatigue peut aussi bien s’exprimer par un tableau de somnolence, que, à l’inverse, par un état inhabituel d’excitation non calmée par le repos. La fatigue s’intègre alors au sein de modifications du comportement : capacités à prendre ses repas, qualités de contact avec la famille, capacités réduites de maintien d’attention au cours des jeux. À l’école maternelle, l’attention peut être attirée par un comportement anormal d’isolement, de passivité, de réponse inhabituelle aux sollicitations éducatives ou d’incitations aux jeux. À l’école primaire, la fatigue s’accompagne habituellement d’une baisse du rendement scolaire, parfois accompagnée de manifestations à type de céphalées, de douleurs abdominales ou de signes évocateurs d’un besoin de sommeil. À l’adolescence, les signes de fatigue s’intègrent dans un ensemble plus ou moins enrichi d’expressions de lassitude, de somnolence diurne au cours des périodes habituelles d’attention ou de réduction des performances scolaires. Fatigue aiguë ou fatigue prolongée ? Les causes de fatigue aiguë chez l’enfant sont le plus souvent suspectées par la famille ou l’environnement et confirmées par le pédiatre sur les données de l’anamnèse, temps prédominant de l’examen clinique. Chez le nourrisson : infections des voies aériennes supérieures entravant le sommeil ; irrégularités des temps de sommeil, plus ou moins imposés, liées à des périodes ou des durées de siestes inadaptées. Chez l’enfant plus âgé, entre 3 et 6 ans : temps de convalescence de certains pathologies infectieuses virales mais, plus fréquemment, inadaptation des rythmes biologiques propres à l’enfant aux contraintes d’organisation de vie familiale (professionnelles ou de loisirs) ou aux rythmes scolaires proposés. Chez l’adolescent : la fatigue s’inscrit le plus souvent dans le contexte d’une réduction quantitative des temps de sommeil ou à des irrégularités qualitatives parfois accrues par des « décalages horaires » liés au réveils tardifs de fin de semaine. Dans toutes ces situations, les examens complémentaires apparaissent inutiles. Il convient avant tout d’assurer un accompagnement apaisant de l’enfant et de la famille par des explications des mécanismes en cause et des propositions possibles de mesures correctrices. À tout âge, il est nécessaire de savoir dépister des signes (ou symptômes) évocateurs d’une dépression débutante (désintérêt par rapport au comportement antérieur, tristesse, tendance à l’isolement, ennui ou irritabilité, etc.) souvent en rapport avec des situations familiales conflictuelles ou une dépression parentale.   Fatigues anormalement prolongées Les causes organiques de fatigues anormalement prolongées, indépendamment de toute pathologie chronique spécifique antérieurement connue, sont rares. Les plus habituellement suspectées sont d’origine infectieuse : infections chroniques des voies aériennes supérieures chez le petit enfant ; maladies infectieuses connues comme asthéniantes (Epstein-Barr virus ; HHV6 ; CMV, Parvovirus ou Mycoplasma pneumoniae). Elles sont très exceptionnellement endocriniennes (insuffisance surrénale primitive) ou révélatrices de maladies métaboliques (fatigabilité), hématologiques, voire oncologiques. Les modalités d’analyse de toute fatigue chronique reposent avant tout sur l’examen clinique, qui commence par une anamnèse rigoureuse : date et modalités du début de l’état de fatigue ; analyse du retentissement des signes et symptômes sur la vie habituelle ; qualité des performances physiques ou des activités scolaires et existence de signes associés (anorexie, anxiété, douleurs abdominales, céphalées)(3). Les examens complémentaires demandés devant une fatigue persistante sont répertoriés dans l’encadré. Seulement si le contexte clinique évoque une origine infectieuse aiguë ou initiale, des examens sérologiques (EBV, CMV, toxoplasmose, mycoplasme) peuvent avoir une valeur d’appoint pour permettre d’assurer un apaisement étiologique. Dans la majorité des cas, cependant, les fatigues prolongées sont liées à des anomalies des rythmes de sommeil plus ou moins induits par des contraintes environnementales ou à des états de dépression qui requièrent un repérage attentif et sont susceptibles de conduire à des mesures correctives adaptées.     Le syndrome de fatigue chronique chez l’enfant Le syndrome de fatigue chronique dénommé lors de sa description initiale par K. Fukuda et coll.(4) il y a 20 ans « la maladie aux mille noms »(5), avant de s’intégrer dans une définition internationale consensuelle(6) d’« encéphalomyélite myalgique », répondait à des critères évolutifs : – situation nouvelle à début précis, souvent « pseudo grippal » : douleurs pharyngées, algies diffuses ; – asthénie intense non liée à l’effort, ni atténuée par le repos ; – troubles du sommeil et difficultés malgré la motivation pour des efforts de concentration intellectuelle et pour des activités physiques même minimes ; – absence de toute maladie psychiatrique évidente « majeure » ; – et durée initialement définie comme supérieure à 6 mois. La classification la plus récente du syndrome de fatigue chronique(6) décrit cependant des critères d’exclusion plus précis du diagnostic de dépression, et ne précise plus la durée d’évolution. Les particularités pédiatriques(7) sont : – la survenue à l’adolescence ; – un absentéisme scolaire continu chez des adolescents ayant eu jusque-là d’excellentes performances scolaires et physiques ; – un pronostic excellent à la différence de celui de l’adulte, avec régression des signes observés en 12 à 18 mois. La physiopathologie du syndrome reste incertaine. Il peut être considéré comme un dysfonctionnement mettant en cause des facteurs infectieux (HHV6 le plus récemment suspecté), immunologiques, neuroendocriniens, cardiovasculaires(8) et possiblement psychosociaux et culturels (figure 1).   Figure 1. Syndrome de fatigue chronique.   Comment suspecter ce diagnostic ? Les données cliniques essentielles à rechercher sont : – une asthénie intense, à début brutal, survenant chez un adolescent ayant jusqu’alors de très bonnes performances scolaires et sportives ; – un rapide épuisement lors d’exercices physiques modérés comme au cours d’efforts de concentration intellectuelle, celui-ci ne régressant pas au terme de longues périodes de repos ou de sommeil prolongé.  Les examens biologiques susceptibles d’être pratiqués sont : – NFS, plaquettes + réticulocytes, CRP, VS ; ionogramme sanguin ; glycémie ; calcémie ; créatinémie ; ferritine ; électrophorèse des protides ; – ASAT, ALAT, CPK ; – sérologies plus ou moins orientées : EBV ; VHA ; VHB ; VHC ; CMV ; parvovirus ; HHV6 ; toxoplasmose ; mycoplasmes. Selon les cas : – IgA totales ; IgA antitransglutaminases ; ANCA ; – examens endocriniens possibles : TSH-T4 libres ; taux de cortisol et cycle du cortisol ; Autres examens : – radiographie du thorax ; – Tubertest®, voire QuantiFERON® ; – examens d’imagerie.   Le syndrome de fatigue chronique en 4 points Les critères diagnostiques du syndrome de fatigue chronique demeurent évolutifs du fait de l’imprécision de leurs contours. Les fibromyalgies, qui associent à une fatigue chronique des douleurs musculaires diffuses (avec comme meilleur appoint diagnostique la palpation de points douloureux musculaires précis), demeurent une entité moins autonomisable que chez l’adulte où elle est associée à des manifestations dépressives et anxieuses plus caractérisées. Une approche physiopathologique commune pourrait être plus éclairée selon divers résultats d’études en cours : études virologiques (VHH6), plus ou moins couplées à des imageries par résonance magnétique fonctionnelle, explorations musculaires ou cardiovasculaires, enregistrements polygraphiques de sommeil. En l’absence de marqueurs biologiques ou organiques, l’approche diagnostique d’un tel syndrome, demeurant encore à l’âge de l’adolescence à « contours flous », reste essentiellement clinique.

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