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Profession, Société

Publié le 16 juil 2014Lecture 10 min

L’expérience d’un service d’urgence pédiatrique pendant les vacances scolaires

P. BABE, Nice
Les services d’urgences en général, et d’urgence pédiatrique en particulier, connaissent des variations importantes, tant quantitatives par le nombre de passages, que qualitatives avec des types de pathologie différents, selon les périodes scolaires et les épidémies saisonnières. La localisation géographique du service est aussi un facteur déterminant de son activité. Nous décrirons dans cet article l’expérience d’un service d’urgence pédiatrique situé dans le sud de la France.
Répartition de l’activité Une particularité des  services d’urgences (SU) pédiatriques est d’avoir une activité moindre en période estivale, contrairement aux services d’urgences adultes.  En effet, on constate en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) une hausse d’activité pour les services adultes pendant les vacances scolaires d’été, avec des pics autour du 14 juillet et du 15 août. À l’opposé, l’activité des structures d’urgences pédiatriques est modérée malgré l’augmentation de la population générale liée à l’afflux de touristes. Les motifs de passage aux urgences sont déterminés par : – la modification du mode de vie ; – la pratique d’activités de loisirs et de sports, en particulier aquatiques, avec baignade, exposition solaire en période de chaleur ; – les promenades en milieu rural ou à la montagne, avec un contact possible avec des animaux et une exposition inhabituelle aux allergènes ; – la modification des habitudes alimentaires ; – le caractère épidémique estival d’infections virales ; – le type de région visitée, en particulier des pays tropicaux déterminants des pathologies du retour. Le type de passages en classification CCMU (classification clinique des malades aux urgences) est majoritairement des classes 1 et 2. Figure 1. Répartition annuelle des admissions selon le type de service d’urgences d’après l’Atlas 2011 d’activité des services d’urgences ORUPACA.   Pathologies cutanées La chaleur, le milieu aquatique et l’exposition solaire conduisent à des consultations plus fréquentes pour des pathologies dermatologiques. Les érythèmes solaires sont fréquents, ils peuvent aller du simple coup de soleil à la forme sévère avec brûlure. Quelques cas de lucite au niveau du tronc sont observés. Surtout, on relève de nombreuses infections cutanées qui peuvent se traduire par un impétigo localisé, mais aussi par des formes diffuses, volontiers traînantes et extensives, voire des tableaux de cellulite. Le traitement par soins locaux avec application d’antiseptique est toujours indiqué. L’antibiothérapie locale sous forme de pommade en fine couche, associée à un antiprurigineux pour limiter les lésions de grattage, en particulier nocturne, et des consignes d’hygiène permettent d’accélérer la guérison. L’utilisation d’un savon liquide antiseptique est efficace, ainsi que la limitation des activités aquatiques et de l’exposition à la chaleur. • Les piqûres d’insectes provoquent des prurigos souvent surinfectés par grattage. Dans le cas des piqûres de tique, la prise en charge nécessite le retrait mécanique de l’acarien à l’aide d’un tire-tique (figure 2), si celui-ci est toujours en place. Une simple désinfection locale est réalisée et il n’y a pas lieu de prescrire une antibiothérapie ou de demander une sérologie. Une surveillance locale à la recherche d’un érythème migrant est, en revanche, nécessaire dans le mois suivant.  Quand aux consultations pour piqûres de méduses, elles sont fréquentes et bénignes. Les cellules urticantes situées au niveau de leurs tentacules (envenimation) provoquent des réactions cutanées avec une douleur intense. Le traitement consiste à nettoyer la plaie et à rincer abondamment avec de l’eau de mer ou une solution de bicarbonate de sodium, afin d’inactiver les cnidocytes (du grec ortie). Les filaments restants sont retirés avec un gant, puis on applique un dermocorticoïde. Le patient sort avec une prescription d’antihistaminique et d’antalgique.  Figure 2. Extraction d’une tique à l’aide d’un tire-tique. • L’eczéma est un motif de consultation plus fréquent en cette période estivale. Il peut s’agir de formes simples, mais aussi de formes compliquées par suintement avec impétigo.    • Les brûlures représentent aussi un motif de consultation fréquent en raison des activités de plein air (barbecue). • La période des fortes chaleurs détermine des consultations pour coup de chaleur, déshydratation (figure 3) et insolation. Le tableau peut être celui d’une fièvre avec déshydratation ou d’un malaise, en particulier s’il survient au cours d’un effort physique. Les jeunes enfants sont à risque de déshydratation sévère d’apparition rapide.   Figure 3. Signes de gravité des déshydratations.   Pathologies ORL Les  baignades répétées et quotidiennes conduisent à de nombreuses consultations pour des pathologies ORL. L’otalgie est un motif de consultation très courant en urgences, notamment la nuit. Il s’agit essentiellement d’otites externes liées aux baignades fréquentes et/ou à des plongeons répétés. Les infections du conduit auditif externe sont observées chez les enfants de plus de 2 ans (otite du baigneur). Le tableau clinique est celui d’une otalgie avec des démangeaisons et/ou perte d’acuité auditive associées à une douleur au cours de la mastication et à une sensibilité du tragus à la poussée et la traction du pavillon de l’oreille. Cette douleur intense est d’apparition brutale et souvent à majoration nocturne. L’examen otoscopique est pauvre car l’introduction du spéculum est douloureuse. Il laisse cependant voir un conduit auditif externe œdématié, inflammatoire, douloureux, avec des sécrétions blanchâtres qui peuvent être aspirées. Le tympan, s’il peut être vu, est subnormal. Dans certains cas, l’inflammation peut être sténosante. L’origine de l’infection est généralement bactérienne (staphylocoque doré ou Pseudomonas aeruginosa), plus rarement mycosique. Il faut rechercher des complications telles que la présence d’un furoncle ou d’un eczéma. Le traitement vise, en premier lieu, à soulager le patient en ayant recours à des antalgiques de palier 2, associés à des antibiotiques locaux. Les préparations disponibles en officine sont tout à fait adaptées, elles comportent soit un antibiotique (Polydexa®), soit une association antibiotique-corticoïde (Antibio Pynalar®). D’autres spécialités associent antibiotiques, corticoïdes et anesthésiques locaux (Panotile®). Elles sont appliquées 3 fois par jour, après les lavages, l'intérêt étant que la substance active entre en contact avec l'épithélium, faute de quoi on s'expose à une inefficacité thérapeutique. Enfin, il faut conseiller l’arrêt des baignades et de l’exposition à la chaleur pendant au moins 10 jours (ce qui, en pratique, est difficile à obtenir).   Ophtalmologie • Les pathologies ophtalmologiques sont bénignes et le plus souvent en rapport avec les activités extérieures. Elles sont d’origine infectieuse, allergique ou inflammatoire. Il peut s’agir d’une conjonctivite simple par bain prolongé en piscine, mais aussi d’une ophtalmie avec rougeur et larmoiement se surinfectant facilement par frottement des yeux entraînant l’apparition de sécrétions purulentes. L’œdème palpébral et la photophobie doivent faire évoquer une kératoconjonctivite bilatérale, qui nécessite un avis spécialisé. On conseillera les lavages oculaires fréquents au sérum physiologique, une désinfection avec un collyre antiseptique type Dacudoses® et le port de lunettes solaires et/ou d’une casquette.   Noyades Pendant cette période, une des pathologies les plus redoutées (voir encadré) Les consultations pour syndrome fébrile La fièvre reste une des premières causes de recours aux urgences pédiatriques. L’exposition solaire et les coups de chaleur peuvent en être la cause, mais ce sont les pathologies infectieuses qui en sont le plus souvent à l’origine, avec une prédominance des épidémies à entérovirus, particulièrement chez l’enfant de moins de 15 ans. Il s’agit d’un virus de la famille des picornavirus dont il existe trois groupes : Coxsackie A et B, Echovirus et poliovirus. Leur tropisme est intestinal, nerveux, méningé et musculaire. Ils se transmettent par contamination directe (manuportée, voire aérienne) ou indirecte par eau de bain en rivière. Une grande partie de ces infections est asymptomatique. Lorsque l’infection est symptomatique, il s’agit d’atteintes cérébro-méningées, essentiellement des méningites lymphocytaires bénignes. Le tableau est celui d’un enfant fébrile présentant des céphalées intenses et des vomissements avec une conscience et une hémodynamique conservée. L’évolution se fait rapidement vers la guérison sans séquelles. Cette infection estivale fait l’objet d’une surveillance épidémiologique nationale (figure 4).   Figure 4. L’été 2013 a vu un profil épidémiologique quantitativement identique aux deux années précédentes, avec une prédominance de formes digestives : vomissements et céphalées sans raideur méningée (d’après les résultats du Réseau de surveillance des entérovirus, France, 2005-2011). Un traitement de courte durée par repos digestif, perfusion périphérique et antalgiques est souvent nécessaire et suffisant. Les autres formes cliniques des infections a entérovirus sont : – le syndrome pied-mains-bouche; – les atteintes musculaires à type de myosite ; – l’herpangine (forme ORL) ; – quand aux formes respiratoires, elles sont peu fréquentes. Pour les autres pathologies infectieuses, il s’agit surtout d’infections digestives sous la forme de gastroentérites aiguës avec, chez le jeune nourrisson en cette période chaude, un risque majoré de déshydratation sévère nécessitant une hospitalisation. Il s’agit essentiellement d’infection virale. Le précédent été (2013) n’a pas été marqué par les infections digestives bactérienne à salmonelle. En période estivale, un nombre important d’enfants partent en vacances dans des pays tropicaux ou se rendent dans le pays d’origine de leur famille et présentent des pathologies au retour. Il s’agit souvent d’une fièvre pour laquelle il faut systématiquement rechercher une infection à Plasmodium falciparum si le séjour a eu lieu en zone d’endémie palustre. Le bilan comprend : une numération formule sanguine et plaquettes, un test de diagnostic rapide et un frottis goutte épaisse. Rappel : un  accès palustre simple peu prendre une forme clinique de diarrhée aiguë. Toute fièvre du retour de zone paludéenne doit faire éliminer un paludisme. En cas de pathologie à prédominance digestive, on retrouve souvent une hépatite virale A.   Allergies Les pathologies allergiques et les enfants allergiques connus sont à l’origine de nombreuses consultations. Ceux-ci sont particulièrement exposés pendant les vacances estivales en raison de : – la modification des habitudes alimentaires ; – l’exercice physique en climat chaud ; – le contact avec des animaux qu’ils ne rencontrent pas habituellement (chevaux, poneys, chat, chien, etc.) ; – la modification de l’environnement, le changement d’habitat ; – l’exposition aux pollens d’herbacés (montagne au-dessus de 1 000 m), aux graminées (plus intense de fin juin à août), aux pollens des céréales (d’août à septembre). Ils consultent pour des conjonctivites, des rhinites, des épisodes de toux ou des crises d’asthme. On observe également des réactions urticariennes avec anaphylaxie possible lors d’ingestion d’allergènes alimentaires, et des réactions cutanées aux piqûres d’insectes avec surinfections fréquentes. Dans le cas des chenilles processionnaires du pin (Thaumetopoea pityocampa), il est conseillé de ne jamais marcher pied nu et ne pas les toucher. En cas de contact buccal, nettoyer immédiatement la bouche et la langue avec un gant humide, puis consulter le médecin traitant. En cas de contact oculaire, rincer à l’eau claire et consulter un ophtalmologue. Dans le cas des piqûres d’hyménoptères, on peut voir de simples réactions locales avec douleur et inflammation et toutes les situations intermédiaires jusqu’à l’anaphylaxie. Autre situation fréquente comme signalée plus haut : les poussées d’eczéma suintant en raison de l’exposition à la chaleur et à l’humidité.          

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