Publié le 27 oct 2013Lecture 4 min
Hypotrophie du nourrisson : quand et comment explorer ?
Olivier MOUTERDE, Professeur associé, université de Sherbrooke (Québec), Praticien hospitalier, CHU de Rouen
L'hypotrophie du nourrisson est une situation fréquente, aux multiples étiologies. Les définitions varient, certaines parlant de « défaut de poids », d'autres de « développement insuffisant d'un organe dû à un défaut de nutrition ou de formation », d'autres d'« enfant insuffisamment nourri », enfin on évoque souvent « l'hypotrophie staturo-pondérale ».
Chez l'enfant, poids et taille sont tellement liés qu'il serait artificiel et de peu d'utilité de traiter seulement le poids ou la taille. Le raisonnement du clinicien doit prendre en compte le poids et la taille, ainsi que l'historique et la chronologie précise des modifications de ces deux paramètres (figure 1).
Pour remonter dans le temps, l'histoire staturo-pondérale de la famille et de la grossesse doivent être prise en compte. Enfin, l'examen clinique, qui inclut poids et taille, est également riche d'enseignements en appréciant l'état général et le mode d'alimentation, les signes dysmorphiques et les symptômes d'éventuelles pathologies organiques sous-jacentes. En soi, l'hypotrophie, même si elle est isolée, est un signe d'alerte important. Le déficit en hormone de croissance, par exemple, peut avoir pour seul signe la cassure de la courbe de taille, pendant des années. C'est dire l'intérêt d'une surveillance régulière des courbes chez l'enfant, même en l'absence de symptômes d'appel.
Figure 1. Arbre décisionnel devant une hypotrophie.
D'où vient-il ?
L'interrogatoire s'enquiert des poids et taille des parents, et même des oncles, tantes et grandsparents. La notion de petite taille familiale peut permettre un diagnostic familial de maladie osseuse constitutionnel, le bilan osseux pour les apparentés en cas de suspicion comportant rachis, bassin de face et genoux. Citons quelques maladies par exemple : dysostéochondrose, hypochondroplasie, pseudohypoparathyroïdie, dysplasie polyépiphysaire. Citons aussi les syndromes dysmorphiques d'origine génétique non diagnostiqués chez les parents, les petites tailles familiales polygéniques. Les nouvelles courbes de l'OMS, concernant les enfants allaités dans des pays très différents, ont montré de façon inattendue que des enfants des quatre coins du monde placés dans les mêmes conditions ont strictement la même croissance… La notion d'ethnie n'interviendrait donc pas de façon décisive.
D'où part-il dans la vie ?
Nous abordons le problème des retards de croissance intrautérins, avec leurs différentes étiologies, bien connues des néonatologistes. Quatre cinquièmes de ces enfants vont regagner une courbe de croissance plus haute à échéance des 3 ans. Chez un enfant très petit sans cause évidente de RCIU, surtout si l'enfant est en dessous de - 2 DS, penser à rechercher des signes dysmorphiques, un micro-pénis ou des anomalies de la ligne médiane. De nombreux syndromes génétiques s'accompagnent d'une hypotrophie néonatale, associée à des signes dysmorphiques. Citons les syndromes de Turner, Silver, Noonan, Williams. Enfin, certaines causes d'hypotrophie néonatale ne sont pas génétiques, comme l'alcoolisme foetal ou certaines foetopathies.
Où va-t-il ?
La surveillance de la croissance et de l'examen clinique doit être systématique chez l'enfant, même « normal », sans problème de santé. Certaines maladies rares se manifestent par des signes dysmorphiques acquis, citons les maladies métaboliques de surcharge comme les mucopolysaccharidoses, les glycogénoses mais aussi l'hypothyroïdie et l'hypercorticisme. Dans ces cas, on note une cassure de la courbe de taille associée à un surpoids. Très fréquemment, de petits « incidents » sur la courbe de croissance en poids ou de taille peuvent inquiéter. C'est l'âge de la diversification avec la diminution d’apport de calories, l'âge des infections ORL répétées après la perte des anticorps maternels, l'âge de la marche avec l'augmentation de l'activité, le passage sur le « couloir génétique » dans les 4 premières années de vie.
D'autres événements sont pathologiques : la cassure de courbe de taille isolée (avec poids normal ou haut) oriente vers des étiologies déjà citées (hypercorticisme, surcharge, hypothyroïdie, insuffisance hypophysaire, déficit en GH, Prader-Willi, pseudohypoparathyroïdie) ou vers le nanisme psycho-social. Enfin, une situation plus fréquente est la cassure de la courbe de poids suivie par une cassure de la courbe de taille. La dénutrition, dans ce cas, explique le retentissement sur la taille. Le calcul de l'IMC, du poids attendu pour l'âge ou la taille, le périmètre brachial rapporté au périmètre céphalique, les signes de dénutrition clinique permettent d'évaluer la situation. Un enfant dans cette situation, mais qui garde un bon état général et sourit, est suspect d'anorexie du nourrisson. Un enfant triste et dénutri peut être atteint de toute maladie organique, le défaut d'apport étant éliminé. Un examen clinique complet explore les différents appareils : cardiovasculaire, respiratoire, peau, foie, reins, examen neurologique et recherche d’un syndrome tumoral, etc.
La biologie de base, par prise de sang et examen d'urine, recherche une inflammation, une anémie, une carence en fer, une perturbation ionique, une insuffisance rénale (cause insidieuse d'hypotrophie, sans anomalie clinique), un diabète (figure 2)... C'est aussi la situation où se rencontrent l'allergie au lait de vache, la maladie coeliaque, plus rarement la mucoviscidose, à explorer par les examens adaptés.
Figure 2. Essai de classification des causes d’hypotrophie staturo-pondérale acquise.
En pratique, on retiendra
Le bilan d'hypotrophie recouvre une grande partie de la pathologie pédiatrique et nécessite avant tout une analyse clinique complète. L'historique de la famille, de la grossesse et de la croissance de l'enfant orientent vers un mécanisme que la clinique puis quelques examens ciblés permettront d'attribuer à une étiologie. L'interprétation attentive des courbes de croissance et de la chronologie respective des variations de taille et de poids est la clé de la démarche diagnostique.
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