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Endocrinologie-Diabétologie

Publié le 23 juin 2013Lecture 15 min

La génétique du diabète de type 1 à l’usage du clinicien

B. VIALETTES, N. DUBOIS, Service de nutrition, maladies métaboliques et endocrinologie, CHU La Timone, Marseille
Fournir des notions de génétique du diabète de type 1 à des praticiens cliniciens peut paraître paradoxal à une époque où le typage génétique de cette maladie se pratique de moins en moins en routine. Pourtant, il leur est nécessaire de dominer les principaux éléments du conditionnement génétique au diabète de type 1. Ils seront mieux à même d’orienter et d’étayer les informations et les conseils qui leur sont demandés par les patients et les familles, inquiets pour leur descendance. Ils auront aussi la réactivité adaptée pour tester des hypothèses génétiques, les rares fois qu’un diagnostic de diabète monogénique peut être envisagé. Enfin, ils seront en mesure de mieux comprendre la physiopathologie de la maladie et ainsi d’accompagner les essais de traitements spécifiques, curateurs ou préventifs, qui ne vont pas manquer de se multiplier dans les années à venir.
  Les particularités de la transmission génétique de la susceptibilité à développer un diabète de type 1 La ségrégation familiale du diabète de type 1 a été largement étudiée dans de grandes séries(revue in 1,2). La probabilité de retrouver dans les antécédents familiaux d’un patient atteint de diabète de type 1 un autre cas de cette maladie est faible, autour de 15 %. Au niveau des germains, le risque est évalué à 5 %. Pour les paires de jumeaux homozygotes, le risque de concordance pour ce qui est du diabète a été évalué à 40-50 %, même si un suivi très prolongé pourrait augmenter significativement ce chiffre(3). Pour la descendance, le risque est de 3 % quand la mère est diabétique et de 4 % quand le père est atteint. De tels chiffres évoquent une transmission oligogénique de gènes de susceptibilité capables d’interagir avec des facteurs d’environnement selon le modèle des maladies dites « complexes »(2). L’absence de concordance dans les paires de jumeaux vrais soustend ce paradigme, même si certains rappellent opportunément que des jumeaux vrais ne sont pas des « copies conformes » absolues du fait de l’intervention de nombreux facteurs épigénétiques. Il existe une indéniable pression de l’environnement sur le patrimoine génétique, comme le montrent des données épidémiologiques récentes. L’augmentation constante de l’incidence du diabète de type 1 dans de nombreux pays depuis les années 1950 ne peut pas s’expliquer par les lois de la sélection darwinienne. Le diabète de type 1 apparaît en outre de plus en plus tôt dans la vie et est de moins en moins fortement associé au complexe majeur d’histocompatibilité(4).   Les gènes impliqués dans la susceptibilité Les connaissances sur la génétique du diabète de type 1 proviennent de diverses approches qui ne sont pas toutes convergentes. De rares formes monogéniques ont été identifiées. Elles ont le mérite de cibler certains mécanismes physiopathologiques possibles. Des études de gènes candidats ont aussi été mises en place, plus ou moins aidées par la génétique des modèles animaux spontanés de diabète autoimmun. Enfin, ces dernières années, l’approche GWAS (Genome-Wide Association Study), grâce à un balisage serré du génome, a permis d’isoler certaines zones critiques, voire certains gènes. Une quarantaine de gènes pourraient être impliqués dans la susceptibilité à développer un diabète.   Les diabètes de type 1 monogéniques(revue in 5) Deux maladies entrant dans le cadre des syndromes auto-immuns polyendocriniens, et à ce titre susceptibles de comporter un diabète de type 1 typique, ont été isolées. ● Il s’agit pour l’une du syndrome APECED (Autoimmune Polyendocrinopathy, Candidiasis, Ectodermal Dystrophy) dit aussi syndrome polyendocrinien autoimmun de type 1 (APS-1). Le diagnostic clinique repose sur la présence d’au moins deux manifestations au sein de la triade hypoparathyroïdie, insuffisance surrénale et candidose récidivante. Le gène en cause est le gène AIRE, qui code pour un facteur de transcription responsable de l’expression de peptides ectopiques au niveau des cellules épithéliales de la medulla thymique. Cette expression d’une variété d’antigènes tissu-spécifiques participe à la sélection négative visant à déléter ou anergiser les clones T autoréactifs. ●L’autre maladie est le syndrome IPEX (Immune dysfunction, Polyendocrinopathy, Enteropathy, X-linked), maladie létale du nourrisson liée à l’X, associant une diarrhée incoercible à des manifestations auto-immunes multiples, dont un diabète de type 1. La cause est une mutation dans le gène de FOX-P3, facteur de transcription nécessaire à l’apparition de la fonction T suppressive capable en périphérie de contrôler des clones autoréactifs. ● On ajoutera à cette liste deux formes de « diabète de type 1 » mais de pathogénie non autoimmune, liées toutes deux à une distorsion de la réponse physiologique au stress du réticulum endoplasmique, l’UPR (Unfolded Protein Response) dans la cellule β- pancréatique : – le syndrome de Wolfram, forme de diabète syndromique (atrophie optique, surdité neurosensorielle, diabète insipide, manifestations urologiques, neurologiques et psychiatriques, etc.) ; – et les mutations dans le gène de l’insuline, responsables de diabètes néonataux ou de diabètes de type 1 sans auto-immunité décelable et avec des pédigrées à fort déterminisme génétique. Ces formes de diabètes monogéniques permettent de cibler des mécanismes de diabétogenèse qui sont peut-être impliqués à des degrés divers dans la forme classique de DT1 : sélection négative thymique des lymphocytes T, immunomodulation périphérique des clones T autoréactifs, perte du capital insulinosécrétoire et apoptose accélérée par stimulation chronique de la réponse UPR au niveau des cellules.   Les gènes classiques associés à la susceptibilité au diabète de type 1(revue in 1,2) ● Gènes HLA Des études anciennes ont montré que certains antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité (MHC) sont associés à des maladies auto-immunes, dont le diabète de type 1. Cette association du MHC avec le diabète de type 1, notamment par les antigènes de classe 2, doit être considérée comme le principal contributeur génétique du risque. En fait, il existe tout un gradient entre des allèles protecteurs et les allèles facilitateurs. Pour simplifier nous dirons que le génotype hétérozygote « DR3/4- DQ8 » (où DR3 = DRB1*03- DQB1*0201, DR4 = DRB1*04- DQB1*0302 et DQ8 = DQA1* 0301-DQB1*0302) confère le risque le plus élevé et que l’haplotype DRB1*1501-DQA1*0102- DQB1*0602 est, lui, hautement protecteur. Une étude du groupe de Denver permet de donner la mesure de cette prédisposition liée au MHC(6). Les porteurs du génotype DR3/4- DQ8 représentent 2 % de la population générale et 20 % des diabétiques de type 1 (soit un risque de 55 % de développer un DT1 avant l’âge de 12 ans chez les porteurs de ce génotype). Le germain d’un patient diabétique qui partage avec lui le génotype DR3/4-DQ8 a un risque de 80 % de développer un diabète avant l’âge de 15 ans. Il faut aussi savoir que cette région de la 6e paire chromosomique peut aussi abriter d’autres gènes de susceptibilité, notamment au niveau des allèles de classe 1. Le typage HLA est peu informatif sur le plan diagnostique, mais il peut être intéressant dans des algorithmes d’évaluation du risque pour sélectionner des populations à très fort risque (les porteurs de DR3/ DR4-DQ8) ou pour éliminer des individus à risque faible, même en présence d’anticorps dirigés contre les cellules (DRB1*1501- DQA1*0102-DQB1*0602). ● Le gène de l’insuline Le deuxième gène de prédisposition (IDDM2) est localisé dans le chromosome 11 à proximité du gène de l’insuline. Il s’agit d’une région polymorphique localisée en 5’ de ce gène et caractérisée par des longueurs variables de répétitions de séquences de bases (VNTR : Variable Number of Tandem Repeats). Le risque est corrélé négativement à la longueur de ces répétitions : le VNTR-3, caractérisé par un grand nombre de répétitions, est protecteur, tandis que le VNTR-1, comportant un faible nombre de répétitions, est facilitateur. Cette propriété pourrait être reliée aux capacités de ces deux types de polymorphisme à plus ou moins bien permettre l’expression du gène de l’insuline au niveau du thymus et d’induire l’élimination des clones autoréactifs. Ce typage n’a pas d’intérêt en exploration de routine. ● PTPN22 Ce gène qui code une tyrosine phosphatase lymphocytaire (LYP), possède certains variants qui prédisposent à de nombreuses maladies autoimmunes, dont le DT1. Cette enzyme régule négativement la signalisation médiée par le récepteur T et donc pourrait jouer un rôle, soit au niveau de la sélection thymique des clones autoréactifs (altération de la sélection négative si la mutation crée un gain de fonction au niveau du lymphocyte), soit au niveau de leur réactivité en périphérie (phénomène de dérépression des lymphocytes auto-réactifs si le variant provoque une perte de fonction). ● IL2RA Une variation allélique à proximité du gène codant la chaîne α du récepteur de l’IL-2 a aussi été signalée. La réception du signal interleukine 2 est indispensable, non seulement à l’activation lymphocytaire T, mais aussi à la survie des cellules T régulatrices (CD4+, CD25+). Une perturbation de ce signal cytokinique peut fondamentalement modifier l’équilibre entre lymphocytes T helpers ou cytotoxiques, d’une part, et les T-suppresseurs, d’autre part. ● CTLA-4 Des variants de cette molécule régulant la costimulation lymphocytaire ont été décrits de manière concordante dans de nombreuses maladies autoimmunes. Le lien avec le diabète est faible. L’identification des variants diabétogènes de ces divers gènes (PTPN22, CTLA-4, IL2RA) n’a aucun intérêt en routine du fait de différences de prévalence très faibles (en dépit de la signification statistique) entre les populations diabétiques et contrôles.   Les données des études GWAS(7) Cette méthode susceptible de tracer tous les SNP (Single Nucleotide Polymorphisms) associés à une maladie comme le DT1 a fait l’objet de nombreuses études portant sur de larges effectifs d’origines ethniques variées, ainsi que de plusieurs métaanalyses. Un nombre considérable de loci ont été significativement associés au DT1 par ces approches(1,7). Il reste à identifier les gènes en cause et à analyser les conséquences physiopathologiques possibles. Cependant, on peut rappeler que cette technique a déjà permis de caractériser un nouveau gène qui peut faire le lien entre immunité et environnement. Il s’agit de l’Interferon- Induced Helicase 1 (IFIH1). Cette molécule est considérée comme un capteur cytoplasmique permettant à la cellule de déceler des infections virales et en particulier celles des picornavirus (famille à laquelle appartient le virus Coxsackie B4, qui reste un candidat sérieux à la diabétogénicité). Elle commande la réponse immune médiée par l’interféron. Au total, hormis le complexe majeur d’histocompatibilité, le typage des allèles associés au diabète n’atteint pas une valeur prédictive telle qu’il puisse être utilisé en routine. Ces allèles, en outre, sont publics, relativement représentés dans la population générale. Les odds ratios caractéristiques de ces associations sont particulièrement faibles. Cependant, cette liste nous permet de cibler les divers points d’impact de la susceptibilité génétique au diabète de type 1 comme cela est représenté sur le tableau. On peut enfin imaginer que ce système complexe de susceptibilité génétique puisse être hétérogène d’un patient à l’autre. Seul le résultat, la perte des cellules β par des mécanismes auto-immuns, est commun à tous les patients. L’agencement des facteurs innés et acquis pourrait être différent d’un patient à l’autre. On conçoit que si cette hypothèse s’avérait vraie, il faudrait envisager des attitudes préventives personnalisées, compliquant encore la voie vers l’éradication de la maladie.   Applications pratiques   Diagnostic de diabète de type 1 La génétique n’a pratiquement pas d’utilité dans le diagnostic du diabète de type 1 auto-immun ou dans le rattachement d’états frontières à cette maladie (le diabète de type 1 lent, par exemple). Le diagnostic étiologique du DT1 auto-immun repose quasi exclusivement sur la mesure des autoanticorps spécifiques : anti-GAD, IA-2, insuline, ZnT8 et ICA. La sensibilité et la spécificité de ces anticorps en font d’excellents outils de classement nosographique(2). La génétique ne sera mise en action que dans des situations rares où l’on suspecte une forme monogénique de diabète(8), comme l’étude du gène AIRE dans un tableau évocateur d’APECED ou celle de FOX-P3 pour le syndrome IPEX. On peut aussi s’aider de tests génétiques quand le tableau clinique de diabète de type 1 n’est pas accompagné d’autoanticorps et/ou quand une association syndromique est évocatrice d’un autre diagnostic. On pourra alors explorer d’autres gènes associés à des diabètes monogéniques comme le gène de la wolframine (WFS1, voire WFS2) devant une association diabète infantile et atrophie optique, fortement évocatrice de syndrome de Wolfram. On explorera aussi le gène de l’insuline dans des formes de DT1 « multiplex » sans autoimmunité associée. L’association diabète-surdité et un pédigrée évocateur d’une transmission matrilinéaire de ces troubles orienteront vers une pathologie mitochondriale. Il ne faut pas enfin oublier que certaines formes de MODY-3 se présentent comme des DT1 sans auto-immunité. Évaluation du risque de diabète de type 1 chez les sujets apparentés à un patient diabétique(9) L’évaluation du risque de DT1 chez des individus indemnes et apparentés à un patient diabétique est une autre application de nos connaissances sur le diabète de type 1. Précisons néanmoins que nous ne savons toujours pas prédire avec précision le futur diabète, ni rassurer à 100 % un individu qui s’interroge sur ce risque. Nous sommes, certes, en mesure d’évaluer quantitativement un risque mais non de prédire la maladie ou son absence. Ce calcul de risque est particulièrement utile pour la conception d’études interventionnelles visant à la prévention du diabète de type 1. La sélection d’une population test, dont le risque est connu et homogène, permet de définir le nombre de sujets à inclure et la durée du suivi, nécessaires à une réponse statistiquement robuste à la question posée. Les essais DPT1 (avec l’insuline) et ENDIT (avec la nicotinamide), en dépit de leur résultat négatif, ont confirmé la fiabilité d’une telle évaluation du risque. On peut aussi penser qu’à risque fort pourra être opposé un traitement présentant éventuellement des risques de toxicité secondaire, mais qu’à risque faible, on se contentera de choisir des traitements plus anodins. Cette évaluation du risque chez les sujets indemnes de diabète est néanmoins difficile à gérer humainement en dehors de programmes d’intervention préventive ou d’études observationnelles dans des centres très spécialisés. Certes, quelques voix allèguent que ce dépistage permettrait de réaliser un diagnostic précoce et d’éviter ainsi les acidocétoses inaugurales qui représenteraient encore 40 % des cas pédiatriques en France (données AJD, 2009). Il n’en demeure pas moins que cette médecine « prédictive » en l’absence de solution thérapeutique possible, peut générer chez les sujets dépistés et leur famille, une angoisse dont on peut imaginer les graves conséquences psychologiques(10). On appliquera donc cette approche de dépistage seulement si elle doit s’intégrer dans l’activité d’un réseau de recherche sur le diabète de type 1 et sa prévention, et à la condition expresse que l’on puisse proposer aux sujets exposés une option interventionnelle expérimentale. Une prise en charge psychologique par des intervenants habitués à ce type d’intervention est aussi nécessaire. Dans le cadre de cette évaluation du risque, les autoanticorps occupent encore une place essentielle. Les tests fonctionnels étudiant la tolérance au glucose et/ou l’insulinosécrétion peuvent aussi être utiles. La génétique dans cette approche est limitée actuellement au système HLA : essentiellement l’identité HLA entre germains et le génotype DR3/4-DQ8 fortement prédisposant. L’haplotype protecteur DRB1*1501-DQA1* 0102-DQB1*0602 a aussi été utilisé comme un critère d’exclusion dans certains essais d’immunomodulation préventive.   Conclusion Même si l’utilisation de la génétique dans la diabétologie courante se limite à des situations cliniques rares où il convient surtout de confirmer des formes monogéniques évoquées devant des tableaux cliniques ou des transmissions familiales inhabituelles, le clinicien se doit d’en savoir suffisamment pour répondre aux interrogations des patients et des familles. Il ne faut pas oublier que, derrière le concept de génétique d’une maladie comme le diabète de type 1, se cachent beaucoup d’angoisse, de culpabilité et de non-dits. Il faut répondre à cette demande sans faux-semblants et sans approximation. Une explication simple mais documentée lèvera, au moins en partie, la culpabilité de parents vis-à-vis de leurs enfants quand ils seront convaincus scientifiquement de la faiblesse du risque génétique, du caractère très partagé (« public ») des gènes éventuellement en cause et des mécanismes composites faisant intervenir l’environnement pour une part non négligeable.

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