Publié le 23 oct 2014Lecture 12 min
L’imagerie de l’asthme chez l’enfant
L. BERTELOOT, ervice de radiologie pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris
Trois types de procédures diagnostiques (radiographie standard, scanner, IRM) peuvent être utilisés en imagerie thoracique. En pratique courante, dans le cadre d’un bilan d’asthme chez l’enfant, seuls la radiographie standard et le scanner sont utilisés.
Outils et indications Quel que soit le type de pathologie, mais a fortiori chez l’enfant atteint d’une pathologie chronique, le choix des examens d’imagerie doit toujours être sous-tendu par un souci de radioprotection. La radioprotection, régie par le code de santé publique repose sur trois principes fondamentaux : – la justification de l’acte, garantie, notamment par le Guide du bon usage des examens d’imagerie médicale(1) et un échange préalable entre le demandeur et le réalisateur de l’acte ; – l’optimisation de la dose irradiante reçue grâce, d’une part, à une préparation et un encadrement optimaux du patient et de ses parents et, d’autre part, à l’utilisation de protocoles d’examens optimisés afin d’obtenir un niveau de dose le plus faible possible(2), basés sur les recommandations de la Société française d’imagerie pédiatrique et prénatale (SFIPP) et les Guides de procédures radiologiques (Société française de radiologie) ; – la substitution d’une technique irradiante par une technique non irradiante (échographie, imagerie par résonance magnétique), ce qui, en imagerie du parenchyme pulmonaire n’est pas encore possible en pratique courante. La radiographie standard Elle est indiquée lors d’un premier épisode et en cas de signes de gravité tels que l’apparition d’une dyspnée brutale. Ses objectifs sont de rechercher une autre cause de dyspnée expiratoire et/ ou des signes de complication : infection, pneumothorax, pneumomédiastin. Selon la Haute Autorité de santé (HAS), elle permet d’éliminer des diagnostics différentiels importants tels que les malformations et l’inhalation de corps étranger. Elle sera réalisée au mieux en inspiration (au début d’un pleur) et en expiration (à la fin d’un pleur). La collaboration des enfants est nulle ou quasi nulle jusqu’à l’âge de 3 à 4 ans. Une préparation optimale et une contention efficace sont utilisées mais jamais de sédation pharmacologique. Le maintien de l’apnée n’est pas demandé avant l’âge de 6 ans. Le cliché est réalisé de face en décubitus. Les incidences complémentaires ne sont pas indiquées en première intention. Dans l’asthme, la radiographie standard est le plus souvent normale en période intercritique ou montre les éléments du syndrome bronchique, en particulier un épaississement des parois bronchiques, sous la forme d’opacités linéaires en rail ou en anneau prédominant dans les régions péri-hilaires (figure 1), associées à une distension thoracique (figure 2) dont les signes sont : un aplatissement des coupoles, une projection des côtes sur le parenchyme pulmonaire au-delà du 6e arc antérieur, une horizontalisation des côtes, une raréfaction vasculaire. Des troubles de la ventilation, tels qu’un aspect de piégeage aérique si le cliché est réalisé en expiration, ou d’atélectasie peuvent être visibles. Si la radiographie initiale est normale, elle ne doit pas être répétée en période intercritique. Figure 1. Cliché standard de face, détail centré sur le hile pulmonaire droit, visualisation d’images en rail et en anneau, péri-hilaires correspondant aux parois bronchiques épaissies chez un enfant suivi pour asthme. Figure 2. Cliché standard de face chez un enfant de 10 ans en période d’exacerbation fébrile. Syndrome bronchique caractérisé par des épaississements pariétaux bronchiques en particulier péri-hilaires et une distension pulmonaire diffuse. Foyer alvéolaire inférieur gauche, non systématisé. La tomodensitométrie thoracique avec injection intraveineuse de produit de contraste Le scanner thoracique n’est indiqué que dans le cas d’un asthme mal contrôlé malgré un traitement de fond bien conduit par corticoïdes inhalés ou en cas de doute diagnostique devant des symptômes atypiques tels qu’un stridor ou la persistance de symptômes depuis la naissance(3). Il peut être réalisé en cas d’anomalies persistantes sur la radiographie standard. Il s’intègre dans un bilan complet, réalisé en milieu spécialisé. Son intérêt est double, il permet la recherche d’un diagnostic différentiel mais également l’évaluation non invasive de l’atteinte des voies aériennes. En l’absence de contre-indication, l’injection de produit de contraste doit être utilisée systématiquement au cours d’un premier scanner pour bilan d’asthme sévère mal équilibré afin d’étudier de façon adéquate les structures médiastinales, en particulier le coeur, les gros vaisseaux et les chaînes ganglionnaires. L’injection d’emblée permet d’éviter la répétition des acquisitions en cas de doute diagnostique. • Technique : l’évolution des produits de contraste iodés permet leur utilisation sans recours au jeûne. La consommation de boissons en abondance avant et après l’examen est recommandée, et la prise d’un repas léger à l’horaire normal est autorisée (SFR). • Sédation : en scanner, la rapidité d’acquisition permet d’éviter la sédation dans la plupart des cas grâce notamment à une mise en confiance de l’enfant et de sa famille. Une contention sur planche peut être effectuée pour les nourrissons. • Injection : elle est effectuée en périphérie, si possible en évitant le pli du coude. L’utilisation d’un injecteur automatique permet d’obtenir un débit et une pression contrôlés. Le débit est adapté au cathlon. Pour l’étude du thorax, dans cette indication, la dose de 1 ml de produit de contraste iodé par kg de poids est suffisante. • Acquisition : la réalisation d’une apnée et de coupes en expiration ne peut être demandée avant l’âge de 6 ans et uniquement après entraînement. Une modulation de dose est toujours réalisée avec un kilo-voltage abaissé à 80 kV si le poids est inférieur à 45 kg et une modulation automatique des milliampères en fonction du constructeur. L’objectif est d’atteindre un niveau de dose irradiante le plus faible possible, tout en permettant la réalisation d’images informatives et diagnostiques. L’acquisition est hélicoïdale avec des coupes jointives de 0,6 à 1,2 mm d’épaisseur. Si des coupes en expiration sont réalisées, il s’agira d’une acquisition séquentielle, en coupes fines tous les 8 à 12 mm. On utilisera deux types de filtres de reconstruction et de fenêtre de lecture, pour l’étude du médiastin et du parenchyme pulmonaire. Des algorithmes de reconstruction sont systématiquement utilisés, l’examen est visualisé dans le plan axial et coronal et en coupes épaisses avec projection d’intensité maximum et minimum pour sensibiliser la détection respectivement des structures denses, telles que d’éventuels nodules ou structures vasculaires, et des structures hypodenses, telles que des zones de piégeage aérique ou des bronches dilatées. La réalisation de reconstructions en rendu de volume n’apporte pas d’information complémentaire mais peut être utile dans l’échange avec le clinicien et le chirurgien. Les reconstructions les plus souvent utilisées sont l’endoscopie virtuelle et les reconstructions volumiques des structures vasculaires. L’intérêt du scanner dans le bilan d’asthme sévère mal équilibré est double : la recherche d’un éventuel diagnostic différentiel et l’étude de l’atteinte des voies aériennes. Diagnostic différentiel d’asthme L’intérêt principal du scanner injecté dans le bilan d’asthme sévère non ou mal équilibré par un traitement corticoïde inhalé bien conduit est la recherche des arguments pour d’éventuelles pathologies responsables d’une symptomatologie de toux chronique. Parmi elles, certaines sont en effet responsables d’anomalies tomodensitométriques qui peuvent guider les examens complémentaires. Les anomalies plus fréquemment retrouvées sont des anomalies des arcs vasculaires (figure 3) et la broncho-pneumopathie obstructive post-infectieuse. Figure 3. Enfant de 1 an présentant une symptomatologie respiratoire obstructive depuis la naissance. Scanner thoracique avec injection intraveineuse de produit de contraste : reconstructions axiales (A) et coronales (B) en coupes épaisses et projections d’intensité maximale (MIP) et rendu de volume (C) mettent en évidence un double arc aortique avec l’aspect caractéristique de 4 troncs supra-aortiques, responsable d’une compression externe de la trachée. Schématiquement, on peut les diviser de la façon suivante, en fonction de la nature de l’obstruction(3) : – causes d’obstruction proximale : inhalation d’un corps étranger (figure 4), sténose trachéale ou bronchique, trachéo-broncho-malacie, malformations broncho-pulmonaires, tumeurs bénignes, malignes ou adénopathies compressives, anomalie des arcs aortiques, artère pulmonaire gauche aberrante ; – causes d’obstruction distale : mucoviscidose, dysplasie bronchopulmonaire, dyskinésie ciliaire primitive, séquelles de pneumopathie virale (figures 5 et 6) ; – pathologie d’inhalation : fistule œsotrachéale, fausses routes à répétition, reflux gastro-œsophagien ; – pathologie interstitielle chronique (nourrisson) ; – poumon éosinophile ; – cardiopathie congénitale avec shunt droit-gauche ; – insuffisance cardiaque. Figure 6. Scanner thoracique, reconstructions coronales en coupe épaisse et projection d’intensité minimum (MiniMip) en fenêtre parenchymateuse, permettant de sensibiliser la détection des zones hyperclaires chez un enfant présentant une bronchiolite oblitérante post-infectieuse. Figure 5. Scanner thoracique, coupe axiale en fenêtre parenchymateuse : visualisation de dilatations des bronches à parois épaisses au sein d’un lobe inférieur droit hyperclair et diminué de volume en faveur d’une bronchiolite oblitérante postinfectieuse. Évaluation du remodelage des voies aériennes Comme en radiologie standard, le scanner permet de mettre en évidence les différents éléments du syndrome bronchique (tableau). En ce qui concerne l’épaississement des parois bronchiques, l’évaluation demeure en pratique subjective (figure 7), compte tenu de l’absence de normes établies chez l’enfant. Un critère objectif d’épaississement pathologique a été proposé(4) sous la forme d’un score de visualisation des structures bronchiques dans le tiers externe du poumon, celles-ci étant normalement non visibles à ce niveau. Ce score étant significativement plus élevé chez les patients asthmatiques que chez les sujets contrôles mais non corrélé aux épreuves respiratoires fonctionnelles (EFR). Chez l’adulte, plusieurs études scannographiques(5-9), la plupart utilisant des logiciels de segmentation et de mesure automatique, ont permis de montrer que l’épaississement des parois bronchiques évalué en scanner était significatif par rapport à des sujets contrôles, corrélé au remodelage des parois bronchiques décrit histologiquement ainsi qu’à la sévérité de l’asthme évaluée cliniquement (EFR) et à l’évolution sous traitement. Le scanner a été proposé comme moyen d’étude longitudinale de l’évolution de la maladie chez des patients atteints d’asthme et de broncho-pneumopathie chronique obstructive. Cette proposition reste controversée et n’est pas appliquée en pratique clinique chez l’enfant. Dans la population pédiatrique, deux études en particulier(10,11) ont étudié la corrélation entre la mesure scannographique des parois bronchiques et les données histologiques (épaisseur de la membrane basale), ainsi qu’avec celles des EFR, leurs résultats sont contradictoires. Figure 7. Scanner thoracique, coupe axiale en fenêtre parenchymateuse. Visualisation d’épaississements pariétaux bronchiques diffus et irréguliers chez un enfant traité pour un asthme sévère. Outre l’épaississement des voies aériennes proximales, le scanner peut montrer les signes indirects du syndrome bronchique tels que des zones d’atélectasie ou de distension pulmonaire responsables d’une densité en mosaïque, mieux visible sur les acquisitions en expiration où elles correspondent à un piégeage aérique et reflètent l’épaississement des parois bronchiques distales et bronchiolaires, au-delà du seuil de résolution du scanner. En pratique, l’évaluation de la présence et de l’étendue des zones d’augmentation de la transparence ou de piégeage est effectuée de façon subjective, sensibilisée par les reconstructions en coupe épaisse et projection d’intensité minimale, mais elle est également automatisable et quantifiable grâce au développement récent de différents logiciels(9,12,13). L’IRM thoracique La place de l’IRM dans l’exploration de l’asthme reste à définir, mais les développements actuels sont prometteurs en imagerie de diffusion, de perfusion et dynamique. Des développements récents en IRM thoracique auront probablement, dans un avenir proche, des répercussions significatives dans le champ de l’imagerie de l’asthme sévère(14). D’ores et déjà, des séquences d’angio-IRM, sans injection intraveineuse de gadolinium, permettent l’étude en trois dimensions des structures vasculaires thoraciques donc la recherche, en particulier d’anomalie de position des gros vaisseaux médiastinaux. Les séquences de perfusion ont été validées par rapport à la scintigraphie de perfusion. Actuellement, elles ne permettent qu’une acquisition à un temps donné (pic de rehaussement) mais l’évolution tend vers l’évaluation du temps de remplissage capillaire(14). Enfin, l’IRM de ventilation reste pour le moment du domaine de la recherche avec l’utilisation de gaz hyperpolarisés (HE3 et XE 129)(15-18) dont la lourdeur de réalisation n’est pour le moment pas applicable à la clinique, mais les développements de séquences de diffusion dynamiques, permettant notamment l’étude volumique des zones de piégeage expiratoire, sont fort prometteurs, montrant des résultats superposables à ceux du scanner dans l’étude des zones de piégeage expiratoire, mais également une sensibilité dans la détection de défects de ventilation, présents chez des patients atteints d’asthme avant l’altération des EFR(19,20). • La radiographie standard en incidence antéro-postérieure est l’examen de choix en première intention dans l’asthme. Elle ne doit pas être répétée en période intercritique en cas de normalité. • Le scanner avec injection intraveineuse de produit de contraste iodé présente un intérêt double dans les cas sélectionnés d’asthme sévère mal ou non équilibré sous traitement corticoïde inhalé bien conduit. Il fait partie intégrante d’un bilan complet réalisé en milieu spécialisé. Il permet la recherche d’arguments pour un diagnostic différentiel d’asthme dont les principaux sont les anomalies congénitales vasculaires ou broncho-pulmonaires et la bronchiolite oblitérante post-infectieuse. Il permet également une évaluation du remodelage des voies aériennes et de la sévérité de la maladie. • Enfin, la place de l’IRM est encore à définir mais augmentera dans un avenir proche grâce à l’apparition de nouvelles séquences permettant, sans irradiation, l’obtention d’informations morphologiques et fonctionnelles.
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