Publié le 21 avr 2013Lecture 7 min
La ou les toux : entendre pour mieux comprendre
G. BENOIST - Pédiatrie générale et Urgences pédiatriques, Hôpital Ambroise-Paré, Boulogne
La toux est un symptôme banal et pourtant source d’angoisse pour les parents et de perplexité diagnostique pour le pédiatre. Une anamnèse et un examen clinique exhaustifs et rigoureux, appuyés d’une radiographie du thorax permettent le plus souvent de distinguer une toux normale ou attendue après un épisode infectieux viral, d’une toux chronique spécifique nécessitant plus d’investigations.
Vidéos Bronchiolite - Sick with Bronchiolitis (caused by RSV) Coqueluche - Sophia Wigal coughing Laryngite - baby with Croup Stridor Barking Cough visual & audio sound Toux grasse mucoviscidose - Physical therapy cystic fibrosis inpatient 5 year old Fausses routes - Recovery after coughing spell after eating Baby Trachéomalacie - Bailey tracheomalacia Bronchiolite - Sick with Bronchiolitis (caused by RSV) Pourquoi la toux inquiète-t-elle les parents ? La toux est un signe respiratoire très fréquemment rapporté dans la population générale. On estime que 10 à 30 % des enfants ont une toux chronique isolée. Malgré cette prévalence, l’expérience des consultations témoigne du caractère angoissant de ce symptôme. Les peurs des parents sont multiples, motivant le recours médical parfois dans la nuit aux urgences : peur de l’étouffement ou bien de la gravité d’une crise d’asthme, manque de sommeil (et du retentissement sur les performances scolaires), crainte d’une maladie sévère de mauvais pronostic ou de séquelles pulmonaires(1). La toux chronique : « s’entendre » sur les définitions Dans la littérature, la durée de symptomatologie pour définir une toux chronique chez l’enfant s’étend entre 3 et 12 semaines. Les recommandations de la Bristish Thoracic Society ont choisi une durée supérieure à 8 semaines(2) ; celles de l’American College of Chest Physicians une durée supérieure à 4 semaines(3). La variabilité des définitions est liée au temps considéré comme normal de résolution spontanée d’une toux persistante au décours d’un épisode infectieux des voies respiratoires. Ainsi, les recommandations anglaises proposent une forme clinique intermédiaire entre la toux aiguë (< 3 semaines) et la toux chronique, appelée toux aiguë prolongée (prolonged acute cough), dont la durée est comprise entre 3 et 8 semaines. Les toux : normales, spécifiques, non spécifiques Tousser peut être normal ! La toux est un mécanisme réflexe de protection des voies aériennes. Des enregistrements vidéos ambulatoires de 24 heures ont permis d’observer jusqu’à 30 épisodes de toux par jour chez l’enfant sain, avec en moyenne 11 épisodes, pour la plupart diurnes(3). De la même façon, la toux qualifiée d’attendue correspond à une toux persistante observée de manière quasi-physiologique après une infection virale des voies aériennes, comme par exemple dans la bronchiolite aiguë où la toux persiste plusieurs jours avant régénération d’une activité mucocilaire efficace. Une étude a retrouvé 26 % de sujets tousseurs à 14 jours d’évolution d’un rhume banal(4). Une réévaluation de l’état clinique, ainsi que l’expérience du clinicien permettent le plus souvent d’éviter des explorations inutiles. En dehors de ces situations, un enfant ayant une toux chronique doit bénéficier, en plus d’une anamnèse et d’un examen clinique très rigoureux, d’une radiographie du thorax de face en inspiration et en expiration. Au terme de cette enquête, la symptomatologie de l’enfant peut être rattachée au groupe des toux spécifiques, dont les causes sont traitées dans les articles suivants, ou s’intégrer souvent par défaut au groupe des toux non spécifiques(2). Écouter la description du contexte par les parents Une anamnèse détaillée est indispensable à la démarche diagnostique. Y a-t-il des antécédents : maladies respiratoires ou atopie familiales, cardiopathie ou pathologie pulmonaire connues ? Comment est l’environnement : tabagisme passif, mode de garde ? Quand et comment la toux a-t-elle commencé : âge de l’enfant, après un épisode infectieux viral ou un contage intrafamilial, de façon brutale ? Quelles sont ses caractéristiques : toux sèche versus toux productive, spasmodique, rauque, émétisante, diurne, nocturne ? La toux est-elle isolée ou associée à d’autres signes : wheezing, fausses-routes, bronchorrhée, dyspnée d’effort, ralentissement staturopondéral, asthénie ? Quels en sont les facteurs déclenchants : primodécubitus, exercice, air froid, alimentation ? Quelles sont les modalités évolutives : aggravation, réponse aux antitussifs ou aux b2-mimétiques ? Traquer à « toux » prix des signes d’alerte Les principaux signes devant alerter le clinicien sont : un début néonatal, une persistance estivale des symptômes, un encombrement bronchique permanent, des infections répétées des voies aériennes supérieures et/ou inférieures, des épisodes de fausses routes alimentaires et/ou de malaises avec cyanose, un wheezing ou un stridor permanent, une dyspnée aux deux temps, un souffle cardiaque, un retard de croissance staturopondérale, une limitation des activités, un retentissement sur le sommeil, une déformation thoracique, un hippocratisme digital(2,5). Entendre (et voir) la toux : quand le smartphone se substitue au stéthoscope « Dis-moi comment tu tousses, et je te dirais ce que tu as ». Malheureusement, l’enfant ne tousse pas au moment de la consultation et l’examen clinique est le plus souvent normal. La conduite diagnostique ne repose bien souvent que sur l’anamnèse, d’où la nécessité qu’elle soit rigoureuse. Pour autant, peut-on se fier aux signes cliniques rapportés par les parents ? Des auteurs se sont intéressés à la perception du symptôme « sifflement » (wheeze). Dans une première étude, ils ont observé que seulement 40 % des parents qualifiaient leur enfant de « siffleur » sur l’écoute des signes respiratoires, alors que les autres ne se basaient que sur une impression globale de gêne respiratoire ou sur le simple fait que l’enfant toussait(6). Dans une seconde étude, ils ont analysé comment des parents interprétaient des vidéos proposées. Près de 60 % d’entre eux identifiaient correctement les vidéos d’enfants avec un wheezing, et environ 70 % localisaient ce signe respiratoire aux bronches(7). « Entendre (et voir) » le patient tousser rétrospectivement est sans nul doute très utile à la l’enquête étiologique. La généralisation des smartphones permet alors d’entendre et ainsi… de comprendre. L’intérêt d’une vidéo « capturant » la toux de l’enfant et délivrant une sémiologie non dénaturée au clinicien devient une évidence pour qui l’a intégrée à sa pratique. Entendre parfois raison… devant une toux non spécifique Les troubles respiratoires somatoformes, situés au croisement entre l’organique, le fonctionnel et le psychologique, sont souvent considérés comme des diagnostics d’élimination après une enquête paraclinique de réassurance parentale et parfois médicale(8). Cette conduite diagnostique avec surmédicalisation est toutefois discutable en raison du risque d’aggravation de la symptomatologie et des coûts générés. Ces toux dites « non spécifiques » ont des similitudes cliniques qu’il faut connaître : toux sèche avec stéréotypie sémiologique propre à chaque sujet, diminution de la toux durant le sommeil et la distraction, gêne essentiellement pour l’entourage que pour le patient (belle indifférence). Une réévaluation régulière permet un suivi raisonné de l’enfant, en s’assurant toujours de l’absence de signe évocateur de toux spécifique. Pour la pratique, on retiendra : Il n’y a pas une toux mais des toux. Bien repérer les signes d’alerte nécessitant des explorations plus spécifiques. Faire enregistrer les enfants tousseurs sur les smartphones des parents (s’ils en possèdent un). Rassurer le plus souvent et ne pas succomber à la prescription d’examens inutiles.
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