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Pédiatrie générale

Publié le 17 juin 2012Lecture 11 min

Traiter un enfant par homéopathie comporte-t-il un risque ?

M.-N. DOMALAIN, Malakoff
Les traitements homéopathiques sont réputés ne présenter aucun danger ; ce n’est pas tout à fait exact, car si les médicaments homéopathiques n’ont pas de toxicité proprement dite, on peut observer un certain nombre de problèmes liés à la pratique de cette thérapeutique.
Comment travaille un pédiatre homéopathe ?  Pour mieux comprendre les risques éventuels des traitements homéopathiques, il faut savoir comment travaille un pédiatre homéopathe. La démarche initiale est la même que celle de tout pédiatre, qui est d’aboutir à un diagnostic ; en distinguant deux types de maladies : – la maladie « aiguë » : par exemple, une grippe, une varicelle ; que tout enfant peut faire en contexte épidémique ; – la maladie « chronique » : par exemple, l’asthme où la crise est la manifestation aiguë d’une maladie chronique qui nécessitera un traitement de « terrain ». Le diagnostic établi, il faut choisir le traitement ; il existe trois situations : – dans certains cas, le traitement classique, allopathique, est obligatoire ; il ne se discute pas en cas de diabète, leucémie, infection urinaire haute, etc. ; – l’homéopathe n’hésite pas non plus dans certaines pathologies bénignes… en particulier les affections ORL du jeune enfant, où la plupart des médicaments « de confort » ont été supprimés, mais où les médicaments homéopathiques peuvent soulager sans risques ; – dans certains cas, on a le choix : par exemple, dans les otites ; antibiothérapie bien ciblée ou homéopathie ? Rien n’empêche de commencer par l’homéopathie en prévoyant un antibiotique s’il n’y a pas d’amélioration rapide. Dans le cadre des manifestations aiguës d’une maladie chronique, on peut très bien utiliser les deux abords, dans l’asthme, encore comme exemple : si un traitement homéopathique ne soulage pas très rapidement l’enfant, on utilisera un traitement allopathique lors des accès aigus, en mettant en place un traitement de terrain pour diminuer ou supprimer la fréquence des crises. Parfois, on ne peut pas poser un diagnostic initial : c’est le cas ô combien fréquent d’une poussée fébrile chez un jeune enfant ! Classiquement, on attend en expliquant aux parents comment surveiller le bébé, en lui donnant du paracétamol s’il ne tolère pas bien la fièvre et en prévoyant des examens complémentaires si la fièvre perdure. L’homéopathe donne les mêmes conseils, mais peut prescrire certains médicaments en fonction des caractéristiques de la poussée fébrile et des antécédents de l’enfant : s’il a déjà fait des épisodes ayant débuté de la même façon et ayant dégénéré plus ou moins vite, par exemple en otite ou en angine, on peut choisir un traitement pour éviter l’évolution habituelle. Bien entendu, si tout rentre vite dans l’ordre, on ne saura jamais si on le doit au traitement ou à la bonne nature ! Soyons modestes, attribuer toutes les guérisons à l’homéopathie est un péché d’orgueil et un risque pour certains homéopathes…   Risques liés à l’homéopathie elle-même Les fausses routes C’est un risque théorique qui ne peut exister que chez le tout-petit. En fait, les nourrissons sont capables très jeunes d’ingérer les médicaments (sachant qu’il vaut mieux les sucer en bénéficiant de l’absorption salivaire qui est la plus rapide ; mais on peut quand même les croquer ou les avaler sans perdre de l’efficacité). On peut bien sûr faire fondre granules et globules. Les médicaments sous forme liquide ne sont pas indiqués car ou bien ils sont alcoolisés, ou bien la durée de conservation est brève. Il existe aussi des « triturations » dont la poudre se dissout plus facilement, mais elles se conservent moins bien et ne sont habituellement pas disponibles rapidement en pharmacie.   L’intolérance au lactose Les granules et globules contiennent du lactose, et cela peut poser problème chez certains enfants intolérants ; il faut alors demander que les médicaments soient préparés sur un support de saccharose.   Les aggravations homéopathiques Les médicaments homéopathiques ne sont pas « toxiques » car très dilués. Rappelons que schématiquement on prépare une première CH (Centésimale Hahnemanienne) en mélangeant une goutte de produit à 99 gouttes de solvant, une 2 CH en mélangeant une goutte de 1 CH à 99 gouttes de solvant et ainsi de suite. Il existe d’autres méthodes de dilution, par exemple les Korsakoviennes (K) où l’on vide le flacon contenant le produit, puis on le remplit de solvant, ce qui donne un mélange de dilutions souvent intéressant. Les premières dilutions qui risqueraient d’être encore toxiques ne sont en général pas délivrées. On peut cependant avoir des aggravations transitoires quand on répète trop souvent les prises, surtout en basses dilutions. Il existe un bon exemple avec Chamomilla utilisé par de très nombreuses familles qui n’hésitent pas à en donner très souvent, quelquefois même en préventif, ce qui n’est pas conseillé ; on voit parfois des nourrissons surexcités pour lesquels les parents nous disent : « Je ne comprends pas, je lui donne pourtant du Chamomilla 2 à 3 fois par jour depuis 3 semaines pour le calmer ». Il suffit d’arrêter les prises pour que tout s’arrange en quelques heures en conseillant de les reprendre plus tard, mais uniquement en curatif, en montant la dilution et en n’en donnant pas trop souvent !   « Les squelettes du placard » Un risque plus rare est de déstabiliser une famille en parvenant très vite à supposer, grâce au médicament choisi, qu’il y a un problème profond et douloureux dans la famille, mais soigneusement caché à l’enfant (et au médecin). En effet, une caractéristique de certains médicaments est de correspondre à une situation donnée. Prenons le cas assez souvent retrouvé avec la prescription d’Arsenicum album qui est démonstratif. Quand ce médicament est indiqué, il existe assez souvent un contexte de maladie grave ou de deuil (par exemple, une fausse couche avant la grossesse actuelle, un doute sur les dépistages anténataux faisant craindre pendant quelques semaines une anomalie du bébé, un décès dans l’entourage proche, etc.). Le problème peut être signalé d’emblée et il orientera bien sûr vers le remède. Mais parfois, il est complètement occulté, soit pour protéger l’enfant (« il est trop petit »), soit parce qu’il est trop douloureux pour les parents d’en parler. L’homéopathe va trouver pendant la consultation des éléments qui vont l’orienter vers ce médicament : c’est un bébé frileux, dont les problèmes se manifestent souvent vers 1 h du matin, qui a au départ une maladie bénigne, une rhinopharyngite par exemple, mais qui va brusquement se compliquer (otite aiguë) après une semaine d’évolution ; c’est un jeune enfant méticuleux, voire maniaque, qui range spontanément ses affaires et celles des autres, etc. Et on va bien sûr se demander s’il n’y a pas un problème plus profond, qui peut être récent mais parfois plus ancien, pouvant même remonter à une génération précédente… Il faut être très prudent, mais il faudra bien « sortir » ce problème un jour si on veut soigner correctement l’enfant ; trouver le bon moment pour en parler n’est pas toujours évident, surtout si on ne connaît pas encore bien la famille… et nous ne sommes pas psychiatres ! (cf. Les deux observations démonstratives d’Arsenicum album. Encadré)   Risques liés à la mauvaise utilisation de l’homéopathie La surmédicalisation Les médicaments homéopathiques étant réputés inoffensifs, les parents n’hésitent quelquefois pas à traiter leur enfant au moindre bobo ; certains même demandent dès la consultation du 1er mois un « traitement de fond pour qu’il ne soit jamais malade ». Cela part souvent d’une bonne intention, vouloir le bienêtre de bébé, ou d’une angoisse devant les maladies à venir ; mais parfois, cette demande est liée au fait qu’un enfant malade, c’est gênant pour les parents. Il faut donc bien expliquer aux parents que leur enfant fera forcément des petites maladies, et qu’en fait c’est utile pour qu’il puisse s’immuniser. Que certains enfants seront peu malades, et qu’un traitement bref au moment d’un épisode suffira largement. Qu’un enfant n’a pas besoin d’être parfait : par exemple, si on a bien amélioré un eczéma et qu’il ne reste qu’une petite plaque pas gênante, il faut la tolérer et ne pas en faire plus. Que les médicaments ne sont pas toxiques, mais qu’en abuser peut provoquer des aggravations transitoires. Qu’il n’est pas sain pour le psychisme de l’enfant (et des parents !) d’avoir toujours une « béquille » médicamenteuse, qu’elle soit homéopathique ou allopathique… Quant à l’automédication par les parents, elle peut être utile quand les parents sont raisonnables : chez un enfant faisant souvent des épisodes répétés semblables, un traitement peut être renouvelé spontanément sans danger, à condition que nous ayons bien « formé » ces familles et qu’elles soient capables de repérer un symptôme inhabituel pouvant faire craindre une autre pathologie ; le coup de téléphone pour conseiller est souvent fort utile.   La « cohabitation » allopathie/homéopathie Un autre danger est la mauvaise prise en charge du passage de l’allopathie à l’homéopathie ou de leur « cohabitation ». Par exemple, dans un asthme où les parents viennent nous voir parce que le traitement allopathique leur semble très lourd ou ne soulage pas suffisamment leur enfant, il arrive que le traitement allopathique soit brutalement arrêté et remplacé par l’homéopathie, soit par des parents lassés, soit malheureusement par un homéopathe « inconscient » ; avec souvent des catastrophes à la clé… Donc, il ne faut jamais le faire ! L’attitude raisonnable est de démarrer le traitement homéopathique en gardant le traitement allopathique, puis d’essayer très progressivement de diminuer ce dernier. Il arrive qu’on puisse faire un sevrage allopathique complet mais cela peut prendre plusieurs semaines ou mois ; souvent, aussi, on peut diminuer la lourdeur du traitement allopathique sans l’arrêter complètement. Il faut alors bien réexpliquer aux parents la gestion des crises, en commençant ou non par l’homéopathie en fonction des circonstances, mais en passant très vite à l’allopathie s’il n’y a pas une amélioration très rapide. Si les parents ne semblent pas fiables, mieux vaut ne prévoir que le traitement allopathique pour les crises. Il faut donc beaucoup de doigté pour gérer ces situations. Il arrive aussi que des parents viennent nous voir en cas de maladie chronique « grave » quand ils ont peur de la lourdeur et des inconvénients du traitement allopathique, ou quand ils comprennent que le pronostic est mauvais, espérant parfois « un miracle ». Par exemple, en cas de diabète ou de cancer. Il faut bien leur expliquer que les miracles n’existent pas (même si on voit parfois des améliorations surprenantes sous homéopathie…) et qu’il est hors de question d’arrêter le traitement allopathique. Cependant, l’homéopathie peut être utile pour limiter les inconvénients des traitements classiques : par exemple, dans les stomatites des chimiothérapies.   Que faire quand les parents refusent tout traitement allopathique ? Certains parents refusent tout traitement allopathique, quel qu’il soit, et c’est là encore une situation difficile à gérer. Refuser carrément de les prendre en charge est la solution la plus confortable, mais il y a un risque que la famille finisse chez des « charlatans ». La solution la plus raisonnable est d’essayer de commencer à nouer une relation de confiance avec les parents. Il arrive avec de la patience qu’on leur fasse changer d’avis au moins partiellement, qu’on leur fasse accepter certains vaccins (ce n’est évidemment pas l’idéal, mais c’est quand même mieux que rien…). Mais, il y a un risque de se faire « manipuler », les parents ne venant que lorsque l’enfant est malade, fuyant la discussion, produisant même parfois de faux certificats de vaccinations (c’est exceptionnel, mais hélas cela existe). Bien entendu si l’enfant a une maladie grave, il faut être très ferme et cela peut aller jusqu’au signalement de la famille.   Conclusion Traiter un enfant par homéopathie comporte peu de risques, à condition de bien gérer la prise en charge. Il arrive malheureusement que des médecins prescrivent des traitements homéopathiques, à la demande (de plus en plus fréquente !) des familles, sans formation réelle à cette thérapeutique, alors qu’il faut beaucoup de travail pour essayer de devenir un homéopathe compétent. Il existe alors deux risques – les effets indésirables que nous avons évoqués plus haut ; et l’inefficacité du traitement –, qui génèrent un dernier risque : le renoncement des parents aux traitements homéopathiques, qui pourraient pourtant bien souvent aider leur enfant.  

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