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ORL et Stomatologie

Publié le 10 juin 2012Lecture 8 min

La toux et les antitussifs

G.GERTNER, Paris
Souvent gênante, voire épuisante, la toux demande souvent à être explorée, à la recherche d’une des très nombreuses étiologies possibles. Par ailleurs, le traitement symptomatique d’une toux non productive, si l’on veut éviter le plus possible les effets secondaires, nécessite d’effectuer une sélection rigoureuse parmi les classes thérapeutiques disponibles. À la suite de la publication relativement récente des recommandations de l’Afssaps en matière de prise en charge de la toux aiguë chez le nourrisson (1), il apparaît utile de faire une mise au point sur l’utilisation des antitussifs.
La toux peut être aiguë ou chronique, sèche ou productive, d’horaire et de périodicité variables, parfois iatrogène, accompagnée ou non de signes associés (asthénie, insomnie, douleur, dyspnée, fièvre, dysphonie, vomissements, reflux gastro-intestinal, hémoptysie, etc.), avec un retentissement psychosocial plus ou moins important. Parfois, elle peut même s’accompagner de complications (hernie inguinale ou abdominale, incontinence urinaire, fracture costale, pneumothorax, etc.) (10). La toux est attribuée dans 75 % des cas à une infection des voies respiratoires (10), le plus souvent d’origine virale chez le nourrisson (1). Autant la toux constitue un mécanisme de défense à respecter dans les toux productives, visant au rejet d’expectorations muqueuses ou purulentes, autant elle peut être à l’origine d’une réelle détérioration de la qualité de vie lorsqu’il s’agit d’une toux sèche, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une toux chronique. Cette dernière est considérée comme telle lorsqu’elle dure plus de 3 semaines (6), voire 6 à 8 semaines (11). De mult iples étiologies La recherche des causes les plus fréquentes tient compte du contexte sémiologique. Ainsi, s’il s’agit d’une toux aiguë récente, dans un contexte infectieux, l’origine de la toux peut être attribuée facilement à une rhino-pharyngite, une sinusite, une bronchite aiguë, une pneumopathie, etc. À noter que la coqueluche voit sa fréquence augmenter, avec une toux sèche quinteuse assez caractéristique, qui peut se chroniciser. Dans un contexte allergique, une toux sèche, particulièrement si elle est nocturne, doit évoquer un asthme. S’il s’agit d’une toux chronique sèche, les diagnostics à envisager vont du reflux gastro-oesophagien au cancer bronchique en passant par les pathologies interstitielles, une origine ORL (laryngite chronique du fumeur, cancer, rhinosinusite, etc.), un équivalent d’asthme, une origine iatrogène (IEC), voire psychogène. Quant à la toux chronique productive, elle est à relier le plus souvent à une bronchite chronique ou à une dilatation des bronches (11). Face à une toux non productive, qu’elle soit aiguë ou chronique, la demande de soulagement des patients est impérieuse. Or, si la pharmacopée comporte de nombreux antitussifs, le nombre de molécules qui ont fait leurs preuves en termes d’efficacité est faible. Par ailleurs, ce nombre se réduit davantage encore si l’on veut en choisir un qui soit bien toléré (6).   Quelques chiffres… Cependant, si dans le cadre d’une toux sèche chronique, le traitement antitussif ne semble pas efficace au bout de quelques jours, il est nécessaire de rechercher une étiologie spécifique. Il existe deux types d’antitussifs selon qu’ils ont une action centrale ou périphérique. La famille des antitussifs d’action centrale comporte les antitussifs opiacés, les antihistaminiques H1 et deux non-opiacés non anti-H1.   Les opiacés La codéine Son efficacité ne semble pas supérieure au placebo, chez les patients porteurs d’infections des voies aériennes supérieures (12,13). En revanche, son efficacité semble plus marquée dans la toux liée à des affections bronchiques (14). Cependant, à doses thérapeutiques, la codéine est responsable, entre autres, de troubles digestifs (constipation), de dépression respiratoire, de somnolence et de risque de dépendance en cas d’utilisation prolongée (15). Le dextrométhorphane Les études publiées à propos de ce dérivé synthétique d’alcaloïdes (16,17) semblent montrer une certaine efficacité antitussive dans la toux d’origine trachéo-bronchique, mais une efficacité relativement faible dans les toux dues à une infection respiratoire des voies aériennes supérieures, comparée au placebo (12 à 17 %). À dose thérapeutique, le dextrométhorphane est dépourvu d’effet dépresseur respiratoire et de risque de pharmacodépendance (18), mais reste à l’origine d’effets secondaires tels que somnolence, vertiges et troubles digestifs. La pholcodine D’une efficacité comparable à celle du dextrométhorphane, son profil de toxicité comporte le même type d’effets indésirables que la codéine. Son efficacité est variable selon les études, équivalente au dextrométhorphane dans la toux aiguë non productive (19). En revanche, l’Afssaps a indiqué récemment que la pholcodine pourrait être un facteur de survenue d’accidents allergiques rares mais graves lors d’anesthésies (19). Cette réévaluation du rapport bénéfice/risque a décidé les autorités sanitaires à soumettre tous les médicaments contenant de la pholcodine à prescription médicale obligatoire (20). La noscapine Il s’agit d’un alcaloïde de l’opium dont l’efficacité antitussive est inférieure à celle de la codéine (18). Elle n’est disponible en France qu’associée à un anti-H1, la prométhazine. Aussi, sa prescription doit tenir compte des précautions habituelles des antitussifs opiacés et des anti-H1. À noter que tous ces dérivés opiacés sont réservés à l’adulte et à l’enfant de plus de 30 mois et sont le plus souvent à éviter pendant la grossesse et pendant l’allaitement.   Les antihistaminiques anticholinergiques Ces antihistaminiques de première génération sont souvent le fait d’une automédication, alors qu’il existe peu de données récentes concernant leur efficacité. Aussi, leur large utilisation est due au fait qu’il s’agit de produits familiers, connus depuis longtemps, et donc considérés comme efficaces et sûrs par le grand public, au point que les mentions concernant les effets secondaires ne sont pas lus. Par ailleurs, les parents espèrent réduire les réveils nocturnes dus à la toux, bien que rien de soit démontré dans ce domaine (21). Or, ces antihistaminiques sont à l’origine d’effets secondaires, particulièrement de type neurovégétatifs (sédation, somnolence, vertiges, baisse de la mémoire ou de la concentration, potentiellement dangereux (22). De ce fait, le groupe d’experts du GA2LEN (Global Allergy and Asthma European Network) recommande qu’ils ne soient plus disponibles en automédication. Par ailleurs, leur action anticholinergique explique d’autres effets secondaires (sécheresse des muqueuses, constipation, troubles visuels, rétention urinaire). Enfin, les antihistaminiques, associés à d’autres médicaments, sont à l’origine d’interactions médicamenteuses défavorables, nécessitant des précautions d’emploi, voire sont à l’origine de contre-indications (23).   Les autres antitussifs d’action centrale Il s’agit de deux antitussifs non opiacés non anti-H1 (oxéladine, pentoxuvérine) dont l’efficacité est réputée plus faible que celle de la codéine (18). Peu de données sont disponibles sur la tolérance de l’oxéladine. Les effets secondaires de la pentoxyvérine sont marqués par la somnolence, la sécheresse des muqueuses, la constipation.   Les antitussifs d’action périphérique Dépourvus d’effets centraux, ils sont réputés avoir une meilleure tolérance. En France, dans cette classe thérapeutique, seule l’hélicidine est disponible. Son activité antitussive est liée à son effet spasmolytique bronchorelaxant (24). Son efficacité clinique, dans une étude avec polysomnographie, en double insu contre placebo (25), a montré chez 30 patients âgés de plus de 40 ans, porteurs d’une BPCO en état stable, une réduction significative (p<0,05) de la toux en fréquence et en durée dans le groupe hélicidine (78%) par rapport au groupe placebo (35 %) sur les deux critères. À noter que les patients présentaient soit plus de 20 épisodes de toux nocturne, soit 3 épisodes de toux par heure lors de deux nuits consécutives. Par ailleurs, une étude randomisée a été réalisée en simple insu, ayant pour objectif de démontrer la non-infériorité de l’hélicidine par rapport au dextrométhorphane à 0,3 % en sirop en termes d’amélioration de la qualité de vie évaluée, après 5 jours de traitement (score CQLQ). Les 247 patients inclus étaient âgés de 18 à 65 ans et avaient consulté leur médecin généraliste pour une toux sèche persistant depuis moins de 6 semaines. L’étude conclut à la non-infériorité de l’hélicidine par rapport au dextrométhorphane en termes de qualité de vie. Les traitements ont été bien tolérés dans les deux groupes (26). Indépendamment des réserves méthodologiques devant être prises en compte dans l’interprétation des résultats, ces études demeurent les seules mises en oeuvre récemment dans ce domaine thérapeutique. Si elles ne présentent pas de caractère de gravité, les toux non productives sont gênantes. Aussi, l’hélicidine, dont le rapport efficacité/ effets indésirables est favorable, entre dans le cadre d’un traitement symptomatique d’appoint.   En bref Les antitussifs, quels qu’ils soient, ne sont pas indiqués dans les toux productives. Par ailleurs, l’Afssaps contre-indique l’utilisation de tous les antitussifs chez les enfants de moins de 2 ans. En revanche, même si les recommandations des différentes sociétés savantes jugent globalement que le service médical rendu de cette classe thérapeutique est faible, il est indispensable de répondre à la demande justifiée des patients et des parents. En effet, la toux, particulièrement quand il s’agit d’une toux chronique, détériore la qualité de vie dans les domaines physique, psychologique et social (7). Aussi le choix d’un antitussif doit-il se porter vers celui qui expose peu au risque d’effets secondaires.

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