Publié le 20 déc 2024Lecture 6 min
Pour un hôpital en mouvement
Interview de Nathalie PÉCHALAT
L’association Premiers de cordée fait entrer le sport dans les services de pédiatrie pour la plus grande joie des enfants et au bénéfice de leur santé physique et mentale. Nous avons rencontré sa présidente, Nathalie Péchalat, ancienne championne de patinage artistique et Mathieu Pellan, pneumopédiatre (Hôpital Jean Verdier, Bondy) et référent scientifique de l’association (voir interview Mathieu Pellan).
Pédiatrie Pratique – Après avoir été 10 ans marraine de l’association Premiers de Cordée, vous êtes devenue sa présidente en janvier 2023. Pourquoi vous être engagée à ses côtés ?
Nathalie Péchalat – Ce qui m’a motivé c’est que l’association réunit les mondes du sport, de l’enfance et de la santé. J’avais moi-même une mère qui était médecin et c’est dans l’enfance que naissent les vocations de carrière sportive. Mais au-delà de la carrière, il est important de montrer, notamment aux enfants moins chanceux qui sont hospitalisés, que la pratique sportive peut les aider à se sentir mieux dans leur corps et dans leur tête.
Pédiatrie Pratique – Quelles sont les principales actions de l’association à l’hôpital ?
N. Péchalat – Nous avons deux types d’actions. D’une part, des initiations collectives, qui sont des activités physiques à but de santé. Les enfants d’un ou de plusieurs services pédiatriques se retrouvent dans un espace commun où ils pratiquent une discipline sportive, par exemple l’escrime, le football ou le badminton, etc. Ces actions se déroulent l’après-midi ou le soir à un moment où il n'y a plus de soins ni de visites et où les enfants sont seuls. Le deuxième volet est l’activité physique adaptée pour laquelle nous avons développé un matériel sur roulette, la tour Hopi Sport (figure), qui se déplace de chambre en chambre et permet de réaliser des sessions individuelles, ajustées aux capacités de l’enfant et à ses besoins. Cela permet aux jeunes alités ou en secteur protégé d’avoir eux aussi une activité physique.
Pédiatrie Pratique – Quelle est la formation des intervenants de votre association auprès des enfants ?
N. Péchalat – Ce sont des enseignants en activité physique adaptée qui ont une licence STAPS. Ils interviennent en lien avec les équipes soignantes afin que les activités s’inscrivent dans le parcours de soins des enfants.
Pédiatrie Pratique – Pensez-vous que le sport devrait s’installer de façon plus pérenne à l’hôpital ?
N. Péchalat – Oui, et c’est tout l’objectif de l’association. On sait que l’hôpital a peu de moyens humains et financiers, et nous intervenons dans des établissements qui ne peuvent pas engager un enseignant en activité physique adaptée.
Nous sommes aujourd’hui présents dans 100 hôpitaux en France, dans lesquels nous intervenons une à deux fois par mois, et notre objectif est d’être présent partout où il n’y a ni ces enseignants, ni associations qui interviennent sur le plan local. En 2024, environ 13 000 enfants ont pu profiter de nos actions.
Pédiatrie Pratique – Comment les services de pédiatrie accueillent-ils vos initiatives ?
N. Péchalat – Ce qui est difficile c’est de rentrer à l’hôpital, d’établir un lien et de se coordonner avec l’administration et les soignants. Une fois ces difficultés passées (lorsqu’elles existent), les retours sont toujours positifs et les équipes adhèrent aux initiatives de l’association.
Nous ne voyons les parents que lors des journées évasion, lorsque les enfants sortent de l’hôpital et que nous les emmenons dans un stade, le stade de France par exemple. Là, les familles sont présentes et toujours très enthousiastes.
Pédiatrie Pratique – Ressentez-vous des retombées positives après l’enthousiasme des Français pour les JO ?
N. Péchalat – Nous constatons un effet chez les enfants qui ont vu les jeux paralympiques et qui ont compris qu’il était possible de rêver malgré le handicap, l’appareillage, la maladie. Ils n’ambitionnent pas tous de réaliser des performances, mais ils ont vu ces athlètes se dépasser, cela leur donne de la force et confiance en eux.
Pour l’association, nous avons eu des retombés positives en amont des JO avec des entreprises qui ont voulu s’investir dans le mécénat. La situation est différente maintenant, toute la question étant de savoir si le soufflet ne va pas retomber et si le soutien des organismes privés et publics va se poursuivre.
Pédiatrie Pratique – Killian Mbappé, parrain de l’association, est-il un atout majeur auprès des enfants ?
N. Péchalat – C’est un de nos parrains très emblématique et lorsqu’il vient à l’hôpital la joie des enfants est à son comble. Mais nous avons aussi d’autres parrains, parmi lesquels Arsène Wenger, Thierry Omeyer, Vincent Clerc, Stéphane Houdet ou encore Marion Rousse, et d’autres champions nous rejoignent pour des opérations ponctuelles. La participation de ces sportifs de haut niveau à nos actions est très positive et encourageante. Ils sont touchés par notre cause et n’hésitent pas à donner de leur temps.
Pédiatrie Pratique – Vous avez été sportive de haut niveau en patinage, quel souvenir gardez-vous de vos entraînements, notamment à l’adolescence ?
N. Péchalat – L’entraînement intensif a été mon mode de vie très tôt, puisque j’ai commencé le sport-étude à 7 ans. Je me souviens qu’à l’adolescence mes amis ne comprenaient pas comment je faisais pour aller m’entraîner à 6 h du matin. En fait, je ne savais pas faire autrement, j’avais pris l’habitude dès mon plus âge et pour moi, c’était la norme. Le sport et les études ont toujours été liés dans ma vie et je pense qu’il est plus compliqué de commencer plus tard. J’en garde donc un bon souvenir car j’avais la possibilité de pratiquer tous les jours la discipline sportive que j’aimais. Je ne rêvais pas d’être championne du monde, je prenais juste du plaisir à faire ce que j’aimais. Cela nous apprend également à être responsable, ce qui évite sans doute quelques bêtises à l’adolescence.
Mes parents attachaient beaucoup d’importance à mon parcours scolaire et ils considéraient que si les résultats devenaient mauvais il valait mieux arrêter le sport, ce qui m’incitait à ne pas négliger les études. Je n’ai pas ressenti de pression de leur part, ce qui était important pour eux c’était que je progresse, que cela soit dans les études ou dans le sport. Ils voyaient le sport comme un hobby, ils ne me rêvaient pas en championne.
Pédiatrie Pratique – Le sport de haut niveau comporte toutefois des risques pour la santé physique et mentale.
N. Péchalat – Le sport de haut niveau est très exigeant et parfois la frontière entre le très exigeant et l’inapproprié n’est pas très claire, notamment pour les enfants et les adolescents. Je pense qu’aujourd’hui l’information est meilleure et que les jeunes sont mieux sensibilisés. On le voit, par exemple, sur la question de l’emprise, en lien avec n’importe quel type de violence. Cela ne veut pas dire que ça n’arrive plus, mais que les enfants savent mieux l’identifier et se confier à une personne de confiance face à ces situations.
Pédiatrie Pratique – Vous donnez des conférences sur le doute. Douter est-il le lot quotidien d’un athlète de haut niveau ?
N. Péchalat – Je donne ces conférences car je veux parler des bénéfices du doute qui n’est pas quelque chose d’entièrement négatif que l’on subit. Mais ce n’est pas le lot quotidien des sportifs de haut niveau, car il y a des moments pour douter et d’autres où l’on doit le chasser, par exemple à l’approche d’une échéance très importante. Il faut l’apprivoiser, reconnaître les moments où le doute est un moteur de succès, et d’autres où il faut s’en affranchir.
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