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Endocrinologie-Diabétologie

Publié le 27 déc 2024Lecture 7 min

Le rôle de l’activité physique dans la prise en charge de l’obésité

Gianpaolo DE FILIPPO, service d’endocrinologie-diabétologie pédiatrique, Hôpital Robert-Debré, Paris Inserm NeuroDiderot ; Groupe de recherche en médecine et santé de l’adolescent (GRMSA)

L’activité physique est un élément incontournable dans la prise la charge d’une obésité de l’enfant ou de l’adulte. Dans le sens commun, le conseil de pratiquer une activité physique dans ce contexte repose sur une idée reçue : le sport fait maigrir. Mais cette affirmation résiste-t-elle à la médecine basée sur les preuves ?

Les relations entre l’activité physique régulière et l’obésité ont été largement étudiées. Une étude Cochrane, après une sélection rigoureuse des articles, a conclu que les interventions combinées associant une prise en charge diététique et comportementale à une activité physique sont efficaces pour la prise en charge du surpoids. Mais si le niveau de preuve scientifique est très fort pour la prévention de l’obésité (niveau A), il n’en va pas de même pour ce qui est de la perte de poids si l’activité physique n’est pas associée à une intervention nutritionnelle. Globalement, on peut affirmer que les enfants qui ont un niveau élevé d’activité physique sont moins susceptibles de présenter un surpoids par rapport aux enfants sédentaires. Avec une meilleure hygiène de vie, ils préviennent l’obésité et gardent un poids correct.   Lutte contre l’environnement obésogène et activité physique   En 2014, l’Organisation Mondiale de la santé (OMS) a créé la « Commission on Ending Childhood Obesity », ayant pour objectif d’identifier les stratégies les plus efficaces pour endiguer l’épidémie d’obésité pédiatrique. Dans le rapport final, publié en 2016, l’environnement obésogène (EO) est défini comme « un environnement qui favorise un apport énergétique élevé et un comportement sédentaire ». Il existe un EO urbain, qui tient compte, par exemple, de la possibilité de bénéficier d’espaces aménagés pour l’activité sportive, des moyens de transport public, etc., et un EO familial, issu du mode de vie domestique. L’activité sportive est bien identifiée comme une priorité pour contrecarrer un environnement obésogène. L’activité physique seule sans modification du comportement alimentaire est-elle efficace ? Dans toutes les études, les effets de l’activité physique non associée à des modifications du comportement alimentaire sont minimes, surtout car sans changement de comportement, on assiste facilement à des phénomènes « compensatoires » (augmentation de l’apport calorique après l’effort). À titre d’exemple, une étude a montré que la natation se prêtait particulièrement à ce type d’attitude. Les auteurs avaient néanmoins observé que seulement les enfants en surpoids avaient ce comportement, laissant penser que l’exposition au froid (une des premières hypothèses évoquées) ne pouvait pas être la seule explication. D’autres études suggèrent, par exemple, que les changements dans la concentration de leptine, de catécholamines et dopamines puissent être à l’origine de cette envie pressante d’ingérer des calories après l’effort. Plus banalement, l’idée reçue « j’ai brûlé, donc je peux me permettre un petit (ou grand) écart » est souvent à l’origine du phénomène de compensation. Encore et toujours, le style de vie en premier lieu !   Les recommandations classiques chez l’adulte peuvent-elles s’appliquer aux enfants ? La prévention du surpoids ou de la reprise de poids après un amaigrissement, nécessiterait chez l’adulte une durée d’activité physique d’intensité modérée équivalent respectivement à 45-60 et 60-90 minutes par jour, tout en faisant attention à garder un contexte nutritionnel favorable. Néanmoins, même le niveau minimum d’activité recommandé, par exemple 30 minutes par jour d’activité d’intensité modérée 5 jours par semaine, est déjà susceptible d’apporter des bénéfices, et cela indépendamment de son impact sur le poids. Quid chez l’enfant ? Il est probable que les quantités préconisées pour l’adulte ne sont pas suffisantes : le temps minimum à dédier pour obtenir un effet bénéfique chez des sujets en pleine croissance serait plutôt de de 60 minutes (et non 30) par jour d’activité physique d’intensité modérée à élevée, sous forme de sport, de jeux ou d’activités de la vie quotidienne. Il ne faut pas oublier que ces recommandations sont des extrapolations des données obtenues sur des sujets adultes, limite fréquemment retrouvée dans les études pédiatriques qui s’intéressent au sujet de l’obésité et des comorbidités associées, un domaine que l’on croyait réservé à l’adulte jusqu’à une époque récente. Une étude pédiatrique a essayé de déterminer les valeurs seuils en termes de pas par jour chez des enfants des deux sexes âgés de 6 à 12 ans. Les filles faisant moins de 12 000 pas par jour et les garçons avec moins de 15 000 pas par jour avaient une chance accrue d’être en surpoids. Si on voulait transformer ces chiffres en temps, cela équivaut respectivement à 120 et 150 minutes d’activité par jour (tableau).   Après l’activité physique au quotidien, le sport ? Dans le langage courant, activité physique et sport sont souvent utilisés comme synonymes. En réalité, l’activité physique est définie comme « tout mouvement corporel produit par contraction des muscles squelettiques entraînant une augmentation de la dépense énergétique par rapport à la dépense énergétique de repos ». L’activité physique inclut la pratique sportive, mais ne peut être qualifiée de « sportive » si elle ne répond pas à certains critères, notamment la codification. Ainsi, l’expression la plus inclusive du mouvement humain est bien celle « d’activité physique », et fait consensus chez les scientifiques depuis une dizaine d’années. Dès lors, faut-il conseiller un sport ou une activité physique ? Idéalement, les deux. L’activité physique, on l’a vu, relève d’un style de vie. Les enfants qui bougent le plus sont moins exposés au risque d’obésité. Dans cette optique, toute activité physique doit être encouragée au quotidien. La mise en place d’un programme sportif codifié (rentrant dans la définition académique de sport) peut s’ajouter à l’activité physique pour en optimiser et multiplier les résultats. Surtout, l’engagement qui en découle (calendrier des séances, objectifs à atteindre) peut servir à garder une motivation constante. En même temps, tout exercice doit être adapté aux capacités de l’individu (et cela qu’il s’agisse d’un sujet en surpoids ou pas), sous risque d’induire un découragement rapide, et parfois définitif. Avant d’envisager la pratique régulière d’un sport, il est donc essentiel de définir le phénotype sportif de notre patient selon des éléments précis : – explorer les obstacles éventuels à la pratique d’une activité physique régulière, voire d’un sport (voir plus haut la définition d’environnement obésogène) ; – élaborer un plan d’entraînement approprié pour chaque enfant.   La motivation : un élément essentiel pour s’inscrire dans la durée Chamfort disait : ”Les raisonnables ont duré et les passionnés ont vécu” (d’après de Gaulle C. Discours pour le deuxième anniversaire de la France Libre). Dans un parcours de prise en charge de l’obésité, on doit fixer des objectifs raisonnables. La pratique d’une activité physique régulière doit s’inscrire dans la durée. Pour cela, il faut que l’enfant ou l’adolescent se découvrent passionnés, afin de garder la motivation sur le long terme. Une activité sportive, de préférence choisie par le patient, organisée avec deux à trois séances par semaine, avec des efforts adaptés à la personne, peut être un levier important. Le simple conseil d’augmenter l’activité physique, sans objectifs tangibles, risque vite de subir le même sort que les indications générales sur l’hygiène alimentaire. Une étude a comparé deux groupes d’enfants en surpoids : le groupe interventionnel associait le suivi nutritionnel à la pratique d’une activité sportive codifiée (1 heure deux fois par semaine) pendant 3 mois. Le groupe contrôle bénéficiait du même suivi nutritionnel, mais sans aucune activité sportive. Après 3 mois, le suivi intensif était interrompu et les patients étaient réévalués à 12 mois. Le groupe interventionnel présentait, comme on pouvait s’y attendre, une perte de poids un peu plus importante lors de la première période, mais surtout l’amélioration de l’indice de masse corporelle (IMC) continuait et se confirmait sur le long terme, contrairement au groupe contrôle (figure). Les enfants du groupe interventionnel avaient gardé les bonnes habitudes en termes d’activité physique. Il s’agit d’une étude avec de petits effectifs et avec un suivi qui ne dépasse pas la première année, mais elle a néanmoins le mérite de montrer les bénéfices d’un changement de style de vie induit par la découverte de l’activité physique. Figure. Les enfants qui continuaient à pratiquer une activité physique codifiée après la première période d’intervention, présentaient une évolution favorable de l’IMC sur le long terme (12 mois), d’après Nemet D et coll., 2005. Pour en savoir plus : • O’ Malley G, Thivel D (2015). Physical activity and Play in Children Who Are Obese. Dans Frelut ML. (Ed.) The ECOG’s eBook on Child and Adolescent Obesity. Disponible sur : ebook.ecog-obesity.eu. • Thivel D, O’Malley D, Aucouturier J. Exercise and Childhood Obesity. Dans: Contemporary Endocrinology: Pediatric Obesity: Etiology, Pathogenesis and Treatment. Freemark M (ed.) 2018.

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