Publié le 25 nov 2024Lecture 4 min
Retard pubertaire du garçon
Maxime GÉRARD, Paris
Grégoire est un jeune homme de 18 ans et 2 mois qui consulte de lui-même en endocrinopédiatrie, car il est inquiet et vit difficilement le fait de ne pas avoir débuté sa puberté. Il avait été suivi régulièrement par son pédiatre jusqu’à 18 ans. Il poursuit des études supérieures qui se passent bien.
Dans les antécédents familiaux, on note :
– son frère de 20 ans mesure 187 cm, et a fait sa puberté vers 15 ans ;
– sa mère mesure 170 cm et a eu ses premières règles à 14 ans ;
– son oncle maternel a fait sa puberté vers 16 ans ;
– son père mesure 180 cm, se souvient d’avoir eu une puberté tardive.
Il n’y a pas d’antécédent de cryptorchidie ou d’hypofertilité.
Dans les antécédents personnels :
Grégoire est né à terme, eutrophe, pas d’hypoglycémie néonatale.
À l’interrogatoire
– Pas de nycturie, pas de syndrome polyuropolydipsique ;
– pas de trouble du transit ;
– pas de céphalée ;
– pas de douleurs abdominales ;
– pas d’anosmie ;
– pas d’asthénie ;
– pas d’anorexie.
Il mange de tout et fait 2 heures de sport par semaine.
Ressenti du patient :
Difficultés dans sa vie psychique, sociale, ses relations avec ses pairs, ses relations affectives ; mauvaise estime de soi, difficulté à gérer son apparence dans le milieu professionnel.
Interprétation des données anamnestiques
Il n’y a pas de signes fonctionnels d’atteinte de l’hypophyse, pas de signe d’hypertension intracrânienne, pas de signe de syndrome de Kallmann (anosmie et déficit gonadotrope entraînant un retard pubertaire).
Il n’y a pas de signe de cause nutritionnelle ou digestive à son retard, ou de maladie générale (inflammation chronique, etc.).
À l’examen clinique
– 66,3 kg ; 168,5 cm ; IMC 23,35 kg/m2 ;
– classification de Tanner : A2P2G1 (avec testicules à 20 mm de grand axe, bilatéral) ;
– testicules en place, en position scrotale ;
– verge 40 mm, d’allure prépubère, sans hypospade ;
– pas de goitre ;
– pas de gynécomastie.
Auscultation cardiopulmonaire normale.
Pas de trouble du champ visuel au doigt.
Interprétation des données cliniques
– Une longueur de testicule inférieure à 25 mm (ou 4 ml de volume), stade de Tanner 1, après l’âge de 14 ans, signe le retard pubertaire ;
– verge de taille normale avant la puberté ;
– pas d’anomalie des organes génitaux externes ;
– pas de signe de compression du chiasma optique ;
– poids normal par rapport à la taille (un peu haut par rapport au retard de puberté).
Courbe de croissance
Infléchissement de la vitesse de croissance staturale, inférieure à 4 cm par an.
Prise de poids plus importante que la taille, IMC en hausse progressive.
Une prise de poids en regard d’un infléchissement statural est très suspecte d’atteinte hypophysaire.
Le bilan biologique, réalisé en ville par son médecin traitant, montre les résultats suivants :
– LH : 0,7 UI/l ;
– FSH : 3,39 UI/l ;
– testostérone : 1,02 nmol/l ;
– 17-hydroxyprogestérone : 1,3 nmol/l ;
– TSH : 1,84 mUI/l ;
– T4l : 11,19 pmol/l ;
– IGF1 : 197,9 ng/ml ;
– NFS, VS, créatinine, ionogramme sanguin normaux ;
– IgA totales normales ;
– IgA antitransglutaminase négatifs.
Âge osseux : 13 ans et 9 mois (présence d’un sésamoïde).
Interprétation
Retard pubertaire central (LH, FSH et testostérone basses).
Pas de déficit somatotrope franc (IGF1 normal dans le contexte de retard pubertaire).
Pas de dysthyroïdie.
Pas de signe d’hyperplasie des surrénales (17-hydroxyprogestérone non augmentée).
Pas d’intolérance au gluten.
Pas de syndrome inflammatoire.
Pas d’insuffisance rénale.
Bonne réserve de croissance (âge osseux correspondant au tout début de la puberté, 13 ans pour le garçon).
Donc : retard pubertaire central isolé (hypogonadisme hypogonadotrope)
Hypothèses diagnostiques
– Hypogonadisme hypogonadotrope congénital ;
– hypogonadisme hypogonadotrope acquis (tumoral), réactionnel (sur carence nutritionnelle).
Une imagerie hypophysaire doit être pratiquée en urgence, une IRM dans l’idéal, et ce pour 3 raisons :
– inflexion de la vitesse de croissance (cassure, moins de 4 cm par an) (en urgence) ;
– prise de poids de façon concomitante à l’infléchissement statural (en urgence) ;
– le retard pubertaire central (sans urgence).
Un complément de bilan a donc été demandé en urgence
– IRM hypothalamohypophysaire ;
– prolactine ;
– inhibine B ;
– cortisol libre urinaire des 24 h, 3 jours consécutifs.
L'IRM hypophysaire (figure 1) révèle la présence dans la selle turcique d’une formation relativement homogène sur la séquence T1, où elle est en isosignal au cortex à l’exception d’une petite image micronodulaire latéralisée à gauche en hypersignal. Rehaussement hétérogène après injection. Posthypophyse en hypersignal T1 spontané. Cette formation mesure 16 mm de hauteur sur 15 mm de diamètre antéropostérieur sur 18 mm de largeur, à distance du chiasma optique.
Figure 1 A. Coupe sagittale T1. B. Coupe sagittale T1 après injection de gadolinium. C. Coupe coronale T1 après injection de gadolinium.
Ces images montrent un aspect compatible avec un macroadénome hypophysaire (probablement à prolactine).
Résultats des analyses en urgence
– Prolactine : 843,5 ng/ml (très haute) ;
– inhibine B : 162 pg/ml ;
– AMH : 91,4 pmol/l.
Diagnostic : macro-adénome à prolactine
Grégoire est prise en charge en endocrinologie adulte, avec mise en place d’un traitement médicamenteux par agonistes dopaminergiques :
Dostinex® (cabergoline) 0,5 mg : 1 cp par semaine le soir au coucher. Induction de puberté par énantate de testostérone dans le même temps pour répondre au souhait du patient.
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