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Croissance

Publié le 25 nov 2024Lecture 7 min

Gros plan sur les troubles de croissance - Comment analyser les courbes de croissance ?

Dunlanjalee KARIYAWASAM, service endocrinologie, diabétologie, gynécologie pédiatriques, hôpital universitaire Necker-Enfants malades, Paris ; Université Paris-Cité

Chaque numéro de Pédiatrie Pratique comporte une thématique (Thema) déclinée en quelques articles le plus souvent placés en ouverture de la revue. Le Thema du mois de novembre était l’endocrinopédiatrie, un sujet qui s’est resserré autour du suivi de la croissance normale et pathologique. Vous découvrirez donc dans ces pages tout ce qu’il faut savoir pour dépister un trouble de croissance, quand s’alerter et quelle démarche diagnostique suivre. Bonne lecture !

La croissance de l’enfant est le reflet de son état de santé physique et mentale. Il est essentiel de suivre cette croissance afin de détecter précocement une altération de ce dernier.   Quelles courbes de croissance ?   La croissance a évolué avec les changements démographiques et l’état nutritionnel de la population française. En France, les premières courbes de croissance ont été établies en 1979 à partir d’une étude auxologique française longitudinale, menée par M. Sempé et M. Bouchard sur 588 nouveau-nés puis 171 enfants nés en 1953-1954, suivis jusqu’à l’âge adulte en 1975, originaires de France métropolitaine et habitant Paris ou sa proche banlieue. Ces courbes ont été actualisées en 1997. L’avantage de cette étude est son caractère longitu dinal, qui a permis d’établir également des courbes de vitesse de croissance, très utiles pour l’interprétation dans un contexte pathologique. Une nouvelle méthodologie a été appliquée en 2018 pour établir de nouvelles courbes de croissance représentatives de la population française, par l’équipe Inserm 1153/Cress, en s’appuyant sur une base de données auxologiques recueillies sur tout le territoire de la métropole française chez des enfants âgés de 1 mois de vie entre le 1er janvier 1990 et le 8 février 2018 avec un poids de naissance supérieur à 2 500 g. Ainsi, 5 000 000 mesures de poids, de taille ou de périmètres crâniens, provenant de 261 000 enfants ont été recueillies. Cette méthodologie s’appuie sur un maillage plus large de la population française actuelle. Il n’a cependant pas été possible d’établir des courbes de vitesse de croissance à partir de ces données, l’étude n’étant pas longitudinale. Ces courbes intégrées dans le carnet de santé ont révélé une taille moyenne adulte de 164 cm pour les femmes et de 176 cm pour les hommes vs 163 cm et 176 cm respectivement dans l’étude de M. Sempé et M. Bouchard, soit une faible variation. On remarque toutefois un décalage avant la phase pubertaire d’un écart-type dans les courbes actualisées de 2018.   Les phases de croissance   L’analyse d’une courbe de croissance passe par une bonne connaissance des différentes phases de croissance, qui sont au nombre de 4 et n'ont pas la même cinétique : – la croissance intra-utérine, qui est la phase de croissance la plus rapide de l’être humain ; – la croissance de 0 à 4-5 ans, est rapide et irrégulière ; elle décroît progressivement, passant de plus de 15 cm/an à 1 mois de vie à 7 cm/an à 4 ans ; – de l’âge de 5 ans à la puberté, la vitesse de croissance est lente et régulière (entre 5 et 6 cm par an en moyenne) ; – enfin, la phase pubertaire est une phase de croissance rapide, en pic. Elle n’est pas identique chez le garçon et la fille. L’âge de début de la puberté est en effet plus tardif chez le garçon : l’accélération de la croissance survient rapidement après le premier signe pubertaire chez la jeune fille (dès le stade Tanner S2), alors qu’elle débute 12 à 18 mois après le premier signe pubertaire chez le garçon (augmentation du volume testiculaire). Le pic pubertaire est en moyenne un peu plus élevé chez le garçon (prise moyenne de 28 cm pendant cette phase) que chez la fille (prise moyenne de 25 cm). La différence de taille moyenne entre les garçons et les filles est principalement liée à cette phase de croissance pubertaire. À la fin de la puberté, la vitesse est à nouveau faible jusqu’à l’arrêt de la croissance. Les courbes de vitesse de croissance sont utiles pour repérer dans le temps le début d’une altération de la croissance, elles aident donc à déceler les facteurs responsables du retard. Figure. Courbes de vitesse de croissance selon Sempé et al.(3).   Les facteurs influençant la croissance   Ces différentes phases s’expliquent par la diversité des facteurs intervenant dans la croissance.   Facteurs prénataux et utéroplacentaires La phase de croissance intrautérine dépend de la vascularisation placentaire, de la conformation et de la taille de l’utérus, de l’état nutritionnel de la mère et des facteurs de croissance maternels et fœtaux, dont les principaux sont l’insuline et certains IGF (insuline-like growth factor).   Facteur génétique Il existe une corrélation entre la taille des parents et la taille de l’enfant. La « taille cible génétique » calculée à partir des tailles parentales doit être interprétée avec prudence : 95 % de la population générale se retrouve autour de 1,5 écart-type de sa taille cible, ce qui veut dire qu’un enfant peut se situer un peu en-deçà ou au-delà de sa taille cible. Cette valeur est par ailleurs peu interprétable lorsque les parents ont des tailles extrêmes. Le facteur génétique intervient également sur l’âge de survenue de la puberté. Calcul de la taille cible = ([taille du père + taille de la mère en cm]/2) - 6,5 (pour une fille) ([taille du père + taille de la mère en cm]/2) + 6,5 (pour un garçon).   Facteurs nutritionnels Ils sont essentiels sur toute la croissance. La croissance staturale peut être altérée en cas d’apports quantitativement ou qualitativement insuffisants. En cas de prise de poids excessive, on remarque une accélération staturale concomitante suite à une maturation osseuse plus rapide dans l’obésité, résultant à une fin de croissance survenant plus précocement.   Les hormones Les hormones thyroïdiennes ont un rôle essentiel par leur action sur la maturation osseuse qui survient tout au long de la croissance. L’hormone de croissance et son effecteur l’IGF1 ont une action sur l’os (stimulation et prolifération des préchondrocytes), surtout après la deuxième année de vie. Le pic pubertaire nécessite également une sécrétion suffisante d’hormone de croissance. Les hormones sexuelles sont un facteur majeur pour la croissance à cette période de la vie. Pendant la puberté, il est donc nécessaire d’avoir une sécrétion synergique d’hormone de croissance et d’hormones sexuelles. La maturation osseuse s’opère par l’action des œstrogènes sur l’os, soit sécrétés par les ovaires soit issus de l’aromatisation de la testostérone. L’excès de sécrétion de cortisol entraîne un retard de croissance osseuse par son effet direct sur les ostéoblastes.   L’os L’os est la matrice permettant la croissance. Un os pathologique (carence calcique ou vitaminique, ostéoporose primaire ou secondaire, pathologie osseuse constitutionnelle) aura une différenciation du cartilage et une prolifération des chondrocytes anormales.   Facteur psychosocial Une négligence ou une carence affective peuvent provoquer des arrêts de croissance.   Quand parle-t-on de retard de croissance ?   On parle de retard de croissance dans différentes situations : – lorsque la croissance est inférieure à -2 DS. On considère que 95 % de la population se trouve entre -2 et +2 DS pour la croissance staturale ; – un ralentissement de la croissance (diminution de la vitesse de croissance par rapport à ce qui est normalement attendu pour l’âge) doit également interroger et mener à des investigations ; – enfin, si l’enfant a une croissance inférieure à celle attendue selon ses facteurs héréditaires (à plus d’1,5 écart-type), il ou elle est considéré(e) comme ayant un retard de croissance.   Comment interpréter une courbe de croissance pour orienter l’étiologie du retard   Plusieurs situations peuvent être constatées : – retard prépondérant sur le poids ou préalable au retard statural ; – retard prédominant sur la taille ; – retard régulier statural et pondéral ; – une cassure ou ralentissement de la croissance. Le retard prépondérant sur le poids orientera vers une cause carentielle, un trouble d’absorption (maladie cœliaque, MICI, allergie, etc.), une balance énergétique négative (hypercatabolisme sur une maladie chronique, cardiopathie, insuffisance rénale, etc.). Le retard prédominant sur la taille doit faire penser à une cause hormonale : déficit acquis ou congénital en hormone de croissance, déficit en hormones thyroïdiennes ou excès de production de cortisol. Un retard sans cassure peut faire évoquer une maladie osseuse constitutionnelle, d’autant plus s’il existe une notion de petite taille de naissance dont le rattrapage postnatal peut être partiel. Il peut également faire évoquer un déficit en hormone de croissance. Tout type de retard de croissance chez une jeune fille doit faire évoquer un syndrome de Turner. Un ralentissement net de la croissance staturopondérale doit orienter vers une pathologie acquise récente, notamment un processus expansif cérébral. Une tumeur cérébrale peut se manifester initialement uniquement par un trouble de la croissance. Il est donc important de réaliser une imagerie cérébrale devant cette situation.   Conclusion   En pratique, on retiendra la nécessité d’un suivi régulier de la croissance staturale et pondérale, qu’il faudra interpréter en fonction des différentes phases de la croissance et de la vitesse de croissance. Un retard de croissance correspond à une croissance inférieure à -2DS, une croissance inférieure de 1,5 DS à la taille cible ou à un ralentissement de la croissance. L’analyse de la courbe permet une orientation diagnostique. Une imagerie cérébrale doit se discuter en cas de ralentissement net de la croissance. Tout type de retard de croissance chez une jeune fille doit faire rechercher un syndrome de Turner. Pour en savoir plus : • Scherdel P et al. Should the WHO growth charts be used in France? PloS One 2015 ; 10:e0120806. • Heude B et al. A big-data approach to producing descriptive anthropometric references: a feasibility and validation study of paediatric growth charts. Lancet Digital health 2019; 1(8) : e413-23. • Sempe M, Pedron G, Roy-Pernot MP. Auxologie méthodes et séquences. Laboratoire Théraplix, 1979. • Sempe M, Pedron G, Roy-Pernot MP. Auxologie méthodes et séquences. Meditions 1997. • Collett-Solberg PF et al. Diagnosis, Genetics, and Therapy of Short Stature in Children: A Growth Hormone Research Society International Perspective. Horm Res Paediatr 2019 ; 92(1) : 1-14. • https://afpa.org/outil/courbes-decroissance-garcons-francais/

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