Publié le 25 oct 2024Lecture 5 min
Lésions périanales végétantes - 3 principaux diagnostics à ne pas méconnaître
Noura WALID, Emmanuel MAHÉ, service de dermatologie, Hôpital Victor Dupouy, Argenteuil
Le service de dermatologie de l’hôpital d’Argenteuil a développé depuis 10 ans une téléexpertise en prestation interhospitalière. Depuis 2023, cette téléexpertise s’est ouverte aux médecins de ville qui adressent un dossier comportant le cas clinique de l’enfant et des photographies de bonne qualité, pour avis spécialisé. Dans cette nouvelle rubrique, Pédiatrie Pratique ouvre ses colonnes à certains de ces cas commentés par l’équipe d’Argenteuil.
Les lésions végétantes périanales chez les enfants constituent un motif occasionnel de consultation en pédiatrie. Ces lésions sont souvent anxiogènes pour le praticien qui ne souhaite pas passer à côté d’abus sexuel devant des « condylomes ». Plusieurs pathologies, dont le mécanisme étiopathogénique, l’évolution et la prise en charge sont différents, peuvent se présenter sous la forme de végétations périanales.
Depuis 2 ans, le service s’est doté d’une solution de téléexpertise, destinée aux médecins du bassin de vie d’Argenteuil(1). En 15 jours, trois dossiers illustrant les trois principales pathologies végétantes périanales pédiatriques rencontrées en pratique courante ont été déposés.
Observation 1
Le dossier d’une fillette d’un mois, sans antécédents pathologiques en dehors d’une constipation a été soumis. Son pédiatre demandait un avis pour une tuméfaction cutanée au niveau de la jonction de la marge anale et vaginale, concomitante à un épisode de constipation, initialement légèrement sensible au toucher puis devenue indolore. Les photos jointes montraient une projection sessile solitaire, œdémateuse, rouge claire, située sur la ligne médiane du périnée, juste en avant de l’anus (figure 1).
Figure 1. Protrusion pyramidale périnéale.
Le diagnostic de protrusion pyramidale infantile a été retenu. La constipation de la patiente a été prise en charge par son pédiatre. Une abstention thérapeutique a été préconisée du fait de l’évolution toujours favorable avec résorption spontanée.
Observation 2
Le dossier d’un garçon de 7 ans, aux antécédents de trouble déficit de l’attention avec ou sans handicap (TDAH) sans traitement a également été déposé. Il présentait une éruption périanale prurigineuse qui évoluait depuis plusieurs mois. Sur les photographies jointes, il était observé des papules verruqueuses multiples, sessiles entourant l’orifice anale (figure 2).
Figure 2. Condylomes annaux.
Le diagnostic de verrues périanales a été posé et un traitement par imiquimod crème 3 fois par semaine a été proposé. La recherche d’arguments pour des abus sexuels a été demandée au pédiatre requérant.
Observation 3
Enfin, le cas d’une fillette de 2 ans, sans antécédents, a été déposé pour un avis requis sur des excroissances au niveau du sillon interfessier. Des lésions similaires au niveau du doigt de sa sœur a été également notées dans l’observation. Les photos adressées montraient des petites papules roses, en dôme ou sessiles, de distribution linéaire sur le pli interfessier et autour de l’anus.
Figure 3. Molluscum contagiosum.
Le diagnostic retenu a été celui de molluscum contagiosum du pli interfessier. Un badigeonnage des lésions à la povidone iodée (Bétadine® dermique) a été proposé jusqu’à asséchement. Il n’a pas été requis de rechercher une maltraitance.
Discussion
La découverte d’excroissances périanales chez un enfant doit faire évoquer trois principales étiologies : les condylomes acuminés, un molluscum contagiosum ou une protrusion pyramidale infantile (tableau)(2).
La protrusion pyramidale périanale infantile est une affection cutanée bénigne, de fréquence probablement sous-estimée, caractérisée par une formation pyramidale sur la ligne médiane du périnée, en avant de l’anus(3,4). Elle se manifeste le plus souvent chez les fillettes dans les premiers mois de vie et jusqu’à 5 ans, ce qui pourrait s’expliquer par des différences de l’anatomie périnéale observées entre les sexes. Elle est en général asymptomatique en dehors d’une constipation, dont le rôle dans la pathogénie n’est pas clair, et parfois des douleurs (lien avec la constipation ?). L’évolution étant toujours favorable, il n’est justifié ni traitement ni surveillance(4). La prise en charge reste celle de la constipation et est de bon aloi.
Les verrues anogénitales (il paraît raisonnable de réserver le terme de condylomes à l’adulte) sont la présentation clinique d’une infection à papillomavirus. Si ces lésions sont toujours à transmission sexuelle chez l’adolescent (volontaire ou non ?) et l’adulte, il semble que ce risque diminue avec l’âge jeune(5). On considère qu’avant 2 ans, cette transmission n’est « jamais » sexuelle. Au moindre doute, une évaluation en milieu spécialisé doit cependant être proposée. Le traitement est le plus souvent médical(6) et il faudrait éviter les techniques ablatives, traumatisantes, chez le petit enfant. La vaccination anti-HPV est préventive pour les formes de l’adolescent, et pourrait être curative dans certains cas.
Le molluscum contagiosum est une infection cutanée à poxvirus quasi obligatoire chez l’enfant. La localisation périanale est relativement rare(7,8). Elle touche principalement les enfants d’âge scolaire mais des formes plus tardives s’observent de plus en plus fréquemment. Les caractéristiques sémiologiques sont proches de celles observées dans les localisations cutanées autres. On note deux particularités cliniques dans la localisation périanale (expérience personnelle) : la prédominance dans le pli interfessier sans extension en périanale, stricto sensu, à l’inverse des verrues ; le caractère plus polypoïde que papuleux donnant un vague aspect en « crête de coq ». Le traitement est le même que pour les autres localisations, sans rechercher d’abus sexuels.
Conclusion
Face à des lésions en relief au niveau la région périanale chez un enfant, l’orientation diagnostique entre la protubérance périnéale, le molluscum contagiosum et les condylomes sera guidée à la fois par l’anamnèse à la recherche d’un moyen de transmission évident et des facteurs de risque, l’aspect sémiologique des lésions et leur topographie. Les examens paracliniques sont souvent inutiles.
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