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Pédiatrie générale

Publié le 25 sep 2024Lecture 20 min

La SFP au pays du grand éléphant

Pierre-Étienne TRUELLE, Hôpital Armand Trousseau, Paris

Cette année, le congrès de la Société française de pédiatrie (SFP) et des autres sociétés savantes associées s’est tenu du 15 au 17 mai à Nantes. Sa très riche actualité justifie la place importante qui lui est faite dans ce numéro de rentrée de Pédiatrie Pratique.

Aborder la prise en charge de la douleur chronique en pédiatrie La douleur chronique est un symptôme fréquemment rencontré en consultation en pédiatrie qu’elle soit secondaire à une maladie chronique (drépanocytose, maladies inflammatoires de l’intestin [MICI], arthrite juvénile idiopathique [AJI], etc.) ou primaire (céphalées primaires, douleurs abdominales récidivantes, douleurs pelviennes, douleurs musculosquelettiques, etc.). Nous prenons l’exemple de la situation de Lucie, 13 ans, suivie pour des douleurs chroniques de membre inférieur. Les explorations ont été nombreuses, prolongées, sans retrouver de cause spécifique. De multiples traitements médicamenteux ont été utilisés sans effet particulier. Les béquilles lui faisant trop mal, Lucie utilise un fauteuil pour se déplacer mais ne peut plus se rendre au collège, non adapté aux personnes à mobilité réduite (PMR). La situation s’enlise et elle est orientée vers une consultation douleur. S’il n’y a pas de définition formelle de la douleur chronique en pédiatrie, on en retiendra toutefois deux définitions : – celle de la douleur de l’International Association for the Study of Pain (IASP)(1) : « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à, ou évoquant celle associée à, une lésion tissulaire réelle ou potentielle » ; – celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la douleur chronique de l’adulte : « toute douleur qui persiste ou se répète pendant plus de 3 mois ». Cette définition ne permet pas de distinguer des douleurs récidivantes peu significatives (comme des courbatures) et des douleurs chroniques sévères avec absentéisme scolaire, troubles du sommeil, isolement social, dépression/anxiété. Deux à 5 % des adolescents présenteraient un épisode de douleur chronique sévère. L’objectif de la consultation est d’écouter toute l’histoire du patient, dans l’ordre, sans avis préconçu et surtout de s’étonner de ce qui est étonnant. Ceci permet de : – diminuer la crainte de passer à côté d’un diagnostic expliquant mieux les symptômes ; – faire naître des liens dans l’histoire du patient ; – entendre les forces, les faiblesses et les besoins de chacun. Les consultations douleur sont longues : 1 à 2 heures pour les premiers rendez-vous en moyenne. Elles se font si possible en binôme médecin-psychologue. Ceci favorise l’écoute et la formulation d’hypothèse selon le modèle bio-psycho-social, qui formalise la continuité entre les éléments somatiques et émotionnels, ainsi que la nécessaire pluralité des cadres de lecture. L’attention est portée sur le retentissement global des douleurs, des traitements et des explorations sur l’enfant comme sur les parents et la fratrie. Pour mieux dépister les troubles psychiques associés aux douleurs, plusieurs échelles sont décrites : REPERADO, PPST. L’absentéisme scolaire est aussi une manière simple d’évaluer le retentissement de la douleur sur le quotidien. Lucie pourra ainsi parler de son bon niveau, de sa crainte de l’échec, du harcèlement, de la remise en cause de ses symptômes par ses pairs, sa famille et ses soignants. Ces différents éléments font le lit d’idées noires et de troubles du sommeil. Elle dit : « ce qui me fait le plus de bien ce sont les moments de plaisirs : les massages de ma mère ou les cours de théâtre où j’oublie presque ma douleur et pourtant elle est toujours là ». Des liens temporels sont établis entre le burn-out de son père et le début des douleurs de jambe, les douleurs abdominales de Lucie avec l’hospitalisation de son petit frère plusieurs années auparavant. Sur le chemin de la douleur avec Sacha des éditions Dubourdon est fréquemment utilisé en consultation. On y lit des éléments de physiopathologie de la douleur, ce que rapportent les patients et ce qui aide en général. Le fait de donner un nom, de montrer que ceci correspond à d’autres histoires, décrites scientifiquement aident à créer une alliance thérapeutique. On trouve la métaphore de la « pelote de la douleur » : dans toute douleur sont emmêlés des éléments sensoriels, mémoriels, émotionnels et attentionnels. Il est alors demandé aux patients de choisir le ou les fils à démêler en premier. Les propositions s’efforceront de suivre ce choix en associant des mesures physiques, psychiques et sociales. Les prescriptions médicamenteuses sont rares. Il est fréquent de proposer une remise en mouvement en kinésithérapie ou en psychomotricité, un support psychothérapeutique et un lien avec la structure scolaire. Un soutien familial est aussi à proposer, les douleurs chroniques entraînant des conséquences sur la fratrie et/ou les parents, selon une étude Cochrane récente(2). Cette étude liste des pistes d’amélioration dans la prise en charge de la douleur chronique pédiatrique : formation des soignants, travail multidisciplinaire et en réseau de soin, implication des familles dans la prise en charge – en particulier des pères –, favoriser la confiance dans la parole des enfants. En somme, pour une bonne prise en charge de ces situations il faut du temps, de l’implication active des différents acteurs de la prise en charge (patient, famille, professionnels), un regard et une prise en charge multidisciplinaire, et surtout une confiance dans la parole de l’enfant.   La céphalée dans tous ses états • D’après les communications de Barbara Tournaire (Paris), Sylvie Berciaud (Bordeaux) et Juliette Andreu-Gallien (Paris) au cours de la session : « Aborder la migraine, les céphalées de tension et la céphalée chronique de l’enfant et de l’adolescent. Vous avez dit « mal à la tête ? » Les consultations pour céphalée sont la plupart du temps complexes. L’enfant n’a souvent pas de symptôme à ce moment, l’examen clinique est dans la plupart des cas normal mais les parents sont fréquemment inquiets. Aussi, l’anamnèse est primordiale dans l’enquête étiologique autour des céphalées. Il est tout à fait possible d’interroger correctement des enfants, de faire le diagnostic de céphalée primaire et d’éviter des examens non nécessaires en posant des questions simples d’emblée : – est-ce que c’est la première fois ou est-ce que tu as déjà eu mal à la tête comme ça ? ; – est-ce que tu as toujours le même type de mal de tête ou est-ce qu’il y en a plusieurs ? La présence d’épisodes répétés de céphalées est en faveur de migraine, accompagnées de céphalées de tension, ce qui est la situation la plus fréquente en pédiatrie (5-15 % de la population[3]). Près de 90 % de la population adulte présente également des céphalées de tension récidivantes. En distinguant les épisodes de douleur intense obligeant à s’arrêter dans ses activités (plutôt migraine) et certains d’intensité plus faible permettant la poursuite des jeux ou d’activités calmes (plutôt céphalée de tension), l'interrogatoire pourra être orienté selon les critères de la 3e classification internationale des céphalées (ICHD-3) détaillés dans le tableau.   Il convient de rechercher la présence de drapeaux rouges indiquant la nécessité de réaliser une IRM cérébrale selon les recommandations récentes de la HAS(4) comme les céphalées en coup de tonnerre, les anomalies neurologiques, les signes d’hypertension intracrânienne (HTIC), les signes endocriniens centraux. Une fois le diagnostic fait, il est nécessaire de rechercher des facteurs déclenchants comme la chaleur, la soif, la concentration scolaire, mais aussi les plus fréquents : les troubles du sommeil et les émotions intenses comme le stress. La multiplication des facteurs déclenchants est en général la source de céphalées chroniques dégradant fortement le quotidien. La prise en charge de ces facteurs est en général la clef de l’amélioration globale.   Les céphalées à l’épreuve de l’adolescence   Comme évoqué précédemment, Sylvie Berciaud a confirmé que les céphalées sont en lien avec les émotions. Le contexte de l’adolescence avec les nécessaires oppositions, affirmation de soi et individuation, est particulièrement propice à des émotions intenses et donc à une chronicisation des céphalées. En consultation douleur, il est nécessaire d’établir une relation de con fiance, de connaître les attentes et les croyances antérieures. La participation du patient est essentielle et indispensable. Pour cela, il faut faire des propositions réalistes et réalisables. Il est nécessaire aussi d’évaluer le retentissement psychique des douleurs. On veillera à : – s’adresser directement à l’adolescent ; – questionner sans suggérer ; – avoir un temps avec et sans les parents ; – reprendre les antécédents personnels et familiaux, l’anamnèse de la céphalée ; – rechercher un événement initial associé : séparation, deuil, déménagement, traumatisme ; – rechercher les facteurs déclenchants, apaisants ; – interroger sur ce qui a été essayé (médicament ou non) ; – évaluer les consommations de toxiques ; – évaluer son environnement et le retentissement des céphalées sur la scolarité, les loisirs, l’appétit, le sommeil, l’humeur, la famille, la sexualité ; – réaliser un examen clinique dans les meilleures conditions pour l’adolescent (avec ou sans les parents, selon son souhait) avec : • une courbe staturopondérale, • un examen général, neurologique et cutané. Des outils en autoremplissage existent pour évaluer le retentissement des céphalées : Pedmidas, REPERADO. La consultation sera aussi le moment d’expliquer le type de céphalée, la physiopathologie, le(s) traitement(s) à proposer. Des supports d’information sont disponibles sur le site sparadrap.org et dolomio.org. S’il est nécessaire, le suivi des céphalées peut se faire avec un agenda papier ou via l’application Apo Migraine. On cherchera toujours l’observance, le retentissement des céphalées et du traitement, et la possibilité pour le patient de parler de toute situation difficile qui pourrait être une des causes des céphalées.   Céphalées primaires de l’enfant : un peu, beaucoup ou pas de médicaments du tout ?   Juliette Andreu-Gallien a détaillé la prise en charge médicamenteuse de ces patients. • Traitement de crise Pour la migraine, le traitement de crise est : – ibuprofène 10 mg/kg (maximum 400 mg) à prendre rapidement au début de la crise de migraine ; – à partir de 12 ans et 30 kg, il est possible de prescrire du sumatriptan 10 mg en spray nasal actif ; – il est possible d’associer les deux traitements si besoin et de faire des rotations d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou de triptan. Il est important de ne pas prescrire trop peu par peur des AINS, ni trop pour éviter la céphalée par abus médicamenteux. Pour la céphalée de tension, il n’est pas recommandé de prendre des traitements médicamenteux en pédiatrie. Chez l’adulte, l’usage modéré de paracétamol ou d’ibuprofène est possible. Ceux-ci fonctionnent d’autant mieux que les céphalées sont courtes, peu fréquentes, récentes avec une charge émotionnelle faible. On conseille plutôt des techniques de relaxation, boire un peu d’eau, respirer, mettre du frais sur le front. La mise en place d’un projet d’accueil individualisé (PAI) peut être nécessaire et aider considérablement l’enfant dans les deux situations.   • Traitement de fond Pour les migraines, un traitement de fond peut être recommandé à partir de 4 à 6 épisodes par mois. Les principaux traitements médicamenteux décrits sont le topiramate, le propanolol et l’amitriptyline. Cependant, l’effet placebo est très fort avec une réduction de 50 % des céphalées pour 30 à 60 % des patients ayant reçu du placebo, les preuves en faveur d’un traitement médicamenteux sont rares. Les approches psychocorporelles sont donc le traitement de première intention, plus ou moins accompagnées d’un traitement médicamenteux selon la clinique. Il est important de noter que les opiacés et dérivés comme le tramadol, la codéine, la morphine sont strictement contre-indiqués pour les migraines et les céphalées de tension. Pour les céphalées de tension, la prise en charge psychocorporelle est le principal traitement recommandé. Quel que soit le traitement proposé, la compréhension, l’adhésion du patient et de sa famille seront les principaux facteurs de bon pronostic de la prise en charge. Pour cela, il sera nécessaire de prendre le temps pour écouter et informer l’enfant et ses parents, assurer que la douleur est réelle mais qu’elle n’est pas le signe d’un danger. On retrouve souvent des antécédents familiaux de migraine ou de céphalée, il est important de rappeler que l’on transmet le risque de survenue des céphalées, mais pas leur intensité ni leur fréquence ou la réponse au traitement. On favorisera l’autonomie des patients en cherchant à leur faire distinguer les céphalées de tension des migraines, les bons gestes à avoir en cas de crise, identifier les facteurs déclenchants. Si les éléments psychologiques sont importants dans les facteurs déclenchants ou dans les complications (anxiété, dépression, absentéisme scolaire, catastrophisme), une prise en charge psychologique est nécessaire. En conclusion de ces trois interventions, on notera qu’une prise en charge globale centrée sur l’écoute du patient est la principale clef d’amélioration des patients présentant des céphalées récidivantes.   Douleur et violences • D’après les communications de Marie-Hélène Drouineau (Nantes) : « Expression de la douleur dans les traumatismes infligés du jeune enfant : une clinique contre-intuitive », de Jehanne Malek (Paris) : « Douleurs pelviennes chroniques et repérage des violences : une approche pluriprofessionnelle » et de Martine Balençon (Rennes) : « Soins et prendre soins des enfants et adolescents victimes de violences en pédiatrie médico-légale : place des UAPED (Unité d’Accueil Pédiatrique Enfance en Danger) »   Les situations de violences chez l’enfant sont fréquentes, elles ont des conséquences graves et sont insuffisamment repérées par les professionnels de l’enfance. Au niveau individuel comme institutionnel, on note : – un manque de connaissance sur la violence faite aux enfants (son épidémiologie, sa présentation clinique, sa prise en charge) ; – un déni de sa présence ; – une présentation clinique déroutante : parents consultants trop ou pas assez, pour des motifs trompeurs, des manifestations cliniques inattendues (modification de la plainte douloureuse : diminution des manifestations aiguës, augmentation des manifestations chroniques), refus de soin, etc. ; – une nécessité de structuration des prises en en charge pour protéger et encadrer l’enfant et les professionnels ; – un manque de moyen des structures protégeant les enfants victimes. Au cours de cette présentation, Marie-Hélène Drouineau évoque les résultats de l’étude « Do abused young children feel less pain? »(5). Cette étude observationnelle prospective relevait les signes de douleur chez les 78 enfants de moins de 6 ans hospitalisés pour des situations de traumatisme aigu (brûlure ou fracture : 39 avec une suspicion de maltraitance, 39 sans suspicion de maltraitante et une cause retrouvée pour le traumatisme). Ainsi, 70 % des enfants du groupe maltraitance semblaient non douloureux selon l’échelle NFC et CHEOPS contre 43 % des contrôles. Ceci renforce le caractère contre-intuitif de la clinique de la maltraitance avec des enfants petits, montrant moins de signe de douleur que les autres, augmentant le risque de passer à côté d’un traumatisme et de la maltraitance, de sous-traiter la douleur même une fois le traumatisme authentifié. Le risque de sous-évaluation de la situation était plus grand chez les médecins que chez les paramédicaux. Il est possible que l’enfant maltraité n’apprenne pas à utiliser la manifestation douleur comme moyen d’alerter, puisqu’il ne peut en attendre de soulagement de la part de l’adulte. Il est possible aussi que la sidération des soignants face à une situation de maltraitance induise une sous-cotation des échelles de douleur.   Douleurs pelviennes   La présentation de Jehanne Malek poursuit la question de la présentation inattendue des conséquences des violences subies dans l’enfance avec plusieurs études montrant un lien entre événement de vie adverse dans l’enfance (ACE) et surrisque d’endométriose ou de dysménorrhée à l’âge adulte(6). Le sur-risque augmente avec le nombre d’ACE et le caractère sexuel des violences. Une étude inverse recherchant des ACE chez des femmes ayant un diagnostic fortuit d’endométriose par laparoscopie ne retrouve cependant pas ce lien. Une interprétation possible est que les ACE mènent à des douleurs pelviennes chroniques importantes et au diagnostic d’endométriose de manière possiblement in dépendante de la présence d’adénomyose ou d’endomètre ectopique. Au sein du centre de la douleur de Trousseau, les consultations pour douleur pelvienne sont en augmentation importante ces dernières années. Une étude rétrospective sur dossier a permis d’analyser 54 dossiers de jeunes filles d’âge moyen de 15 ans, avec une durée médiane d’évolution des symptômes de 2 ans. La moitié d’entre elles ont mal plus de 15 jours par mois malgré des prises d’antalgiques simples. Si une endométriose a été évoquée, l’imputabilité est faible dans 70 % des cas sur les douleurs pelviennes. La plupart (80 %) des 32 patientes interrogées pour la présence de violence en rapportaient, 30 % évoquaient des violences sexuelles. La présence d’antécédents de violences dans la famille était retrouvée dans 21 dossiers sur 24 qui en faisaient mention. La prise en charge de ces patientes nécessitait un regard pluriprofessionnel (médecin algologue, gynécologue, médecin d’adolescent, psychologue, infirmier) et différentes approches thérapeutiques : médicamenteuse (traitement contre les douleurs neuropathiques) et thérapies non médicamenteuses (TENS [neurostimulation électrique transcutanée], prise en charge psychothérapeutique individuelle et familiale, hospitalisation, signalement et adressage vers les unités d’accueil pédiatriques enfance en danger [UAPED]). En conclusion, J. Malek propose d’oser poser la question de la présence de violence devant des douleurs chroniques de l’adolescent et à plus forte raison de douleurs pelviennes.   Un lourd bilan   Martine Balençon a rappelé les difficultés liées à la constitution d’une banque de données épidémiologiques fiable concernant les violences faites aux enfants. Ces situations semblent largement sous-estimées et sous-rapportées. Les chiffres les plus récents évoquent un enfant sur dix victime de violences, un décès tous les 5 jours dans le cadre de violences intrafamiliales, 98 000 enfants en danger et 19 000 enfants maltraités en France. Cependant, dans ces chiffres ne sont pas inclus les enfants en situation de négligence parentale et les co-victimes de violences intrafamiliales (témoins de violences au domicile). Lorsqu’on les interroge, 1 femme sur 5 et 1 homme sur 13 disent avoir subi des violences sexuelles pendant l’enfance. Ce risque est multiplié par 5 en cas de situation de handicap. L’auteur des violences est en général le parent ou l’un des responsables de l’enfant. Les violences sont fréquemment chroniques, rarement des épisodes aigus ou uniques. La difficulté de repérage vient de la clinique difficile de la maltraitance, où l’importance des lésions visibles n’est pas proportionnelle à la gravité de la situation, du manque de connaissance, de la sidération des soignants, de l’insuffisance de temps pour des situations chronophages avec une crainte importante de l’erreur diagnostique. Pour répondre à ces difficultés, les UAPED ont été créées en 2019 sur le modèle de l’équipe de Nantes pour structurer les parcours des enfants victimes de violences et assurer leur bon suivi. Ces équipes font le lien entre les évaluations médicales, judiciaires et sociales permettant une synergie des acteurs. Idéalement, elles ont une salle spécifique d’audition et d’examen, avec des soignants et des enquêteurs spécialisés. Ceci permet de diminuer le nombre d’interrogatoires et d’examens de l’enfant afin de les protéger et d’assurer la mise en place d’un dossier solide et exploitable nécessaire à la bonne suite des procédures. Ces unités sont mobiles, agissent sur demande des services intra- mais également extrahospitaliers. En conclusion, les différentes intervenantes conviennent d’une clinique complexe, fréquente et insuffisamment prise en compte mais avec une augmentation récente de la prise de conscience et des travaux de recherche qui participeront à une meilleure prise en charge de ces enfants.   Retard de parole et de langage. Que rechercher, que faire ? • D’après la communication de Marine Parodi (Paris), modérée par Annaïck Bourhis (Nantes) Le retard de parole et de langage est l’un des motifs de consultation les plus fréquents en ORL pédiatrique. Son diagnostic nécessite une évaluation rigoureuse des antécédents médicaux, des facteurs de risque et des capacités auditives de l’enfant. Le dépistage néonatal de la surdité, bien que non obligatoire, est crucial pour identifier précocement les anomalies auditives. Bien qu’efficaces, les tests actuels, comme les oto-émissions acoustiques (OEA) et les potentiels évoqués auditifs automatisés (PEA), présentent des limites : – 90 % des enfants nécessitant une réévaluation auront une audition normale à 3 mois, alors que le test peut engendrer une anxiété chez les parents ; – les OEA n’évaluent que les cellules ciliées externes, ce qui peut entraîner des faux négatifs dans les cas de surdité rétrocochléaire ; – certaines surdités, comme celles liées au cytomégalovirus (CMV), peuvent apparaître secondairement et ne sont pas détectées lors du dépistage initial ; – certains centres pratiquent le dépistage unilatéral et prennent ainsi le risque d’une surdité controlatérale ; – les PEA automatisés sont plus chronophages mais plus fiables et préférés par les ORL ; – les tests ne dépistent pas la surdité légère. Certains enfants présentent un risque accru de surdité, notamment ceux ayant un faible poids de naissance, des anomalies crâniofaciales ou des antécédents d’infections maternofœtales (comme le CMV), de méningite bactérienne néonatale ou d’ictère à bilirubine libre élevée. Ces enfants doivent faire l’objet d’une surveillance accrue et bénéficier d’un con trôle bilatéral du dépistage auditif. Des thérapies géniques sont à l’épreuve sur des surdités de transmission génétique rares (mutation de l’otoferline). Lors de l’évaluation clinique, il est essentiel de chercher des facteurs de risque de retard de langage divers : – otite moyenne aiguë (OMA) à répétition et moyen de garde (la collectivité étant un facteur de risque d’OMA à répétition) ; – recherche de troubles du développement (trouble attentionnel, attention conjointe, trouble de l’oralité) ; – recherche de réactions auditives pour des sons faibles à forts (les parents peuvent dire souvent qu’ils sont inquiets du langage mais pas de l’audition notant bien que leur enfant réagit aux sons) ; – temps d’écran ; – multilinguisme familial (favorise un retard à l’initiation de la parole mais pas de conséquence par la suite). Il faut aussi examiner les tympans pour diagnostiquer une otite séromuqueuse (OSM), une cause fréquente de retard de la parole et du langage. L’impédancemétrie peut aider à évaluer la compliance tympanique, mais ne teste pas l’audition elle-même. Un tympan avec une impédancemétrie plate indique un manque de vibration, suggérant une OSM. En parallèle, il est important d’examiner l’oropharynx pour détecter des anomalies comme une luette bifide, une hypertrophie amygdalienne. Le frein de langue court n’est pas une cause de retard de langage. Le traitement médical de l’OSM inclut des lavages de nez et parfois une corticothérapie ORL, jamais d’antibiothérapie. Le traitement chirurgical est à réserver dans le cas où la perte auditive dépasse 30 dB ou si l’enfant présente un retard d’acquisition. La recommandation concernant le bilan auditif systématique avant d’envisager une adénoïdectomie ou la pose d’aérateurs transtympaniques (ATT) nécessite une réévaluation. Il est probable qu’il soit indiqué au décours de la prise en charge de l’OSM, mais pas de manière systématique avant ATT. La surdité légère à modérée, souvent diagnostiquée vers l’âge de 4 ans, est associée à des signes d’alerte, tels que retard de parole, de langage, distraction et troubles du comportement. La prise en charge inclut l’appareillage auditif bilatéral si la perte est supérieure à 30 dB, ainsi qu’un traitement orthophonique. Un retard de langage significatif (pas de babillage à 18 mois, pas d’association de mot à 2 ans, langage inintelligible à 3 ans ou difficultés de compréhension) nécessite une orientation rapide vers un orthophoniste. Un bilan orthophonique permet d’évaluer la compréhension, l’expression et la communication globale de l’enfant. Si le bilan auditif est normal, il faut envisager un trouble du spectre autistique (TSA) ou un autre trouble neuro-développemental (TND). Un retard dans la prise en charge spécialisée de ces troubles peut entraîner des conséquences importantes pour le développement de l’enfant.   Conclusion   Pour une prise en charge optimale des retards de langage en pédiatrie, il est crucial de s’appuyer sur les résultats du dépistage auditif néonatal réalisé selon les recommandations, d’utiliser des outils de screening rapides, de traiter les OSM, et de ne pas retarder l’évaluation spécialisée en cas de doute sur un TND.   Prévention du VRS : quel bilan après le premier hiver ? • D’après les communications de François Dubos (Lille), Naim Ouldali (Paris), Robert Cohen (Créteil) Les infections à virus respiratoire syncitial (VRS) sont responsables d’environ 50 000 hospitalisations par an en pédiatrie. Les nourrissons hospitalisés ont moins de 3 mois dans 30 % des cas, entre 3 et 6 mois également. Il s’agit d’une maladie fréquente dont la mortalité est rare, mais la morbidité importante pour les nourrissons, les familles, le système de soin et la société. Après l’épidémie de 2022-2023, beaucoup d’espoirs ont été fondés sur le développement du nirsévimab (Beyfortus®), anticorps monoclonal IgG1 humain à demi-vie prolongée dirigé contre la protéine F du VRS et dont le mode d’action est similaire au palivizumab (Synagis®). Les principaux résultats des essais MEDELEY, MELODY et HARMONIE qui ont évalué son efficacité sont(7) : plus de 12 000 nourrissons inclus dans plusieurs pays européens, un arrêt anticipé de l’étude de phase 3 du fait de l’efficacité majeure induite par le traitement, avec une diminution de 83 % des hospitalisations et de 75 % des cas de bronchiolite sévère. Les effets secondaires ont été rares, peu graves et comparables au palivizumab : 0,7 % d’éruption cutanée, 0,5 % de fièvre, 0,3 % de réaction au site d’injection et 3 % de douleur importante pendant le geste. Des études françaises ont été menées pour évaluer « l’effectiveness » (efficacité en vie réelle) de ce traitement en intrahospitalier. Ces essais OVNI, ENVIE(8) ont obtenu des résultats comparables aux études princeps : une effectiveness d’environ 80 % dans la réduction du risque de bronchiolite sévère. Des études similaires ont été menées en ville montrant une réduction importante des consultations pour bronchiolite chez les nourrissons(9). L’exemple de la Galice est fréquemment cité par les orateurs, car une couverture de plus de 90 % a permis d’obtenir une diminution de 90 % des hospitalisations chez les moins de 6 mois(10). En France, le nombre de doses disponible était 60 % inférieur au nombre de naissances, il y a donc eu peu d’effet sur les passages aux urgences et les hospitalisations. Nous disposons de peu de recul sur les effets de l’immunisation à long terme, mais les données de surveillance du palivizumab sont rassurantes et le mécanisme d’action comparable. L’acceptabilité a globalement été très bonne : entre 85 et 99 % des parents ont accepté l’immunisation dans les premiers jours de vie. Ce résultat était nettement supérieur aux prévisions (50 %). L’acceptabilité a été plus importante dans les familles aisées. Les raisons principales de refus étaient la crainte d’effets secondaires, la voie intramusculaire (IM), l’absence de recul et d’obligation. Les questions pour les années à venir concernent : – la persistance de l’acceptabilité : possiblement favorisée par la médiatisation importante de l’épidémie récente à VRS et des campagnes de sensibilisation. Il sera important de continuer de sensibiliser les nouveaux parents à la nécessité de la protection de leurs nouveau-nés ; – la possible dette immunitaire des nourrissons immunisés : les premières données sur les enfants immunisés lors des essais princeps sont rassurantes à ce sujet, les nourrissons traités ne consultant pas davantage la 2e année que les autres ; – l’impact écologique du nirsévimab sur les infections à pneumocoques, l’asthme du nourrisson, d’autres virus émergents ; – l ’efficacité de la prévention par immunisation maternelle pendant la grossesse ; – la capacité du système de soin à fournir ce traitement pour les hivers suivants.

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