Néonatologie
Publié le 19 sep 2024Lecture 5 min
Registre national des morts inattendues du nourrisson (OMIN) : un outil pour mieux comprendre et prévenir la MIN
Karine LEVIEUX, service des urgences pédiatriques, Centre de référence mort inattendue du nourrisson (MIN), CHU de Nantes ; Coordonnatrice médicale du registre national des morts inattendues du nourrisson (OMIN), Nantes
La « mort inattendue du nourrisson » (MIN), définie comme « le décès subit d’un enfant âgé de 1 mois à 1 an jusqu’alors bien portant, alors que rien dans ses antécédents connus ni dans l’histoire des faits ne pouvait le laisser prévoir », est la première cause de mortalité infantile en France(1). Au terme d’un bilan étiologique exhaustif (anamnèse, examen du lieu de décès, examen clinique, prélèvements biologiques, imagerie, autopsie)(2), cette MIN peut être attribuée à une origine médicale (infectieuse, génétique, métabolique, etc.), traumatique, etc. En l’absence d’explication (environ 50 % des cas), on parle alors de mort subite du nourrisson (MSN)(3). La MIN est depuis plusieurs années considérée comme d’origine plurifactorielle et répond au modèle du « triple risque » associant : un enfant vulnérable (prématuré, petit poids de naissance, etc.), à une période critique de son développement neurologique, respiratoire et cardiaque (allant de 1 à 4 mois, 70 % des décès survenant avant les 6 mois de l'enfant) et une exposition à des facteurs « de stress » environnementaux (décubitus ventral ou latéral, tabagisme passif, couchage sur une surface inadaptée, objets dans le lit, infections, etc.). Ces trois facteurs réunis constituant une situation à risque majeure pour l’enfant(4).
La France est un des pays européens où la prévalence de MIN est la plus élevée, environ 300 nourrissons décèdent chaque année de MIN(5). Malgré une diminution de plus de 75 % du nombre de décès suite aux campagnes nationales « Je dors sur le dos » et aux conseils de prévention autour du couchage dans les années 1990, le nombre de décès stagne depuis les années 2000. On estime que 50 % des MIN seraient évitables si les recommandations de couchage étaient respectées(6).
Le registre OMIN
En 2015, l’Association nationale des centres référents de la MIN (ANCReMIN) en collaboration avec le CHU de Nantes, a mis en place un Observatoire français des MIN (OMIN) dont les missions sont de recueillir les données épidémiologiques, socio-environnementales, cliniques et paracliniques de tous les nourrissons de moins de 2 ans décédés dans un contexte de MIN(7). Compte tenu du caractère exhaustif, cet observatoire a été requalifié en registre en 2021. Sa mise en œuvre nécessite une approche multidisciplinaire impliquant les différents acteurs engagés dans la prise en charge, la surveillance, la recherche clinique et/ou fondamentale et la prévention des MIN. L’organisation du registre OMIN repose sur une collaboration étroite entre les 37 centres de référence MIN (CRMIN) participants, l’ANCReMIN, l’unité d’épidémiologie clinique du Centre d’investigation clinique (CIC) de Nantes et le CHU de Nantes. Cette structure hospitalo-universitaire constitue le support institutionnel du réseau (établissement responsable de l’observatoire). L’unité d’épidémiologie clinique du CIC de Nantes et l’équipe EPOPé Inserm U1153 du Centre de recherche épidémiologie et statistique Sorbonne Paris-Cité, constituent le support méthodologique de recherche en épidémiologie. Un comité de pilotage, une cellule de coordination et un conseil scientifique, où sont représentées de multiples spécialités, structurent l’OMIN.
L’OMIN s’appuie sur l’enregistrement exhaustif d’informations standardisées élaborées à partir :
- de la fiche d’intervention SMUR préhospitalière « Mort inattendue de l’enfant de moins de 2 ans »(3) ;
- des données cliniques et des examens complémentaires recommandés(3), renseignés par les différents médecins qui prennent en charge l’enfant sur le lieu de décès et dans le CRMIN. Ces données sont finalisées dans un second temps, une fois l’intégralité des résultats biologiques et d’imagerie obtenus. Elles comprennent :
- les informations anamnestiques, le lieu de décès, les antécédents personnels et familiaux de l’enfant, les événements survenus dans les 72 heures précédant le décès, les caractéristiques familiales (antécédents de MIN, tabagisme, caractéristiques sociodémographiques, etc.), celles de l’environnement de l’enfant (mode de garde, type de couchage, position de couchage, objets présents dans le lit, température de la pièce, vêtements portés, etc.), ainsi que celles concernant l’alimentation (allaitement, diversification alimentaire, etc.) et les habitudes de vie de l’enfant (utilisation d’une tétine, pouce, etc.) ;
- l’examen clinique de l’enfant sur le lieu du décès, ainsi que l’examen fait au CRMIN ;
- les résultats des examens paracliniques (biologie, imagerie), les données relatives à l’autopsie, et l’(es) étiologie(s) identifiée(s) ou non ;
- enfin, à visée de recherche, constitution d’une biocollection nationale à partir d’échantillons de sang, cheveux, urines, selles et liquide céphalorachidien (LCR).
Les objectifs de cet observatoire s’inspirent directement des recommandations internationales, à savoir :
- mettre en œuvre au niveau national une surveillance sanitaire exhaustive des MIN ;
- étudier les caractéristiques des MIN (sociodémographiques, environnementales, familiales, paramédicales et médicales) ;
- évaluer précisément la part des MIN accidentelles, celles liées à la maltraitance et aux autres étiologies (infectieuses, génétiques, métaboliques, etc.) et en surveiller les évolutions ;
- décrire les pratiques de prise en charge des CRMIN et les optimiser ;
- développer et dynamiser la recherche clinique, épidémiologique et fondamentale dans le domaine des MIN à un niveau national et international.
Le fonctionnement du registre repose actuellement sur une équipe logistique basée au CHU de Nantes et financée par des dons privés ou de fondations, des associations de familles (Naître et Vivre, Sa Vie, Les Rires d’Anna) et Santé publique France. En novembre 2019, le registre OMIN a été intégré dans le plan de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants 2019-2022 (chapitre 21).
Quelques données issues du registre OMIN
Depuis mai 2015, plus de 2 000 cas de MIN ont été recensés dans le registre OMIN. Plus de 75 % des nourrissons inclus avaient moins de 6 mois, avec un âge médian de 3,8 mois ; 57 % étaient des garçons ; 25 % des nourrissons avaient été couchés en décubitus ventral ou latéral au moment du décès ; plus de 35 % d’entre eux avaient été exposés à du tabagisme passif ; 24 % partageaient la même surface de couchage qu’un adulte ; plus de 58 % des nourrissons avaient été couchés sur une surface non recommandée (lit adulte, cocon, matelas surajouté, etc.) ; et dans plus de 52 % des cas, il était noté la présence, dans le lit, d’une couverture, couette, oreiller, tour de lit et autres objets, etc. à risque de recouvrir le visage du nourrisson ; plus de 32 % des décès étaient expliqués par une suffocation, asphyxie ou confinement, secondaires à un environnement de couchage « non sécure ».
Conclusion
Trente ans après la dernière campagne de prévention « Back to sleep », l’application des recommandations nationales et internationales concernant l’environnement de sommeil des nourrissons, n’est toujours pas optimale en France, suggérant qu’une proportion importante de décès pourrait encore être évitée actuellement. Il demeure indispensable, aux vues des données issues du registre OMIN, d’envisager rapidement la mise en œuvre d’une nouvelle campagne d’information concernant les facteurs de risque et protecteurs de la MIN, auprès du grand public et des professionnels de santé.
Figure 1. Carte des CRMIN (centres de référence des MIN) participants à l’OMIN en 2024.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :