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Infectiologie

Publié le 03 juil 2024Lecture 6 min

Prévention des infections à VRS : où en est-on ?

Marie-Laure CHARKALUK, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Groupe hospitalier de l’Institut catholique de Lille et faculté de médecine, maïeutique, sciences de la santé, Université Catholique de Lille

Le virus respiratoire syncytial (VRS) est responsable de nombreuses infections des voies aériennes supérieures, mais c’est surtout le principal agent des bronchiolites qui touchent chaque année 30 % des nourrissons de moins de 2 ans. La bronchiolite est la première cause d’hospitalisation en pédiatrie. Les infections à VRS représentent 28 % des hospitalisations la première année de vie, la moitié de ces patients ont moins de 3 mois(1). Typiquement, le VRS a une circulation saisonnière, avec une période d’épidémie qui débute mi-octobre, présente un pic en décembre et se termine à la fin de l’hiver. Cependant, après la période pandémique, cette saisonnalité semble modifiée. Depuis 2022, les épidémies sont plus précoces, avec un début brutal et une fin anticipée. L’épidémie de 2022-2023 a en outre été particulièrement intense(2).

Des mesures de prévention non spécifiques qui sont toujours à promouvoir   Les confinements en 2020 et 2021 ont confirmé à quel point les « mesures barrière » sont efficaces contre les infections à VRS ! La Société française de pédiatrie rappelle régulièrement ces consignes(3). Un résumé existe sous forme d’affiche réalisé par Santé publique France (figure 1). Quant à l’allaitement maternel, il a un certain effet protecteur, particulièrement s’il est exclusif et prolongé(4). Figure 1. Affiche présentant les mesures à réaliser en cas de bronchiolite.   Prévention spécifique : l’arrivée d’un anticorps monoclonal à durée de vie prolongée   Le palivizumab, un anticorps monoclonal, était utilisé de longue date chez les enfants les plus à risque, notamment les grands prématurés. Son efficacité pour prévenir les hospitalisations liées au VRS est estimée entre 45 et 55 %. La demi-vie du produit oblige à une injection mensuelle, pour un coût élevé. Il est donc réservé aux enfants fragiles qui représentent moins de 1 % de l’ensemble des nouveau-nés. Or, l’énorme majorité des infections à VRS conduisant à une hospitalisation survient chez des enfants nés à terme et sans comorbidité(1). Il a donc fallu la mise au point d’anticorps modifiés afin d’obtenir une plus longue durée d’action pour pouvoir envisager une immunisation à large échelle. C’est ce qui a été réalisé pour le nirsévimab qui a une demi-vie de 63 à 73 jours et donc une durée d’action supérieure à 5 mois : il est alors possible de protéger un nourrisson pour toute la saison de VRS avec une seule injection(5).   France 2023 : un circuit de distribution spécifique…   Les autorités ont souhaité la mise à disposition du nirsévimab dès septembre 2024. Un stock d’état a alors été constitué, permettant la mise à disposition du produit sans frais pour les patients éligibles : enfants nés après le 6 février 2023, incluant ceux éligibles au palivizumab. Une première commande de 200 000 doses a été réalisée, avec deux circuits de distribution : les maternités pour les enfants nés à partir de mi-septembre (70 % des doses commandées), et les pharmacies pour les enfants nés entre février et septembre 2023 (30 % des doses commandées) (figure 2). Figure 2. Indication de la vaccination dans le carnet de santé.   … pour un produit victime de son succès !   L’adhésion des familles a très vite dépassé toutes les estimations, et a été chiffrée à 80-85 %. Un tel phénomène n’avait pas été observé pour les vaccinations non obligatoires récemment ajoutées au calendrier vaccinal des nourrissons. Les explications possibles incluent la peur de la maladie conjuguée avec la confiance dans le produit. La bronchiolite est bien connue des familles, qui ont souvent été confrontées à un cas dans leur entourage ou ont eu l’occasion de voir des vidéos d’enfants atteints sur les réseaux sociaux. Le retentissement médiatique de l’épidémie de la précédente saison a très certainement contribué à sensibiliser les jeunes parents. De leur côté, les professionnels de santé ont largement prescrit le nirsévimab, signifiant ainsi leur confiance. Certains parents ont été rassurés par le fait qu’il ne s’agit pas d’un vaccin. Enfin, la simplicité de la mise à disposition des nouveau-nés dans les maternités a été un ingrédient du succès. Très rapidement, la demande ayant largement excédé l’offre disponible, la distribution a dû être entièrement recentrée sur les maternités pour privilégier la protection des plus petits. Divers sentiments ont alors animé les parents, les médecins, les pharmaciens : déception, frustration, colère… qui sont la rançon de ce lancement anticipé.   Pour quelle réelle efficacité ?   Données françaises Dans les études, le nirsévimab a montré son efficacité entre 74,5 et 83,3 % pour réduire les consultations et les hospitalisations pour infections respiratoires basses à VRS(6,7). Une fois disponible à large échelle, l’impact en santé publique dépend de la proportion d’enfants immunisés. En France, les conditions de mise en place de l’immunisation n’ont pas permis de couverture élevée chez l’ensemble des moins de 3 mois avant décembre, date à laquelle l’épidémie était déjà en très franche diminution. La couverture des enfants plus âgés a été faible. Il n’y a pas de surveillance en routine des infections à VRS, mais il existe une surveillance des motifs de recours à SOS médecins et le réseau OSCOUR fournit des données de consultations aux urgences et d’hospitalisations pour les bronchiolites, toutes causes confondues. Ces données semblent confirmer une épidémie d’ampleur diminuée chez les enfants de moins de 3 mois : alors que l’épidémie est semblable à celle de 2022-2023 chez les enfants de plus de 3 mois, elle se rapproche davantage de ce qui était observé avant la période pandémique chez les moins de 3 mois. De manière très intéressante, une étude monocentrique conduite au CHU de Saint-Étienne montre une nette élévation de l’âge moyen des enfants hospitalisés pour une première infection à VRS en 2023-2024 versus 2022- 2023(8).   Données internationales Plusieurs pays ont publié des données confirmant l’efficacité en vie réelle et/ou l’impact du nirsévimab. Au Luxembourg, l’immunisation par le nirsévimab a une couverture pour les nouveau-nés estimée à 84 %(9). Il est observé en 2023-2024 par rapport à 2022-2023 une baisse des hospitalisations liées au VRS de 69 % chez les enfants de moins de 6 mois, une réduction de la durée de séjour, particulièrement marquée chez les moins de 6 mois, et un recul des admissions en soins intensifs. En Espagne, le nirsévimab a été introduit dans son programme national pour tous les nourrissons en septembre 2023. La Galice, une région du Nord-Ouest, a obtenu des couvertures de 92,4 % pour les nouveau-nés et de 84,8 % chez les enfants nés avant septembre(10). On y observe une quasi-disparition des hospitalisations pour bronchiolites à VRS avant 6 mois, alors que l’épidémie est peu modifiée chez les enfants entrant dans leur deuxième saison de VRS. Des données allant dans le même sens sont disponibles aux États-Unis.   D’autres perspectives !   La prévention des infections à VRS fait l’objet d’importantes avancées. Pour protéger le tout petit, un vaccin utilisable pendant la grossesse a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne et la Haute autorité de santé (HAS) vient d’indiquer que cette vaccination, à réaliser entre 32 et 36 SA, ou l’immunisation passive par le nirsévimab, sont deux stratégies alternatives utilisables(11). Chez les nourrissons entrant dans leur 2e saison épidémique, un vaccin vivant atténué par voie nasale est à l’étude. Enfin, l’utilisation maintenant large des tests « triple PCR Covid-grippe-VRS » a contribué à la prise de conscience du fardeau du VRS chez les personnes plus âgées ou fragiles. Un vaccin sous-unitaire est maintenant disponible pour ces populations et la stratégie de prévention est actuellement examinée par la HAS(12).   En conclusion   La mise à disposition du nirsévimab a montré que les épidémies de bronchiolites submergeant le système de santé chaque automne ne sont pas une fatalité ! Si plusieurs solutions en termes de produits de santé sont maintenant disponibles, incluant le vaccin maternel, c’est le parcours de soins permettant un accès à la prévention pour chaque enfant éligible, de manière simple, qui doit encore être amélioré.

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